Mustafa Kemal va faire entrer l'Etat turc dans une nouvelle ère. © PHOTO NEWS

Le 3 mars 1924, le jour où Mustafa Kemal supprima le califat

C’est une succession qui avait survécu à tout. Au passage des dynasties, aux envolées des croisades, à des meurtres, au fil des siècles. Mais tout a une fin. En 1924, Mustafa Kemal abolit le califat. Abdülmecid II, lointain successeur du prophète Mahomet et cent-et-unième à porter le titre, se trouve condamné à l’exil. Bienvenue dans l’Arabie saoudite du viie siècle !

Un vaste désert traversé par les caravanes et les chameaux. C’est dans ce contexte que Mahomet émerge, qu’il devient  » le Prophète « , et qu’il fonde une nouvelle religion. En 632, il meurt sans laisser d’héritier. Aussitôt s’ouvre une guerre de succession. Deux candidats s’opposent : Abu Bakr, un ami du prophète, et Ali, son beau-fils. Le premier emporte les préférences de la jeune communauté musulmane. Il est nommé  » calife  » – ce qui signifie  » héritier « . Quelques années plus tard, Ali obtient tout de même le poste de calife. Mais l’homme est contesté, au point qu’une guerre civile éclate dans l’empire naissant. Qui se fissure. Minoritaires, les fidèles d’Ali créent une nouvelle branche de l’islam : le chiisme. Dont les chefs ne seront pas des califes mais des imams.

Pendant ce temps, le sunnisme prospère. Aux viie et viiie siècles, sous les Omeyyades, les musulmans établissent leur capitale à Damas et étendent leur pouvoir jusqu’aux portes de la Chine. C’est l’âge d’or de l’islam. Par la suite, sous la dynastie des Abbassides, la capitale – et le califat – emménagent à Bagdad. Mais l’unité est fragile, les menaces se multiplient. Les conquérants aussi : successivement, le coeur névralgique de l’islam passe sous la domination des Bouyides venus d’Iran, des Seljoukides d’Asie mineure, puis des Mongols. Au fil des conquêtes, le califat se délite. A certains moments, plusieurs califes coexistent, dont certains n’ayant plus aucun pouvoir. Il n’empêche, le titre demeure.

Au soir du Moyen Age arrivent les Ottomans. Tout naturellement, leur chef – le sultan – finit par s’emparer du titre de calife, endossant de facto, outre des fonctions temporelles, un leadership spirituel. On en est là lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. Appartenant au camp des vaincus, l’Empire ottoman est démantelé par les traités signés au terme du conflit. C’est sur ses cendres que naît la Turquie, dirigée par le général Mustafa Kemal. Qui va faire entrer l’Etat dans une nouvelle ère. En 1922, il supprime le sultanat et dépose Mehmed VI, dernier porteur du titre. Pour l’heure, le califat est maintenu –  » il forme un lien sacré entre les musulmans « , affirme Kemal. Qui change bientôt d’avis : le 3 mars 1924, sur sa proposition, la Grande Assemblée nationale vote sa suppression.

Pourquoi ? Essentiellement pour marquer une rupture, afficher une volonté de renouveau. Mais aussi pour avoir les mains libres, éviter les interférences étrangères qui pourraient transiter par le canal religieux. L’histoire du califat ne se clôt pas définitivement. Au fil des décennies, certains musulmans rêveront de le ressusciter. En 2014, l’Etat islamique proclamera sa renaissance.

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