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La zone euro a le sort de la Grèce entre les mains

La zone euro doit rendre samedi un avis décisif sur les propositions de réformes du gouvernement grec, qui ont fait renaître, malgré les divisions, l’espoir d’un accord sur un nouveau plan d’aide à Athènes susceptible d’éviter une sortie de la Grèce de la zone euro.

Les ministres des Finances de la zone euro réunis à Bruxelles vont examiner à partir de 15H00 les dernières propositions formulées par Athènes, portant notamment sur la TVA, les retraites et les privatisations, qui pourraient déboucher sur un plan d’aide à la Grèce évalué à 74 milliards d’euros au moins, le troisième depuis 2010.

Déjà accueilli favorablement par les institutions créancières, ce plan pourrait, s’il reçoit le feu vert de l’Eurogroupe, servir de base à un nouveau cycle de négociations qui serait approuvé dimanche par les 28 pays de l’Union européenne réunis en sommet. D’ici là, les 19 Etats de la zone euro devront avoir surmonté leurs divergences: si les plus conciliants, à commencer par la France, jugent crédibles les propositions d’Athènes, il restera à convaincre le camp des durs, emmenés par l’Allemagne et réticents à accorder une nouvelle aide à la Grèce, après deux plans d’un montant de 240 milliards d’euros.

Et même si la Grèce et ses partenaires s’entendent ce weekend, tout ne sera pas joué: au moins huit Parlements devront donner leur aval au plan d’aide, le Bundestag allemand devant même voter deux fois. Les trois institutions créancières de la Grèce – Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international – ont étudié le texte, qu’elles ont jugé « positif » selon une source européenne, avant de transmettre leur avis à la zone euro.

Dans la nuit de vendredi à samedi, le Parlement grec a donné son feu vert au gouvernement de gauche radicale d’Alexis Tsipras pour négocier ce nouveau plan. Malgré la victoire massive du non, à 61%, lors du référendum du 5 juillet, le Parlement a largement approuvé la proposition qui reprend dans les grandes lignes ce que souhaitaient alors les créanciers sur la plupart des sujets sensibles.

Alexis Tsipras a appelé les députés à l’autoriser à négocier ce plan, en reconnaissant que le gouvernement avait fait « des erreurs », que le texte était « très éloigné » des promesses de la coalition de gauche Syriza, mais qu’il était finalement le meilleur possible, provoquant plusieurs défections dans sa majorité.

L’activité du pays est au ralenti depuis la fermeture des banques et l’instauration d’un contrôle des capitaux, le 29 juin. La fermeture des banques grecque est prévue jusqu’à lundi mais le vice-ministre des Finances Dimitris Mardas a laissé entendre vendredi qu’elle pourrait encore se prolonger, avec des aménagements.

Ce qui permettait au gouvernement grec de garder la tête haute, malgré tout, était l’espoir exprimé par Alexis Tsipras de voir enfin s’ouvrir « un débat sérieux sur la restructuration de la dette » grecque, qui atteint 180% du PIB du pays, soit 320 milliards d’euros. Le sujet divise les Européens mais Athènes insiste sur la question, avec le soutien affiché de la France, du FMI, du président du Conseil européen Donald Tusk et de nombreux économistes.

Berlin a vu vendredi « très peu de marge de manoeuvre » pour restructurer cette dette. Une sorte d’avancée néanmoins par rapport à jeudi, lorsque la chancelière Angela Merkel avait affirmé qu’une réduction de la dette grecque était « hors de question ». L’option la plus probable est celle d’une « restructuration light » de la dette.

Le nouveau ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos a estimé pour sa part que « beaucoup des demandes de la Grèce sur la dette vont être acceptées », citant notamment un échange de 27 milliards d’euros d’obligations entre la BCE et le Mécanisme européen de stabilité (MES), prôné de longue date par les Grecs, qui lui permettrait d’éviter l’écueil des plus de 7 milliards d’euros à rembourser à la BCE en juillet et août.

