Le multilatéralisme en fil rouge du discours de Charles Michel à la tribune de l'ONU © BELGA

Le multilatéralisme en fil rouge du discours de Charles Michel à la tribune de l’ONU

Le Premier ministre Charles Michel a axé vendredi son discours à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’importance du multilatéralisme pour faire face aux nombreux défis internationaux actuels, une intervention tranchant avec celle aux accents souverainistes du président américain Donald Trump en début de semaine.

La thématique environnementale a été abordée d’entrée par M. Michel, qui est revenu sur les catastrophes naturelles qui se sont abattues ces dernières semaines sur les Caraïbes et le Mexique.

« Ces drames résonnent comme un coup de semonce. Le rappel de l’extrême urgence à agir, tous ensemble, contre le réchauffement climatique », a-t-il affirmé, avant d’insister sur le devoir de léguer aux générations futures « une planète vivable et respirable, forte de sa diversité biologique » .

Le chef du gouvernement belge a ensuite plaidé pour le respect des libertés fondamentales et de l’Etat de droit sur l’ensemble de la planète. « Il s’agit, grâce au dialogue constant et inlassable de défendre sans aucune complaisance les valeurs universelles. (…) Jamais et nulle part la rupture diplomatique n’a fait progresser les valeurs universelles. Rompre le dialogue c’est un acte lâche d’abandon de ceux qui se battent dans le pays pour plus de liberté », a-t-il poursuivi.

Charles Michel a également insisté sur l’importance de la coopération internationale et du dialogue pour « un monde plus sûr ». Il est revenu spécifiquement sur les tensions avec la Corée du Nord et la République islamique d’Iran sur le nucléaire.

« L’accord conclu après plusieurs années de négociation avec l’Iran sur la question nucléaire doit être préservé et mis en oeuvre », a pointé le Premier ministre. « Balayer un tel accord d’un revers de la main, sans proposer aucune alternative, ne nous parait ni sage, ni souhaitable », a-t-il lancé, alors que le président Trump menace de sortir de cet accord.

En ce qui concerne Pyongyang, Charles Michel a estimé qu’il ne suffisait pas de dénoncer un « régime autocratique et provocateur » et a appelé à une mobilisation internationale « pour tisser les fils du dialogue, en impliquant le sens des responsabilités d’acteurs tels que la Chine ou la Russie ».

En fin de discours, le chef du gouvernement fédéral est entre autres revenu sur la situation dans la Région des Grands Lacs, en appelant à un renforcement de la « concertation internationale et régionale ».

« À l’heure où le débat sur le coût des opérations de maintien de la paix est entamé, nous ne pouvons pas abandonner la République démocratique du Congo. Nous devons au contraire l’accompagner pour qu’elle puisse s’ancrer dans un processus démocratique irréversible au moyen notamment de l’organisation d’élections honnêtes, transparentes et inclusives », a-t-il notamment pointé.

M. Michel a rappelé à la fin de son intervention que la Belgique était « une terre de compromis » et que c’était dans cet esprit qu’elle était candidate pour un siège non-permanent au Conseil de Sécurité en 2019-2020.

72e Assemblée générale des Nations Unies : discours du Premier ministre Charles Michel

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire Général,

Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,

Mesdames et Messieurs les chefs de délégation,

Priorité : Climat – environnement

Je souhaite exprimer notre soutien aux victimes des derniers ouragans. Ainsi, qu’aux victimes de tremblements de terre au Mexique.

Ces catastrophes naturelles brisent brutalement des vies et des rêves. Elles entrainent instabilité et insécurité. Surtout, ces drames résonnent comme un coup de semonce. Le rappel de l’extrême urgence à agir, tous ensemble, contre le réchauffement climatique.

Je salue ici, dans la foulée des Accords de Paris, l’initiative du Président français Emmanuel Macron, visant à consacrer un véritable et ambitieux « Pacte pour l’environnement ». Il n’est plus question de remettre à plus tard ce que nous devons faire aujourd’hui. Le doute n’est plus permis. Pour de nombreux pays, en particuliers les Etats insulaires du Pacifique, de l’Océan Indien et des Caraïbes, ces phénomènes naturels ont un impact immédiat pour leur survie.

