Gérald Papy

« Le nouveau visage policé de la droite radicale »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le Parlement européen de l’après-élections du 26 mai devra composer avec un nouvel acteur de la mouvance d’extrême droite ou populiste qui en compte déjà une flopée.

En remportant les élections provinciales du mercredi 20 mars, en devenant le premier parti au Sénat (13 sièges sur 75, les sénateurs sont élus par les membres des Etats provinciaux) et en mettant en minorité dans cette assemblée le gouvernement quadripartite de centre-droit de Mark Rutte, le Forum pour la démocratie (FvD) a fait une percée étonnante sur l’échiquier politique des Pays-Bas – il ne disposait d’aucun élu dans la Première chambre – et ringardisé dans la foulée la formation d’extrême droite du sulfureux Geert Wilders. Derrière ce parti qui n’avait récolté que 1,78 % des voix et deux élus un an après sa fondation aux élections législatives de 2017, figure une personnalité atypique en politique, Thierry Baudet.

Pour muer du professeur de droit de l’université de Leyde au tribun anti-Europe, anti-immigration et climatosceptique qui déstabilise le gouvernement, le Néerlandais aux origines franco-wallonne (Braine-le-Comte) et indonésienne a théorisé une idéologie dans l’ouvrage Indispensables frontières. Pourquoi le supranationalisme et le multiculturalisme détruisent la démocratie (éd. du Toucan, 592 p.). Au moment de le défendre lors de sa parution en français il y a quatre ans (lire Le Vif/L’Express du 17 avril 2015), il enrobait encore ses convictions de la neutralité scientifique qui sied à l’universitaire.  » L’Etat-providence n’est envisageable qu’à l’intérieur d’un Etat-nation. La cohésion sociale nécessaire à cette politique n’existe pas au-delà de ce niveau d’organisation, nous justifiait-il. C’est un argument très fort pour une doctrine sociale-démocrate. En fait, il est étrange que les partis socialistes aient appuyé le dépassement de l’Etat-nation alors que les formations libérales le prônaient au nom de l’ouverture du marché libre. Mon plaidoyer pour l’Etat-nation n’est pas forcément de droite.  »

Aujourd’hui, le Forum pour la démocratie entretient une radicalité qui le situe entre l’extrême droite et la droite classique, et assurément plus près de la première. Sa volonté de rupture est mâtinée de réalisme. Thierry Baudet est favorable à un contrôle strict de l’immigration sans sombrer dans le délire antimusulman affiché par Geert Wilders et son Parti pour la liberté (PVV). Il a remisé son projet de sortie des Pays-Bas de l’Union européenne ; les interminables affres du Brexit n’y sont pas étrangères.

Le Forum pour la démocratie participe d’une tendance européenne à policer un discours extrémiste pour le présenter comme  » compatible  » avec les prescrits démocratiques mais sans complètement convaincre qu’il ne l’est plus. Le processus peut s’opérer soit par mutation d’un parti existant (le Rassemblement national, ex-Front national, le Mouvement social italien devenu Alliance nationale dans les années 1990), soit par création ex nihilo (l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), le Forum pour la démocratie, les listes Destexhe en Belgique). Dans tous les cas, la conversion à la raison et à la tolérance démocratiques qui requiert le rejet des thèses extrémistes et haineuses se juge uniquement sur les actes.

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