Gérald Papy

Le charme discret de la démocratie

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Sur le mode de l’autodénigrement, l’Europe n’incline-t-elle pas trop souvent à dramatiser les difficultés de ses démocraties ?

A l’aboutissement attendu de la procédure en destitution dont l’intérêt résidera dans les dommages qu’elle occasionnera, de façon peu probable, aux chances de réélection, en novembre prochain, du président sortant succédera le lancement, dès février, des primaires démocrates dont l’enjeu est l’émergence, pas encore acquise aujourd’hui, d’un rival crédible au candidat républicain. En dépit de la gangrène du pouvoir de l’argent (qui a obligé la sénatrice Kamala Harris à renoncer et autorise le milliardaire Michael Bloomberg à bousculer in extremis la campagne des démocrates) et d’une bipolarisation de plus en plus agressive, l’Amérique s’offre l’image d’une démocratie solide et pugnace. Elle est d’autant plus précieuse que sa concurrente pour l’hégémonie internationale, la Chine, emprunte, elle, des chemins de plus en plus liberticides.

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Cette vision optimiste de la plus grande puissance mondiale ne doit pas dispenser de nous interroger sur les moyens de revivifier une démocratie libérale qui, en de nombreux endroits, s’essouffle. La Belgique, l’Espagne, Israël, entre autres démocraties, devront démontrer en 2020 qu’ils peuvent sortir du cercle  » élections, paralysie politique, retour aux urnes  » qui les ont minés ces douze derniers mois. Comme l’expliquent le constitutionnaliste Marc Uyttendaele et le philosophe Vincent de Coorebyter dans notre rubrique Débats , notre pays a cette particularité de conjuguer fragilisation de la démocratie et fragilisation de l’Etat. Dans ce contexte, la réduction du champ des possibles à la coalition Vivaldi (socialistes, écologistes, libéraux, CD&V, éventuellement CDH) endossée par les informateurs Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens, même contre leur gré, a l’inconvénient de n’offrir comme alternative… qu’un nouveau scrutin. Si cette hypothèse prévalait, le prestige du compromis à la belge comme fleuron du modèle démocratique européen en prendrait assurément un sérieux coup.

Cependant, sur le mode de l’autodénigrement, l’Europe n’incline-t-elle pas trop souvent à dramatiser les difficultés de ses démocraties ? Après des négociations il est vrai éprouvantes et fastidieuses, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont répondu somme toute à la volonté du peuple britannique de recouvrer sa souveraineté. A son Premier ministre Boris Johnson, désormais moins vindicatif, d’en assurer l’unité (ou pas) face aux singularités écossaises et nord-irlandaises. Même en Hongrie, en Pologne, en République tchèque et en Slovaquie, la résistance aux excès des dirigeants illibéraux commence à s’organiser, comme l’illustre la création, en décembre, d’une  » alliance des villes libres  » sous l’égide des bourgmestres de Budapest, Varsovie, Prague et Bratislava. A propos de la France qui, de la contestation des gilets jaunes à l’opposition des syndicats à la réforme des retraites, a pu apparaître en 2019 comme l’Etat malade de l’Europe, l’historien Gérard Noiriel rappelle un principe que le brouhaha des populistes a tendance à nous faire oublier :  » Les résistances populaires amènent les élites à poser les questions autrement. [Ainsi], les progrès sociaux ont souvent été le produit de ces discussions conflictuelles entre des composantes différentes de la société.  » Encore faudra-t-il que les dirigeants (re)trouvent, en 2020 et au-delà, la capacité du compromis et de la décision.

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