Nous devons léguer à nos enfants une planète vivable et respirable, forte de sa diversité biologique. Déployons le meilleur de nos intelligences, la force des capacités d’innovation, pour relever ce défi existentiel.

Priorité : Libertés fondamentales – Etat de droit – dignité

Nous voulons un monde meilleur. Combattre sans relâche les injustices, les inégalités et toutes les formes de discrimination, qu’elles soient fondées sur la religion, la culture, la couleur de la peau ou encore les orientations sexuelles. Faire progresser les libertés fondamentales et universelles.

Quand on veut le meilleur pour son pays et pour ses compatriotes, il ne peut être question de redouter la liberté de la presse ou la liberté d’expression.

Trop souvent, des élections sont manipulées, la justice est truquée, l’opacité est organisée et la corruption est généralisée. Les institutions nationales, comme internationales, doivent garantir les libertés personnelles et la quête constante vers plus d’émancipation, vers plus de dignité pour chacun.

La souveraineté doit être pleinement respectée. Mais la souveraineté ne peut pas être un paravent, ni une excuse pour tenter de légitimer exactions et asservissements.

Il ne s’agit pas de faire des leçons de morale. Ni de vouloir dicter, de gré ou de force, un modèle de démocratie « clé sur porte ». Il s’agit de convaincre. Il s’agit, grâce au dialogue constant et inlassable de défendre sans aucune complaisance les valeurs universelles. Pour chaque être humain. D’où qu’il vienne et où qu’il aille.

Jamais et nulle part, la rupture diplomatique n’a fait progresser les valeurs universelles. Rompre le dialogue, c’est un acte lâche d’abandon de ceux qui se battent dans le pays pour plus de libertés.

Priorité- Sécurité

Nous voulons un monde plus sûr. La paix, la sécurité et la stabilité sont les meilleures garanties pour que chacun puisse être maitre de sa vie : manger à sa faim, travailler, se loger, envoyer ses enfants à l’école… Trop de conflits, trop de guerres, trop de haine gangrènent encore aujourd’hui les rêves et les espoirs.

Aucun continent n’échappe au fléau du terrorisme. Nourrir la haine, inoculer le poison de la division, voilà l’objectif macabre des terroristes.

Des assassinats aveugles et barbares qui détruisent le destin des familles. Personne ne peut rester indifférent.

Mon pays participe à la coalition internationale. Les forces militaires font reculer, en Irak et en Syrie, Daesh. Nous sommes engagés pour soutenir des pays détruits à se reconstruire. Nous devons remporter la bataille pour les valeurs universelles. Nos valeurs de liberté, de tolérance, de non-discrimination sont plus fortes. La volonté de vivre ensemble, dans le respect de nos différences, de nos cultures, de nos coutumes, doit l’emporter.

Je veux citer ici ces mots de Gandhi, redoutables par leur justesse et leur actualité :  » en opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre ».

Une autre menace grave contre la sécurité du monde, c’est la prolifération non contrôlée des armes, notamment nucléaires.

Le monde est en ébullition. Les zones de conflit sont nombreuses.

Les solutions les plus durables et mutuellement bénéfiques sont toujours et politiques et diplomatiques. Davantage que militaires.

L’accord conclu après plusieurs années de négociation avec l’Iran sur la question nucléaire doit être préservé et mis en oeuvre.

Mon pays a de nombreuses divergences substantielles avec l’Iran. Et cependant, cet accord offre un canal de dialogue pour faire baisser les tensions et reculer le niveau de menace. Cet accord est l’occasion de s’entendre sur des objectifs et de gérer de manière pacifique nos différends.

Balayer un tel accord d’un revers de la main, sans proposer aucune alternative, ne nous parait ni sage, ni souhaitable.

