Arseni Iatseniouk © REUTERS

Le Premier ministre ukrainien annonce sa démission

Le Vif

Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, vivement critiqué notamment pour le retard pris dans la mise en oeuvre de réformes, a annoncé dimanche à la télévision ukrainienne avoir démissionné de son poste.

« J’ai décidé de quitter ma fonction de Premier ministre de l’Ukraine », a-t-il déclaré dans un message diffusé à la télévision ukrainienne, et cité par l’agence de presse Interfax-Ukraine.

Il était impopulaire et critiqué à cause de la lenteur des réformes ainsi qu’en raison des scandales de corruption touchant son entourage.

Sur la sellette depuis des mois

Nommé en 2014 à la tête d’un gouvernement chargé de remettre l’Ukraine sur les rails après le mouvement pro-européen de contestation du Maïdan, Arseni Iatseniouk est un ancien banquier dont l’image de réformateur a pâli au fil des promesses non tenues jusqu’à sa démission.

Pro-occidental fervent, il était sur la sellette depuis des mois. Une motion de censure mi-février avait failli faire tomber cet homme de 41 ans, grand et svelte, perçu comme le meilleur candidat pour diriger un nouveau gouvernement réformateur en février 2014 au soir de la chute du président prorusse Viktor Ianoukovitch après une tentative de répression dans le sang du mouvement du Maïdan.

Il devient alors le plus jeune Premier ministre de l’histoire de l’Ukraine et se démarque vite de ses prédécesseurs aux passés et habitudes soviétiques.

Premier chef du gouvernement à parler couramment l’anglais, il s’entretient sans interprète avec les dirigeants occidentaux pour leur demander de soutenir son pays face à l' »invasion » militaire de la Russie.

Celle-ci a annexé en mars 2014 la péninsule ukrainienne de Crimée et est accusée d’avoir instigué et soutenu militairement le sanglant conflit armé avec les rebelles prorusses dans l’Est de l’Ukraine, qui a fait plus de 9.000 morts depuis son déclenchement en avril 2014.

Pro-Otan

Ses prises de position antirusses et son plaidoyer en faveur de l’adhésion à l’Otan, idée dont la popularité a bondi depuis 2014 en Ukraine, touchent la fibre patriotique d’une bonne partie de la population, ce qui a permis à son parti Front national d’arriver en tête du scrutin proportionnel lors des législatives de fin 2014.

Alors que l’Ukraine est confrontée à une crise économique gravissime, il joue aussi la carte populiste en voyageant en classe économique pour ses visites officielles, du jamais vu dans ce pays dont les dirigeants ont jusqu’à alors privilégié un mode de vie luxueux.

Enfin, sa politique de rigueur budgétaire, notamment la hausse drastique des charges communales, l’aide à obtenir une importante perfusion du Fonds monétaire international.

Mais sa gloire est désormais bien fanée auprès de la population, une écrasante majorité d’Ukrainiens réclamant sa démission.

Son bilan économique est terne: malgré une restructuration réussie de la dette publique, l’ampleur des réformes est largement insuffisante, le PIB a chuté de presque 7% en 2014 et de 10% l’année suivante. Dans le même temps, la monnaie nationale a perdu deux tiers de sa valeur, provoquant une flambée de l’inflation (43% en 2015) et l’effondrement du pouvoir d’achat des Ukrainiens.

Enfin, le FMI a menacé de mettre fin à son aide, si Kiev n’accélère pas ses réformes et ne renforce pas sa lutte contre la corruption après une série de scandales qui ont éclaboussé ces dernier mois l’entourage du Premier ministre et du président et poussé plusieurs réformateurs à la porte.

Banquier, ministre, parlementaire

Marié et père de deux filles, Arseni Iatseniouk exige de ses collaborateurs un dévouement absolu, cherche à tout contrôler et manque d’humanité, se plaignent certains de ses anciens collaborateurs.

Originaire de Tchernivtsi (sud-ouest), ce juriste et économiste de formation n’était pas un novice avant de devenir Premier ministre. Il a d’abord à l’été 2001 ministre de l’Économie de Crimée, bien longtemps avant l’annexion par la Russie de cette péninsule ukrainienne.

Après un passage réussi par la Banque centrale, la Révolution orange de 2004 le propulse en 2005 au poste de ministre de l’Économie. Il dirige brièvement la diplomatie ukrainienne en 2007 et négocie notamment l’entrée de l’Ukraine dans l’Organisation mondiale du Commerce et le développement des relations avec l’Union européenne.

Une expérience qui s’est avérée précieuse pour négocier plus tard avec le Fonds monétaire international l’obtention d’une importante aide financière, et avec l’Union européenne pour ressusciter et signer l’accord d’association qu’avait rejeté M. Ianoukovitch.

Après le ministère des Affaires étrangères, il devient président du Parlement. Et en 2010, il se porte candidat à la présidentielle et arrive en 4e position avec 7% des voix.

Perspicace, il avait alors décliné la proposition du vainqueur Viktor Ianoukovitch de rejoindre le gouvernement.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire