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Le noyau dur indépendantiste catalan dans le collimateur de la Justice

Le Vif

Dix-huit candidats indépendantistes aux élections de jeudi en Catalogne sont poursuivis par la Justice pour leurs desseins séparatistes. Ces poursuites pourraient entraîner des condamnations dépassant les 15 ans de prison. Trois candidats sont actuellement incarcérés.

Le juge chargé de l’instruction sur les actions du président indépendantiste catalan destitué Carles Puigdemont et de son gouvernement a résumé, dans un arrêt récent, les soupçons qui pèsent sur eux. Selon lui, « ils faisaient partie d’une organisation qui avait une stratégie préméditée et parfaitement coordonnée, impliquant une distribution des rôles entre autorités gouvernementales, parlementaires et civiles principalement par le biais d’associations indépendantistes comme l’Assemblée nationale catalane (ANC) et [l’association qui oeuvre pour la promotion de la langue et de la culture catalanes] Omnium Cultural », pour parvenir à la sécession de la Catalogne.

En réalité, la Justice est saisie d’une multitude d’enquêtes. À Barcelone, un juge avait commencé à creuser dès le printemps sur un prétendu vol de données privées qui aurait eu pour but de permettre aux séparatistes de disposer d’un trésor public. La Cour d’appel de Barcelone enquêtait aussi depuis début septembre sur de possibles actes de désobéissance à la Justice et des malversations de fonds pour organiser le référendum interdit par la Cour constitutionnelle. L’enquête vise les membres de l’exécutif destitué.

Sédition

En septembre la situation se tend. La garde civile multiplie les perquisitions et procède le 20 à l’arrestation de 14 hauts responsables catalans, déclenchant des manifestations importantes. L’une d’entre elles bloque pendant plusieurs heures dans un bâtiment de l’exécutif catalan des agents qui perquisitionnaient. Des responsables indépendantistes se hissent sur une voiture de la garde civile pour tenir un meeting.

À Madrid, la juge de l’Audience nationale Carmen Lamela ouvre une enquête pour « sédition », passible de 15 ans de prison. Le délit consiste à se révolter « publiquement et en suscitant des troubles » pour empêcher l’application des lois.

Dans l’intervalle, les indépendantistes ont organisé le référendum d’autodétermination interdit, le 1er octobre. Des milliers d’électeurs se pressent devant les bureaux de vote. La journée est émaillée par des violences policières, qui font l’objet d’une enquête à Barcelone : début décembre, 257 plaintes de personnes se disant blessées avaient été déposées.

Début octobre, le noyau dur indépendantiste commence à tomber. Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, présidents des associations séparatistes ANC et Omnium sont inculpés. Ils sont placés en détention le 17 octobre.

Rébellion

Le bras de fer entre Madrid et les indépendantistes continue et débouche le 27 octobre sur la déclaration d’indépendance. Le 31, la juge Carmen Lamela se saisit de faits de « rébellion ». Ce délit passible de 25 ans d’incarcération implique un soulèvement « public et violent » en vue notamment de déclarer l’indépendance.

Désormais, l’essentiel du dossier est entre les mains du juge de la Cour suprême Pablo Llarena, qui reste aussi saisi de faits de « sédition » et « malversation de fonds ». Vingt-deux personnes sont poursuivies : l’ensemble du gouvernement catalan destitué, soit 14 personnes, la présidente séparatiste du Parlement Carme Forcadell et les dirigeants d’ANC et Omnium. Quatre sont encore en détention provisoire, dont trois candidats : Oriol Junqueras, Joaquim Forn et Jordi Sanchez.

À Bruxelles, Puigdemont et quatre ex-ministres sont également visés par un mandat d’arrêt qui sera exécuté s’ils rentrent en Espagne. Le juge a également demandé à la Garde civile d’enquêter sur d’autres responsables au sein du parti PDeCAT de Carles Puigdemont et d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), dont Marta Rovira, numéro deux sur la liste de ce parti, qui risque aussi une inculpation.

Controverse

Les avocats des inculpés estiment que les poursuites sont excessives, soulignant que le mouvement indépendantiste a toujours été pacifique. Ils se plaignent aussi des incarcérations, qui privent les candidats à l’élection de jeudi de leurs droits politiques, les limitant à dix appels téléphoniques de cinq minutes par semaine et en théorie cantonnés à la sphère privée.

Carles Puigdemont s’est également plaint de ne pas pouvoir exercer son droit de vote puisqu’il risque d’être arrêté dès son arrivée sur le sol espagnol. Il avait cependant annoncé qu’il « courrait le risque » de rentrer en Espagne si les urnes le désignaient à nouveau président de la Catalogne le 21 décembre.

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