La situation en Corée du Nord constitue aussi un témoignage éclairant. A l’inverse de l’Iran, il n’y a pas eu de processus continu de dialogue et de négociation. Résultat ? Une escalade néfaste qui menace la paix et la sécurité.

Nous dénonçons un régime autocratique et provocateur. Mais dénoncer ne suffit pas.

Nous devons être tous mobilisés pour tisser les fils du dialogue, en impliquant le sens des responsabilités d’acteurs tels que la Chine ou la Russie.

Priorité : Prospérité

Le développement économique doit être au service de la cohésion sociale. Le taux de croissance, fût-il à deux chiffres, n’est en rien le garant automatique d’une redistribution juste et équitable des richesses produites.

Le capitalisme est un moyen, ni plus, ni moins, au service du développement économique et social. Nous soutenons le libre-échange et une économie mondiale ouverte. La circulation des biens, des services, des connaissances, doit favoriser le développement et le progrès mieux partagé.

Il n’y a pas de développement durable sans développement. Il n’y a pas d’éradication de la pauvreté sans davantage de prospérité.

La liberté d’entreprendre doit être tournée vers l’économie réelle, la production de biens et de services, la création d’emplois. Nous devons favoriser le renforcement des classes moyennes.

Il ne s’agit pas de laisser la loi du plus fort, et donc la loi de la jungle, s’imposer à nous. Il s’agit de mieux faire la différence entre l’investissement et la spéculation.

L’investissement, à la différence de la spéculation financière, est un acte responsable et vertueux, qui bénéficie à la société toute entière. Qui stimule l’innovation et le progrès.

De tout temps, la liberté de mouvement et le libre-échange ont rapproché les hommes. Ces principes étaient déjà au coeur du projet européen il y a 60 ans.

L’Union européenne négocie des traités avec différents partenaires tels que le Canada ou le Japon. Ces traités prévoient des clauses sociales et environnementales. Cette ouverture sur le monde, avec des règles, est la réponse solide aux replis sur soi et aux protectionnismes.

L’Histoire l’a montré. Les barrières et les murs entre les hommes sont des illusions qui ne résistent pas. Et finissent toujours par céder face à la soif naturelle de liberté, d’ouverture et d’innovation.

L’agenda 2030 définit un cadre ambitieux pour réaliser les objectifs du développement durable.

Favoriser l’initiative privée, renforcer l’Etat de droit, encourager l’éducation pour les garçons et pour les filles, développer l’agriculture, miser sur la bonne gouvernance… Ce sont les meilleures recettes pour prévenir les conflits et développer un monde meilleur, plus juste et plus solide.

Priorité : Migration

Les pays du Sud comme du Nord. Nous sommes tous concernés par les migrations.

Notre pays est une terre d’accueil pour ceux qui demandent l’asile et qui fuient guerres et persécutions. Et nous combattrons les trafiquants sans foi, ni loi qui jettent sur des bateaux de fortune femmes et enfants, embarqués dans un périple à l’issue trop souvent tragique.

Nous nous devons d’être aux côtés de ceux qui souffrent. Le développement dans les pays d’origine est la clé. Nous devons investir dans les pays les moins avancés.

Nous restons fermement engagés pour conclure un Pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière à l’horizon 2018. Nous plaidons pour une approche globale qui devra faciliter la migration légale et permettre la réadmission dans les Etats d’origine tout en garantissant la sécurité des individus.

Méthode : plus de multilatéralisme

Le multilatéralisme est un moteur robuste et fiable pour bâtir un monde meilleur.

La coordination et la recherche du consensus sont nécessaires.

L’essence même des Nations Unies est parfois remise en question.

La globalisation génère des doutes et des peurs. Pourtant, le multilatéralisme ne constitue pas la cause de tous ces bouleversements… Il représente au contraire un facteur majeur de solution.

Nous devons respecter nos indépendances. Nous devons aussi reconnaitre notre interdépendance et affirmer les vertus de l’action concertée.

Nous devons bâtir le consensus dans lequel toutes les nations, grandes ou petites, ont leur rôle à jouer et donc leur mot à dire.

