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Le procès emblématique du régime khmer rouge débute lundi

Le procès emblématique du régime khmer rouge qui a fait quelque deux millions de morts commence véritablement lundi, mais l’absence de dernière minute d’une des quatre accusés, déclarée folle, réduit encore l’espoir des victimes d’entendre enfin la vérité.

Plus de trente ans après les faits, l’idéologue du régime Nuon Chea, l’ex-ministre des Affaires étrangères Ieng Sary et le président du « Kampuchea démocratique » Khieu Samphan doivent répondre devant le tribunal de Phnom Penh parrainé par l’ONU de leurs responsabilités dans les atrocités commises au nom d’une utopie marxiste délirante. Environ deux millions de personnes sont mortes d’épuisement, de famine, de maladie ou à la suite de tortures et d’exécutions entre 1975 et 1979.

Manquera cruellement à l’appel l’ancienne ministre des Affaires sociales Ieng Thirith, qui souffre de démence et que les juges ont déclaré jeudi inapte à être jugée. Dans une annonce qui a fait l’effet d’une bombe, les magistrats ont également ordonné sa libération, immédiatement contestée en appel par les procureurs.

Malgré l’absence de la « première dame » des Khmers rouges, l’ouverture tant attendue du procès des plus hauts responsables encore en vie du régime de Pol Pot, mort en 1998 sans jamais avoir été inquiété, est un moment historique pour un pays qui espère enfin pouvoir tourner cette page noire de son histoire. « C’est un moment qui fait date pour le tribunal et pour le Cambodge », a commenté Clair Duffy, observatrice de la cour pour l’organisation Open Society Justice Initiative.

Des centaines de Cambodgiens feront le déplacement et les audiences seront diffusées à la télévision. « Nous voulons que justice soit rendue », a souligné Chum Mey, survivant de 80 ans. « Les victimes veulent que les accusés disent la vérité, pour l’Histoire ». Mais leurs attentes risquent d’être déçues par les trois octogénaires poursuivis pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, qui rejettent toutes les accusations.

Seul Khieu Samphan a assuré de sa coopération. « Je ne suis pas, personnellement, au courant de tout, mais je vais tenter, du plus profond de mon coeur, de m’assurer que tout soit révélé », avait-il déclaré en juin lors de l’ouverture technique du procès, immédiatement renvoyé. Nuon Chea avait lui quitté la salle d’audience. Et Ieng Sary a annoncé le mois dernier qu’il n’avait pas l’intention de témoigner. Des comportements qui consternent les survivants, comme Theary Seng, « frustrée, au delà des mots » de ne pas pouvoir entendre la vérité de la bouche des dignitaires du régime.

Mais « le dossier contre eux peut être prouvé sans qu’ils donnent d’éléments », a assuré le procureur international Andrew Cayley. Alors que beaucoup craignent que certains des accusés ne meurent avant d’entendre un verdict, le tribunal souvent accusé de lenteur a découpé le procès pour accélérer la procédure.

Le premier segment à partir de lundi sera consacré aux déplacements forcés de population et aux crimes contre l’humanité. Mais Andrew Cayley a malgré tout l’intention d’évoquer tous les crimes lorsqu’il prendra le premier la parole lundi. « C’est un jour très important. C’est un résumé des preuves que le tribunal devrait entendre ».

Ce procès est le deuxième du tribunal international. En juillet 2010, Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison S21 de la capitale où quelque 15.000 personnes ont été torturées avant d’être exécutées, avait été condamné à 30 ans de prison. Le verdict en appel est attendu le 3 février.

Deux autres dossiers potentiels contre des cadres moins importants du régime devraient, selon les observateurs, être abandonnés. Alors que le Premier ministre Hun Sen s’est toujours publiquement opposé à d’autres procès, les accusations de pressions du gouvernement cambodgien sur le tribunal ont provoqué une véritable polémique ces derniers mois.

LeVif.be, avec Belga.

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