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Le Mondial, terrain de jeu rêvé pour les entreprises de « data »

Le Vif

« Quand je veux expliquer à mes amis où je travaille, je leur parle de football »: les entreprises spécialisées en traitement de données ont investi de longue date les terrains de foot, parce que le marché est florissant mais aussi pour des questions d’image.

Une Coupe du monde complètement « data ». Que ce soit sur les écrans des spectateurs, dans la préparation des joueurs et des staffs, ou même sur les bancs de touche puisque des données de match seront pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde transmises en direct aux équipes, les « datas » seront partout lors du Mondial-2018 russe.

Rencontré quelques semaines avant la compétition, le président fondateur de l’entreprise néerlandaise SciSports, Giels Brouwer, se félicitait auprès de l’AFP qu’une « très bonne sélection » lui a « demandé des conseils ». « Nous allons les aider à analyser leurs adversaires ainsi que leurs propres faiblesses grâce à notre analyse de données. »

– ‘Quantité de données énorme’ –

Un communiqué officalisera un peu plus tard que c’est la Belgique de Robert Martinez qui profitera de l’expertise de SciSports pendant la compétition. Cette société dont la technologie permet notamment de recenser les passes et tirs sans intervention humaine, est épaulée par la puissante entreprise américaine SAS Institute.

Pourquoi un intérêt de cette entreprise, spécialisée en « informatique décisionnelle », pour le foot? « Il y a une quantité de données énorme à analyser », répond à l’AFP Mark Bakker, responsable chez SAS. « C’est très intéressant pour nous parce que SAS est très bon pour analyser de gros volumes de données. C’est en temps réel, donc il faut être efficace dans l’analyse… Et c’est un très bon moyen de promouvoir nos capacités ».

Car le foot parle à tout le monde. « Quand je veux expliquer à mes amis où je travaille, je leur parle de foot et de SciSports parce que tout le monde comprend ce qu’est l’analyse de données sportives », poursuit Bakker: qui a cadré le plus de buts, par exemple.

– ‘Révolution numérique’ –

En 2014, la presse avait beaucoup parlé du rôle joué par un autre poids lourd des datas, l’Allemand SAP, concernant le sacre de la Mannschaft. C’était notamment en conséquence d’une analyse de données que le gardien de la sélection, Manuel Neuer, avait joué si haut face à l’Algérie, en huitièmes de finale (2-1 a.p.), expliquaient les médias spécialisés.

« Nous voulons assurer le succès de la Mannschaft sur le long terme et nous avons besoin pour cela de partenaires puissants et innovants comme SAP », expose le manager général des champions du monde sortants, Oliver Bierhoff. « La révolution numérique est arrivée depuis longtemps déjà dans le football. Là aussi nous devons être à la pointe de ce qui se fait dans le monde. »

Professeur d’économie politique à l’University de Warwick et auteur d’un livre de référence sur les datas dans le foot, The Numbers Game, Christopher Anderson se montre un peu plus nuancé. « C’est très difficile de savoir ce qui a été fait » au niveau « datas » pour permettre aux Allemands d’être champions. « On peut travailler sur le physique, le sommeil, la nutrition, mais ce n’est pas pour autant que vous allez gagner le tournoi. »

A l’en croire, l’impact des données n’est pas du tout le même au niveau international qu’à celui des clubs. « Le football de sélections est trop intermittent, vous ne pouvez pas utiliser la même technologie » qu’au niveau des clubs. En revanche, « les fournisseurs de cette technologie ont un très fort intérêt à communiquer à son sujet » pendant une Coupe du monde, où l’intérêt pour le foot est démultiplié.

– Les joueurs ‘aiment comprendre’ –

Difficile pour autant de réduire les datas au rang de « belle histoire » servant à convaincre de nouveaux clients. « Les données sont reliées à chaque fois à une situation qui dépend d’un contexte », expose à l’AFP Grégory Dupont, le « M. Datas » de la Fédération française de football (FFF). « Par exemple, on va essayer de comprendre pourquoi un joueur a beaucoup couru. Est-ce que la dimension tactique justifiait tous ces déplacements ? Ou s’est-il dépensé inutilement sur certaines actions ? »

La démarche intéresse jusqu’aux joueurs, qui « aiment comprendre et prendre leur situation en main » dans un métier où « chacun cherche à optimiser son potentiel ». Une très bonne maîtrise des données ne suffira pas pour soulever la Coupe le 15 juillet prochain, mais devient de plus en plus un pré-requis pour en rêver. Pour le plus grand bonheur des entreprises spécialisées.

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