La Belgique s’inscrit totalement dans la vision du Secrétaire Général visant à réformer notre organisation. Non pas parce que la réforme est un but en soi. Mais parce que le monde d’aujourd’hui exige une action plus déterminée et plus orientée vers des résultats.

Le multilatéralisme est une oeuvre complexe. Avec parfois des blocages et des frustrations. Mais aussi avec des succès dont on parle trop peu. En Colombie par exemple, l’action concertée d’un chef d’Etat courageux, de la région et des organisations onusiennes a permis de mettre fin à un des plus vieux conflits du monde.

Le multilatéralisme nécessite aussi une approche globale et inclusive qui s’inscrit dans la durée. Prévention, résolution de conflits et consolidation de la paix doivent être vues dans une continuité. La présence belge au sein de la MINUSMA nous permet de constater tous les avantages d’une approche globale et inclusive, alliant les 3 D : Diplomatie, Défense et Développement dans un objectif uni de paix durable.

La concertation internationale et régionale doit aussi être renforcée.

Quand les acteurs régionaux et les Nations Unies sont sur la même ligne et travaillent ensemble dans la même direction, de grandes choses peuvent être réalisées.

Je pense par exemple à la Gambie ou encore au Sahel avec la Force du G5.

De même en Afrique Centrale, dans la Région des Grands Lacs, les pays de la région ont un rôle déterminant à jouer.

En République Démocratique du Congo, la situation sécuritaire s’est fortement dégradée et la crise humanitaire est préoccupante.

À l’heure où le débat sur le coût des opérations de maintien de la paix est entamé, nous ne pouvons pas abandonner la RDC. Nous devons au contraire l’accompagner pour qu’elle puisse s’ancrer dans un processus démocratique irréversible au moyen notamment de l’organisation d’élections honnêtes, transparentes et inclusives.

L’Afrique et l’Europe ont leur destins liés. Les défis de l’un sont les défis de l’autre, que l’on parle de sécurité, de migration ou de développement. Nous devons évoluer vers une relation décomplexée, libérée des démons du passé, d’égal à égal. Tournée vers l’avenir.

Au Proche Orient, nous continuons de plaider pour une solution à deux Etats pour Israël et la Palestine.

En ce qui concerne la Syrie, une issue à ce conflit interminable ne sera possible que lorsque la communauté internationale dans son ensemble aura la volonté politique et développera une stratégie commune.

La lutte contre l’impunité et le renforcement de la justice internationale sont au coeur des priorités de la Belgique. Cette année, nous avons déposé une version révisée des amendements au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. Ces amendements visent à interdire l’usage de quatre types d’armes ayant en commun d’entraîner d’immenses souffrance et de tuer de manière indiscriminée.

Nous voulons encourager la coopération entre les Etats pour lutter contre l’impunité des crimes internationaux les plus graves.

A ce titre, nous invitons tous les Etats qui ne l’ont pas encore fait à soutenir l’initiative pour l’ouverture de la négociation d’un nouveau traité d’entraide et d’extradition visant à renforcer la poursuite nationale des crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.

Notre objectif pour les Nations Unies doit être de construire, jour après jour, une organisation efficace, au travail pour l’intérêt commun des Etats membres. La clé du succès réside dans la capacité d’écoute active, l’art de développer des compromis et la force des convictions pour les faire ratifier.

Par son attitude transparente et constructive, mon pays engrange des résultats qui profitent à tout le monde. La Belgique est une terre de compromis !

C’est dans cet esprit que nous sommes candidats pour un siège non-permanent au Conseil de Sécurité.

Forts de notre ancrage international et de notre expérience, nous sommes prêts à prendre ces responsabilités. Pour bâtir le consensus et agir pour la paix.

Comme l’écrivait Jean Jacques Rousseau,  » L’homme ne peut faire son bonheur qu’en travaillant à celui des autres« . Nous sommes prêts à y travailler.

Je vous remercie.

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