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Le rapprochement avec Poutine réveille l’opposition à la diplomatie de Trump

Le Vif

Alliés déboussolés, adversaires courtisés, classe politique américaine en émoi: la tournée européenne de Donald Trump et sa tentative de rapprochement avec Vladimir Poutine a accéléré le grand chambardement diplomatique voulu par l’iconoclaste président des Etats-Unis, mais semble aussi avoir suscité une résistance nouvelle à Washington.

– Quel avenir pour les relations américano-russes après Helsinki? –

Clou du voyage, le sommet de lundi dans la capitale finlandaise avec son homologue russe n’a abouti à aucune décision spectaculaire sur les nombreuses crises internationales, de la Syrie à l’Ukraine en passant par l’Iran ou le désarmement. C’est presque un motif de satisfaction pour les observateurs occidentaux qui redoutaient une concession-surprise de Donald Trump.

Sur ces dossiers, les deux hommes ont prévu de relancer la coopération bilatérale et d’offrir un nouveau départ à des relations américano-russes au plus bas.

C’était une promesse électorale de Donald Trump, qui butait jusque-là sur la suspicion créée par l’affaire russe: l’ingérence de Moscou dans l’élection présidentielle de 2016, certifiée par le renseignement américain, et des soupçons de collusion entre l’équipe du candidat républicain et le Kremlin de Vladimir Poutine, le tout faisant l’objet d’une enquête fédérale qui empoisonne le mandat du milliardaire à la Maison Blanche.

Mais la prestation de Donald Trump lors de sa conférence de presse avec Vladimir Poutine, au cours de laquelle il a semblé donner plus de poids aux dénégations du président russe qu’aux rapports de ses propres services de renseignement, risque d’avoir décuplé cette suspicion. D’autant que le maître du Kremlin a reconnu avoir souhaité la victoire de son homologue.

« Il n’a pas suffisamment caché ses cartes et sa prestation d’Helsinki s’est transformée en piqûre de rappel aux Etats-Unis », dit à l’AFP Erwan Lagadec, professeur à la George Washington University. Conséquence: Donald Trump va peut-être devoir mettre à nouveau entre parenthèses le réchauffement américano-russe.

– Qui sont les alliés et qui sont les adversaires des Etats-Unis? –

Helsinki était la dernière étape d’une tournée qui a mis à rude épreuve les alliés de Washington. Otan, Union européenne, Allemagne et Royaume-Uni ont eu droit aux critiques du président américain, comme le Canada et le G7 avant eux, sur fond de guerre commerciale.

Le contraste était donc saisissant avec l’entente affichée avec le président russe, adversaire supposé des Etats-Unis, après, déjà, les images chaleureuses avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un en juin.

Cette tournée « a révélé que le président n’a désormais plus aucune limite et agit conformément à ce qu’il croit viscéralement devoir être le rôle de l’Amérique dans le monde », estime Thomas Wright, du think tank Brookings Institution. Et cela inclut selon lui « une opposition aux alliances et au libre-échange, et son soutien aux hommes forts autoritaires et à la Russie ».

L’effort attribué au début de son mandat à certains membres de l’administration, parfois surnommé « l’axe des adultes », pour « contenir » le président « a échoué », regrette encore Thomas Wright.

Pour Erwan Lagadec, « finalement, Trump est assez prévisible: il est convaincu qu’il doit tenir ses promesses, quelles que soient leurs limites », et « il veut être l’anti-Obama » en effaçant les décisions de son prédécesseur démocrate. Et peu importe si cela implique de tourner la page à des décennies de traditions diplomatiques.

– Trump peut-il aller au bout de ce grand chambardement? –

Le numéro avec Poutine pourrait toutefois avoir montré les limites de sa démarche: les voix pour soutenir Trump sont rarissimes à Washington.

Certains, comme l’ex-diplomate Aaron David Miller, font même un parallèle avec sa « performance sur Charlottesville », quand, après des violences dans cette ville des Etats-Unis, le président avait glacé la classe politique en mettant sur un pied d’égalité manifestants racistes et antiracistes. Cette fois, il a mis sur un pied d’égalité l’Amérique et la Russie. « Deux jours d’infamie au cours desquels un président américain a évoqué une équivalence morale; échoué à condamner un adversaire des Américains et des groupes haineux; et trahi les valeurs et intérêts américains », a-t-il lâché sur Twitter.

Or « la Russie est une ligne rouge pour l’establishment républicain, c’est la goutte d’eau qui va réveiller les résistances », prévient Erwan Lagadec. « Il va faire face à un retour de bâton immédiat. »

Selon le professeur à la George Washington University, cet épisode pourrait même changer « les équilibres internes à la politique américaine » car « le Congrès va être forcé de reprendre la main et de se confronter au pouvoir exécutif pour encadrer Trump et sa politique étrangère ».

Le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Bob Corker, semble lui donner raison. « Les digues lâchent, enfin », a lancé sur Twitter le sénateur républicain après les critiques émises par nombre de ses collègues jusque dans le camp présidentiel. « Il est temps pour le Congrès de passer à la vitesse supérieure et de reprendre nos prérogatives. »

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