Transporté à l'hôpital Beaujon, Paul Doumer ne peut y être sauvé. Il devient un héros tandis que mythes et complots s'entrechoquent. © Rue des Archives

Le 6 mai 1932, le président français Paul Doumer est assassiné

L’association des écrivains combattants poursuit un double objectif. D’une part, elle défend les intérêts des auteurs qui ont « fait » la Grande Guerre ; d’autre part, elle honore la mémoire des écrivains tués au combat. Ce 6 mai, elle organise une vente de bienfaisance à l’hôtel de Rothschild.

Le but : récolter des fonds pour les victimes nécessiteuses. L’événement est mondain, le Tout-Paris s’y presse. Il faut dire qu’une personnalité de marque est de la partie. A 15 heures, c’est Paul Doumer, président de la République, qui inaugure le salon. Agé de 75 ans, l’auguste vieillard jouit d’un certain prestige. Ce qui ne le rend pas pour autant particulièrement influent : tandis que le gouvernement… gouverne, le président se contente d’inaugurer les chrysanthèmes. Visiter des expositions et prononcer des discours lui suffit. L’homme n’est plus un ambitieux.  » A mon âge, ce serait une belle fin de mourir assassiné « , aurait-il même un jour déclaré.

Les paroles étaient prémonitoires. En ce bel après-midi, des coups de feu retentissent soudain dans le salon. Doumer s’effondre. Touché à la tête et sous le bras, il perd beaucoup de sang. Transporté à l’hôpital Beaujon, il ne peut y être sauvé. C’est là qu’il meurt dans la nuit.

En France, la réprobation est immédiate. Et unanime. De droite à gauche, un véritable front se met en place. Partout, on retrace le parcours de cet homme du peuple, droit et loyal, paré de toutes les vertus. Modèle républicain, patriote engagé, Doumer présidait aux destinées du pays depuis moins d’un an ; il devient un héros. Il faut dire que, par le passé, sa vie avait déjà frôlé le martyre : durant la guerre 14-18, ses quatre fils étaient morts au combat. Pro Patria.

Reste à identifier les causes de cet assassinat. Paul Gorgulov, le tueur, est rapidement maîtrisé par les forces de l’ordre. Le lendemain, le visage de cet émigré soviétique apparaît dans les journaux. Aussitôt, André Tardieu, président du Conseil, le clame haut et fort : le tueur est un agent communiste, directement inspiré par l’Internationale. Vraiment ? En réalité, la thèse du complot rouge ne sera jamais confirmée.

Mais voilà que la contre-propagande se met déjà en place : pour l’Internationale socialiste, la mort de Doumer a été orchestrée par Tardieu lui-même, avec l’aide de la police et de Russes blancs, afin de justifier une guerre française contre l’URSS. En contre-attaquant, Moscou cherche surtout à se défendre. Et à diffuser l’image d’une citadelle communiste injustement assiégée.

Mythes et complots s’entrechoquent. Et emballent les opinions. En ce début des années 1930, les explications les plus folles, impliquant les Etats, ne manquent pas de séduire. Mais elles se heurtent à la vérité des faits. Lors du procès, après avoir invoqué la démence, l’assassin est condamné à mort. Il est guillotiné le 14 septembre 1932. Sans complot ni couronne, il entrera dans l’histoire comme un  » simple  » assassin politique.

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