Charles Michel espère une « trajectoire optimiste pour l’avenir »

De son côté, le Premier ministre Charles Michel s’est montré, samedi, raisonnablement optimiste sur la conclusion, durant le week-end, d’un accord sur le maintien de la Grèce au sein de la zone euro. « Nous pensons qu’il y a un pas dans la bonne direction qui a été fait, mais on n’y est pas encore », a-t-il affirmé en marge des célébrations de la Fête de la Communauté flamande à Bruxelles. « J’espère que les prochaines heures seront l’occasion pour chacun de continuer à rapprocher les points de vue afin qu’il y ait un accord et de la stabilité », a ajouté le chef du gouvernement fédéral. « Il ne faut pas crier victoire trop vite, il a y encore du travail dans les heures qui viennent, probablement cet après-midi, probablement demain (dimanche) afin de définir une trajectoire qui puisse être, je l’espère, une trajectoire optimiste pour l’avenir », a encore dit M. Michel. Le Premier ministre a encore tenu durant la nuit de vendredi à samedi des conversations téléphoniques avec son homologue néerlandais Mark Rutte et la chancelière allemande Angela Merkel.

Les parlementaires grecs partagés vendredi soir

Mais il a enregistré les défections de dix députés de son parti de gauche radicale Syriza qui se sont abstenus ou, pour deux d’entre eux, ont voté contre ce plan d’accord. Parmi les huit abstentionnistes figurent trois personnalités de sa majorité: le ministre de l’Energie Panagiotis Lafazanis et le ministre délégué aux caisses d’assurance sociale Dimitris Stratoulis, de l’aile eurosceptique de Syriza, ainsi que la présidente du Parlement Zoe Konstantopoulou, troisième personnage de l’Etat.

Plusieurs députés Syriza étaient par ailleurs absents pour le vote, dont l’ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, si bien que le texte a été adopté avec les voix de l’opposition, socialistes et conservateurs notamment, puisque la majorité gouvernementale compte 149 députés Syriza ainsi que 13 députés du petit parti de droite souverainiste Anel, ces derniers ayant voté pour la proposition d’accord.

Les commentateurs politiques estimaient samedi que ces défections au sein de la majorité pourraient entraîner des changements politiques, peut-être sous la forme d’un remaniement ministériel. Alexis Tsipras, tout en défendant le paquet de mesures proposé par le gouvernement, avait admis, face aux parlementaires, qu’elles étaient « difficiles » et loin des promesses électorales de la gauche radicale.

Le Grexit, une volonté de l’Allemagne pour susciter la crainte chez les Français

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, veut une sortie de la Grèce de la zone euro – ou Grexit – pour « mettre les choses au clair, d’une façon ou d’une autre », écrit M. Varoufakis dans le journal britannique The Guardian.

« Ma conviction est que le ministre allemand des Finances veut que la Grèce soit évincée de la monnaie unique pour susciter une crainte de tous les diables chez les Français et leur faire accepter son modèle d’une zone euro disciplinaire. »

« Schäuble est convaincu qu’en l’état actuel des choses, il lui faut un « Grexit » pour mettre les choses au clair, d’une façon ou d’une autre », poursuit M. Varoufakis, qui a démissionné lundi.

Vendredi, le Parlement français – deuxième puissance économique de la zone euro – a adopté des réformes destinées à relancer l’économie moribonde du pays, qui fait face à une faible croissance et à un chômage élevé, ainsi qu’à un important endettement public, source de tensions avec Bruxelles.

Pour M. Varoufakis, l’Allemagne, bailleur de fonds et chantre de l’orthodoxie budgétaire en Europe, veut faire de la Grèce un exemple pour faire entrer les Français dans le rang.

« Soudainement, l’insoutenable dette publique grecque, sans laquelle le risque de Grexit se serait estompé, a acquis une nouvelle utilité pour Schäuble », affirme-t-il.

Selon Yanis Varoufakis, lorsque la Grèce est devenue insolvable en 2010, au lieu d’une restructuration de la dette et d’une réforme de l’économie, c’est l’option « toxique » qui a été choisie : « L’octroi de nouveaux prêts à une entité en faillite tout en prétendant qu’elle restait solvable. »

Depuis que Syriza est arrivé au pouvoir, ajoute l’ex-ministre des Finances, « une large majorité au sein de l’Eurogroupe – sous l’influence de Schäuble – a adopté le Grexit comme solution privilégiée ou comme arme de choix contre notre gouvernement. »

Il estime que si la Grèce finissait par quitter la zone euro, cela prendrait plus d’un an. « Le Grexit serait l’équivalent de l’annonce d’une forte dévaluation plus de 18 mois à l’avance: une recette pour liquider tout le stock de capital grec et le transférer à l’étranger par tous les moyens possibles », écrit-il.

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