Le pape François,le premier ministre grec et l'archevêque grec Ieronimos, à Lesbos, le 16 avril 2016 © Reuters

Le Pape à Lesbos auprès des migrants, avec l’intention de ramener au Vatican les plus vulnérables

Le Vif

Le pape François a rencontré samedi des migrants et réfugiés détenus dans le camp de Moria, sur l’île grecque de Lesbos, porte d’entrée en Europe de dizaines de milliers de migrants auxquel il entend dire sa solidarité.

Le pape a également manifesté l’intention de ramener au Vatican des réfugiés de Lesbos appartenant à des groupes vulnérables, mais arrivés avant le 20 mars, a indiqué le gouvernement grec.

Accompagné de ses deux principaux hôtes de la journée, Bartholomée, le patriarche de Constantinople qui exerce une primauté honorifique au sein des patriarches orthodoxes, et Ieronymos, l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, le pape a été accueilli avec des pancartes « Help » (à l’aide).

Les trois prélats ont ensuite longuement salué des centaines de migrants, parmi lesquels de nombreuses familles avec de jeunes enfants souvent. « Bénissez moi », a pleuré un migrant en s’agenouillant devant lui.

Quelque 3.000 migrants sont enfermés dans ce camp, aux conditions dénoncées comme misérables par les ONG. Beaucoup ont donné au pape des dessins, des lettres, et échangé quelques mots avec l’aide de plusieurs traducteurs.

Arrivés à Lesbos après l’entrée en vigueur le 20 mars de l’accord entre l’Union européenne (UE) et la Turquie, les détenus de Moria sont voués à être renvoyés, sauf hypothétique acceptation de leur demande d’asile en Grèce.

Devant le pape, Tsipras a mis en cause u0022certains partenaires européens qui au nom de l’Europe chrétienne ont élevé des mursu0022

« C’est un voyage un peu différent des autres. Un voyage marqué par la tristesse (…) Nous allons rencontrer la pire catastrophe humanitaire depuis la Seconde guerre mondiale. Nous allons voir tant de gens qui souffrent, qui fuient et qui ne savent pas où aller. Et nous allons aussi à un cimetière, la mer. Tant de gens ne sont jamais arrivés », avait déclaré le pape en vol.

A sa descente d’avion, il a été accueilli par le Premier ministre de gauche grec, Alexis Tsipras. Saluant sa visite « historique », M. Tsipras a mis en cause devant lui « certains partenaires européens qui au nom de l’Europe chrétienne ont élevé des murs ».

L’année dernière, plus d’un demi-million de migrants sont passés par Lesbos, et cette année, l’île a déjà vu débarquer près de 90.000 personnes, dont plus d’un tiers d’enfants, selon l’ONU.

Mais les arrivées sont tombées à quelques dizaines par jour depuis l’accord UE-Turquie, marquant le durcissement européen face à l’exode, après les portes ouvertes de cet été.

Après de brefs discours, les trois hauts dignitaires déjeuneront avec huit migrants et trois traducteurs dans un des conteneurs aménagés du camp. Ils doivent ensuite se rendre sur le port de Mytilène, pour une rencontre avec les habitants de Lesbos ainsi que la toute petite communauté catholique locale.

Humanitaire, pas politique

Ce bref rendez-vous s’achèvera avec une prière pour les victimes des migrations, en mémoire desquelles les trois dignitaires lanceront chacun une couronne de fleurs en mer. Depuis le début de l’année, 375 migrants, en majorité des enfants, se sont noyés en tentant la traversée égéenne, s’ajoutant à des centaines de victimes en 2015.

Le pape doit repartir pour Rome à 15H15 (12H15 GMT). Selon le gouvernement grec, il a manifesté l’intention de ramener au Vatican des réfugiés de Lesbos appartenant à des groupes vulnérables, mais arrivés avant le 20 mars. « Il s’agira d’une visite strictement humanitaire et oecuménique, pas politique », a souligné le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi.

A Lesbos, les autorités ont encore fait passer dans la matinée quelques coups de peinture pour parfaire le nettoyage général des sites de la visite et effacer des derniers graffitis dénonçant la politique européenne envers les réfugiés. « Papa don’t preach », mentionnait l’un d’eux, reprenant le célèbre titre de Madonna, sous l’inscription « L’Etat assassine les réfugiés ».

Petit-fils d’immigrés italiens, le pape a multplié les prises de position fortes en faveur de l’accueil des réfugiés et migrants. Quelques mois après son élection, Jorge Bergoglio s’était rendu sur l’île italienne de Lampedusa, alors principale porte d’entrée des migrants, pour fustiger « la mondialisation de l’indifférence » devant les drames migratoires.

A l’automne, alors que l’Europe commençait à se verrouiller face à l’afflux de réfugiés dont beaucoup viennent de pays en guerre (Syrie, Irak, Afghanistan…), François avait solennellement appelé chaque paroisse du continent à accueillir une famille de migrants, refusant ostensiblement, contrairement au droit international, de faire la différence entre ceux qui fuient la violence et la misère.

Partout dans le monde, les organisations caritatives catholiques sont fortement engagées sur la route des migrants et dans leur accueil, sans distinction de religion. Mais le message du pape se heurte aux mouvements xénophobes en pleine poussée en Europe, ainsi qu’à la réticence de nombreux chrétiens face à un afflux de musulmans.

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