© Eric Garault

Le rêve américain en filigrane des auditions dans l’enquête en destitution contre Trump

Le Vif

« L’uniforme que je porte aujourd’hui est celui de l’armée américaine ». Témoin dans l’enquête en destitution contre Donald Trump, le lieutenant-colonel Vindman a repoussé en peu de mots les attaques de ceux qui mettent en cause sa loyauté parce qu’il est né à Kiev.

Comme lui, plusieurs des hauts responsables entendus ces derniers jours au Congrès des Etats-Unis incarnent l' »American Dream »: immigrés ou enfants d’immigrés, ils ont progressé jusqu’à atteindre des postes prestigieux au sein de l’administration, réalisant le « rêve américain » de leurs parents.

Tous ont affiché des états de service exemplaires, ainsi qu’un patriotisme nourri de reconnaissance pour le pays qui leur a offert la chance de progresser et, pour certains, un « refuge » face à l’oppression.

Cela n’a pas suffi à les protéger des rancoeurs suscitées par l’explosive procédure en destitution, initiée par les démocrates après que Donald Trump a demandé à l’Ukraine d’enquêter sur un de ses potentiels adversaires à la présidentielle de 2020.

Alexander Vindman, dont la famille a fui l’antisémitisme de l’Union soviétique pour s’installer à New York quand il avait trois ans, a subi les attaques les plus vives.

Membre du Conseil de sécurité nationale à la Maison Blanche, il a témoigné mardi des pressions exercées sur Kiev par des proches du président. Pour le décrédibiliser, plusieurs partisans du président ont émis des doutes sur ses allégeances. Un commentateur invité sur la chaîne conservatrice Fox News est allé jusqu’à l’accuser d’être un « espion » à la solde de l’Ukraine.

Lors de son audition, un juriste au service des républicains l’a longuement interrogé sur le fait qu’un responsable ukrainien lui avait proposé de devenir ministre de la Défense à Kiev. L’officier a expliqué n’avoir jamais su si l’offre était sérieuse et avoir immédiatement décliné.

« Je suis Américain », a-t-il martelé, en répétant s’être engagé dans l’armée des Etats-Unis pour « servir la Nation qui a offert un abri à ma famille face à l’oppression et à l’autoritarisme ».

– « La grandeur de l’Amérique » –

Deux jours plus tard, dans la même enceinte, son ancienne supérieure hiérarchique, Fiona Hill, a volé à son secours. « Presque tout le monde ici a des migrants dans sa famille, et c’est ce qui fait la grandeur de l’Amérique », a déclaré la responsable, elle-même née en Angleterre et devenue américaine « par choix » en 2002.

« Ce pays m’a offert des opportunités que je n’aurais jamais eues en Angleterre. J’ai grandi dans un milieu pauvre avec un accent très fort de la classe ouvrière. Dans les années 80 et 90, ça aurait freiné ma carrière », a confié Mme Hill.

Elle-même a été décrite par un site d’extrême droite comme une « gauchiste internationaliste et une taupe au service de George Soros » – le milliardaire et philanthrope est souvent l’objet de campagnes antisémites.

Mme Hill en a plaisanté mais s’est dite « furieuse » que l’ancienne ambassadrice à Kiev, Marie Yovanovitch, née au Canada de parents ayant fui les régimes soviétique et nazi, ait subi ce type d’attaques.

Visée par une campagne de dénigrement orchestrée par l’avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, la diplomate a été rappelée en mai aux Etats-Unis, ce qui, selon les démocrates, visait à laisser les coudées franches aux proches du président dans ce pays.

– « Zélés » –

Pendant son audition, Donald Trump l’a critiquée en direct sur son compte Twitter. C’est « intimidant », a sobrement commenté Mme Yovanovitch, après avoir elle aussi témoigné de sa « profonde gratitude envers les Etats-Unis » qui ont accueilli sa famille.

L’ambassadeur Gordon Sondland, dont les parents ont fui l’Allemagne nazie pour s’installer en Uruguay puis à Seattle, a également souligné avoir grandi dans une famille qui, « comme de nombreux immigrés », était « humble, dure à la peine et patriote ».

Dans un éditorial, Will Bunch, du journal Philadelphia Inquirer, a souligné « le thème subliminal » des auditions: l’histoire d’immigrés devenus « défenseurs zélés » des Etats-Unis.

« Les histoires de migrants entendues dans ces auditions sont parmi les plus fortes que l’on m’ait racontées », a abondé l’élu démocrate Adam Schiff en s’adressant à Mme Hill. « Vous, le docteur Vindman et les autres êtes le meilleur de ce pays ».

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