© Reuters

Le président Kaczynski mérite-t-il de reposer au « Panthéon » polonais?

L’émotion qui a suivi le crash de l’avion présidentiel a soudé les Polonais. Le choix du « Panthéon » polonais comme lieu de sépulture pour le président Lech Kaczynski les divise.

Le président polonais Lech Kaczynski et son épouse Maria, décédés dans le crash de leur avion samedi dernier, doivent être enterrés dimanche prochain dans une crypte de la cathédrale du château du Wawel de Cracovie. Ce choix, annoncé mardi par l’Eglise polonaise, suscite un vif débat dans un pays que l’émotion avait soudé.

Car le Wawel de l’ancienne capitale de la Pologne est un lieu sacro-saint aux yeux des Polonais. « Ce lieu est un symbole historique et patriotique », explique Eryk Mistewicz, conseiller en communication institutionnelle et politique polonais. D’après lui, ce choix contribue à la création d’un « mythe Kaczynski ». « Il reposerait près des Rois de Pologne, et du maréchal Jozef Pilsudski, père de l’indépendance polonaise en 1918, après deux siècles de dominations étrangères ».

Parmi les grands hommes de ce « Panthéon » érigé à partir du XIVe siècle sur une colline qui domine la ville: les derniers rois de la dynastie des Piast, ceux de la puissante dynastie des Jagellon et de la dynastie des Vasa, le général Tadeusz Kosciuszko, combattant pour l’indépendance des Etats-Unis et chef d’une insurrection polonaise dont l’échec à abouti en 1795 au troisième partage de la Pologne entre la Russie, l’Autriche et la Prusse, ou encore les poètes romantiques Adam Mickiewicz et Juliusz Slowacki.

Un déshonneur pour le Wawel

Le défunt président conservateur Kaczynski serait ainsi le premier président de la nouvelle république polonaise, née de la chute du communisme en 1989, à reposer au Wawel. Le représentant de la droite conservatrice et catholique transfiguré en héros par la tragédie de Smolensk, voilà un hommage que certains jugent immérité, en Pologne.

Dès mardi soir, une manifestation rassemblait à Cracovie quelques centaines de mécontents armés de pancartes : « Etes-vous sûr que Kaczynski soit l’égal des rois de Pologne? » ou « Ne déshonorez pas le Wawel! » Quelques protestations ont également éclos dans les rues de Varsovie, Poznan et Gdansk, mercredi.

Mercredi également, le grand quotidien de centre gauche Gazeta Wyborcza a publié une lettre ouverte du cinéaste polonais Andrzej Wajda, auteur du du film « Katyn » dans laquelle il dénonçait ce choix « déplacé, pris à la hâte, au moment du deuil ». Dans sa lettre, il s’inquiétait de voir cette décision « provoquer des divisions au sein de la société polonaise, les plus profondes depuis 1989 », moment de la chute du communisme en Pologne. Et a invité l’Eglise à revenir sur son choix.

Semblant prendre ses distances, le président libéral en exercice Bronislaw Komorowski a précisé que la décision était celle de la famille et des autorités de l’Eglise « sans intervention du gouvernement ». Une précision qui désigne tout naturellement le frère jumeau de Lech Kaczynski, Jaroslaw, chef du parti d’opposition conservatrice Droit et Justice (PiS) qui n’aurait « plus la tête à la politique » après le drame, mais dont on ne sait encore s’il se présentera à la présidentielle anticipée du 20 juin prochain.

« La décision a été prise. Elle ne sera pas changée, tant pour des raisons familiales que pour ne pas nuire à l’image de la Pologne », a déclaré Adam Bielan, eurodéputé du PiS très proche des Kaczynski. Le cardinal Stanislaw Dziwisz, qui avait annoncé le choix du Wawel, a lui même semblé vouloir désamorcer par avance une polémique en annonçant la nouvelle, disant que « la discorde ne sert personne » et souhaitant que « ces obsèques et ce lieu unissent » les Polonais.

Certes, la mobilisation de ceux qui s’opposent au choix de Wawel n’est pour l’heure pas comparable à la file d’attente qui serpente sur des dizaines de mètres à Varsovie, du palais présidentiel jusqu’à une place voisine, alors que des milliers de Polonais veulent rendre un dernier hommage au couple présidentiel. Mais elle est bien le signe d’un tournant dans l’opinion. Alors que le deuil national décrété après le drame doit durer officiellement jusqu’à la fin de la semaine, le temps des larmes semble révolu.

LExpress.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire