Jens Stoltenberg © AFP

La Turquie en Syrie, un cauchemar pour l’Otan

L’offensive lancée par la Turquie dans le nord de la Syrie a créé de nouvelles tensions au sein de l’Otan et si Ankara ne risque pas l’exclusion, la crise va peser sur les préparatifs du sommet de l’Alliance atlantique de début décembre à Londres.

L’attaque contre les forces kurdes alliées de la coalition internationale contre le groupe Etat islamique a suscité de nombreuses critiques internationales et incité certains pays de l’Otan à suspendre la vente de nouvelles armes à la Turquie.

Le président américain Donald Trump a pour sa part autorisé des sanctions contre plusieurs dirigeants turcs et a réimposé des droits de douane sur l’acier turc. Et son secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, a prévenu que d’autres sanctions américaines étaient en préparation à l’encontre de la Turquie, si un cessez-le-feu n’était pas appliqué dans son offensive en Syrie.

Mais aucune de ces mesures n’a désarmé le président turc. Recip Tayyip Erdogan s’est même permis d’ironiser sur son incapacité à suivre M. Trump sur Twitter.

La Turquie en Syrie, un cauchemar pour l'Otan

L’intervention contre les milices kurdes dans le nord de la Syrie est un nouveau défi lancé par le président turc à ses partenaires de l’Otan après sa décision d’acheter un systèmes de missiles à la Russie.

Il isole de plus en plus la Turquie au sein de l’Alliance, mais son exclusion n’est pas évoquée. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, se borne a exprimer sa « grave préoccupation » face au risque que l’intervention militaire turque fait peser sur la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI). Ce qui a conduit l’expert en politique étrangère des écologistes allemands, Jürgen Trittin, a réclamer lundi sa démission.

La Turquie devrait se retrouver sur la sellette lors de la réunion des ministres de la Défense l’Alliance jeudi et vendredi prochains à Bruxelles.

Mark Esper
Mark Esper© Reuters

Le ministre américain de la Défense, Mark Esper, a déclaré son intention de faire pression sur ses alliés afin qu’ils prennent « des mesures diplomatiques et économiques collectives et individuelles » pour punir la Turquie.

Mais les appels lancés par certains pour que la Turquie soit suspendue ou même expulsée de l’Otan ne mèneront nulle part, selon les experts, car aucun mécanisme de ce type n’existe au sein de l’Alliance.

« L’Otan est limitée dans ce qu’elle peut faire pour punir la Turquie parce que toutes les décisions de l’alliance doivent être prises à l’unanimité », a expliqué à l’AFP Jorge Benitez, un haut responsable du Conseil Atlantique.

Plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, ont annoncé leur décision de suspendre toute nouvelle ventes d’armes à la Turquie.

Mais des doutes sont exprimés quant à leur effet pratique. « Erdogan n’attend pas que l’Europe lui fournisse des armes », a souligné le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn.

La crainte est un basculement de la Turquie dans l’orbite de la Russie de Vladimir Poutine et les pays de l’Otan vont chercher un équilibre entre leur volonté de sanctionner Ankara et l’importance stratégique de la Turquie, verrou à la frontière du Moyen-Orient, en bordure de l’Iran, et de la mer Noire pour la Russie.

« Dans l’ensemble, il est toujours préférable d’avoir la Turquie comme alliée plutôt que comme adversaire potentiel, probablement en partenariat avec la Russie. C’est la situation désagréable dans laquelle l’Otan se trouve actuellement », a expliqué Elisabeth Braw, chargée de recherche au RUSI, un centre de réflexion basé à Londres.

« Tout au long de son histoire, l’Otan a dû faire face à de nombreux comportements répréhensibles de ses membres mais elle est restée cette alliance militaire couronnée de succès », a-t-elle souligné.

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