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Le marathon de Rudy Demotte à Ouagadougou

Agriculture, ministère des Affaires étrangères, hommage aux victimes des attentats, débat sur le radicalisme, théâtre et enfin cinéma militant en plein air: la première journée à Ouagadougou du ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte, aura été chargée pour l’ensemble de la délégation belge présente au Burkina Faso. Le tout avec un mercure dépassant régulièrement les 40 degrés.

Après une brève rencontre avec le nouvel ambassadeur de Belgique, Lieven De La Marche, le marathon de lundi a débuté par une visite à Tampouy d’un projet du programme d’appui au développement de l’irrigation (Padi), soutenu par plusieurs partenaires belges dont l’Association pour l’éducation et la formation à l’étranger (Apefe) et Wallonie-Bruxelles International (WBI), et dont l’investissement dans le programme atteint respectivement 895.000 et 418.000 euros pour la période 2014-2016.

Sur un terrain de quatre hectares, une centaine de femmes – dont 40% de veuves ou d’épouses de mari sans emploi – s’attellent soit à des cultures maraîchères susceptibles de produire des légumes rapidement commercialisables, soit au développement d’un arboretum où sont également initiés les plus jeunes.

L’apport des partenaires s’est ici notamment traduit par l’intronisation de la technique d’irrigation dite du « goutte-à-goutte », c’est-à-dire via des tuyaux très finement percés et l’utilisation d’une pompe sous-terrine alimentée à l’énergie solaire.

Le ministre-président a ensuite été reçu par le ministre des Affaires étrangères. Le message politique porté par M. Demotte lors de cette mission vise à apporter le soutien de la Belgique aux autorités burkinabées, un peu plus de quatre mois après l’intronisation du président Kaboré qui a mis fin à 27 ans de règne de Blaise Compaoré.

En début d’après-midi, le chef du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est recueilli sur les lieux de l’attentat djihadiste du 15 janvier qui a fait 30 morts et dont la provenance des assaillants n’a toujours pas été établie. A l’image de la Belgique, cette attaque constituait la première de ce type sur le sol burkinabé.

Le quartier qui a été le théâtre des faits, en plein centre de la capitale, semble encore sous le choc. A l’hôtel Splendid, en face du restaurant Capuccino où ont été tuées la plupart des victimes, seule la moitié des 150 chambres sont actuellement accessibles. Des travaux ont été rendus nécessaires par les dégâts causés par les balles et les fumées provenant des véhicules incendiés par les terroristes.

Les murs du quartier, fréquenté par de nombreux étrangers et qui abrite notamment le siège de la délégation de l’Union européenne, portent encore les stigmates de la fusillade. Les habitants et travailleurs, eux, sursautent toujours au moindre déploiement de police sur l’imposante avenue Kwame N’Krumah. « C’étaient les Champs-Elysées de ‘Ouaga’, où tout le monde allait avant et où on ne va plus. Il y a eu un avant et un après attentat », témoigne un habitant.

Après avoir déposé une gerbe de fleurs devant le Capuccino, Rudy Demotte s’est rendu au centre de presse Norbert Zongo pour une rencontre avec des journalistes et représentants de la société civile. A l’entrée du centre se trouve une flamme qui, selon l’écriteau qui l’accompagne, « ne sera pas éteinte tant que la lumière n’aura pas été faite » sur le sort de ce journaliste burkinabé assassiné en 1998 et dont le portrait accompagné d’appels à la justice côtoie celui de l’idole du peuple Thomas Sankara sur de nombreux murs de la capitale.

Lors de la table ronde, le ministre-président a abordé le fonctionnement des médias belges, avant un échange sur la situation des journalistes locaux et sur le thème du radicalisme.

« On n’imaginait pas que ça puisse arriver au Burkina Faso, comme nous n’imaginions pas que ça pouvait arriver en Belgique », a notamment déclaré M. Demotte, dans un parallèle sur les premiers attentats djihadistes vécus récemment par les deux pays. « Ce sont des choses qui échappent à l’analyse rationnelle, qui entraînent des pertes de repères et sur lesquelles les spécialistes sont encore amenés à se pencher. »

Le ministre-président a également annoncé aux journalistes locaux la confirmation de l’octroi de deux bourses qui permettront à deux d’entre eux d’effectuer un stage dans une rédaction belge en 2016 et 2017, comme cela avait déjà été le cas notamment en Tunisie.

L’avant-dernière étape de la journée a conduit M. Demotte au Cartel, une structure soutenue par WBI qui regroupe plusieurs compagnies d’arts de la scène et qui accueille chaque année une dizaine d’étudiants en fin de cursus à La Cambre. La fédération est actuellement en pleine préparation du festival « Récréatrales », du 29 octobre au 6 novembre, qui regroupera plus de 350 artistes.

Enfin, le ministre-président s’est rendu dans la quartier de la Patte d’Oie, où une projection-débat en plein air avait été organisée par l’association Semfilms et la web télévision « Droit Libre TV ». En prélude à une projection du film « Une révolution africaine », qui retrace les dix jours de manifestations ayant conduit à la chute de Blaise Compaoré, le rappeur Smockey, figure de proue du mouvement « Balai Citoyen » qui a été en première ligne lors des événements, a initié un échange avec les plusieurs centaines de personnes présentes.

Celui-ci, fort de sa verve et de sa capacité à haranguer les foules, a notamment appelé les spectateurs à se prendre en mains, « à ne pas abandonner la lutte » qui a mené au changement de régime et à continuer à réclamer la justice, entre autres dans l’optique des élections municipales qui auront lieu dans une quinzaine de jours.

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