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La Tunisie élit un nouveau Parlement, qui s’annonce hétéroclite

Le Vif

Les Tunisiens ont voté dimanche sans grand entrain pour élire un Parlement qui s’annonce éclaté en une multitude de formations la plupart novices, augurant de négociations houleuses pour former un gouvernement.

Les bureaux ont fermé à 18H00 locales (17H00 GMT), sans que les institutions tunisiennes ni les observateurs européens n’aient noté d’incident majeur.

A la mi-journée, la participation a atteint seulement 23,5%, selon l’instance chargée des élections (Isie), estimant ce chiffre « respectable », bien qu’il augure d’une participation moindre qu’en 2014.

Ce faible engouement pour les troisièmes législatives depuis la chute de la dictature en 2011 s’explique par le rejet des élites actuelles déjà exprimé au premier tour de la présidentielle le 15 septembre, mais aussi par le calendrier électoral, bousculé par le décès du président Béji Caïd Essebsi en juillet.

Le scrutin a en effet ont lieu entre les deux tours d’une présidentielle choc qui a porté deux candidats de rupture au second tour: Kais Saied, un juriste sans structure partisane, et Nabil Karoui, fondateur du mouvement Qalb Tounes (« Coeur de la Tunisie ») et actuellement en prison.

« Les gens n’ont plus confiance dans les anciens partis, et ne connaissent pas les nouveaux, donc ils ne sont pas motivés », a affirmé à l’AFP Ali Rekiki, un jeune observateur de l’organisation locale Mourakiboun.

« On sent qu’il y a un vent de changement », a estimé Issa, venu voter tôt à Tunis.

« Sur la bonne voie »

Trois semaines après le premier tour de la présidentielle qui a balayé les sortants, les sondages officieux évoquent l’arrivée d’une vague d’indépendants, qui représentent un tiers des listes en lice, et de nouvelles formations.

De nombreux visages nouveaux devraient arriver au Parlement, une institution clé pour répondre aux principales inquiétudes des Tunisiens: une inflation continue, un chômage élevé et des services publics ne répondant plus aux attentes.

Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, qui dominait le Parlement sortant, est donné au coude-à-coude avec Qalb Tounes, créé il y a moins de six mois par Nabil Karoui, homme d’affaires controversé. Les deux partis ont officiellement exclu toute alliance.

« Nous sommes sur la bonne voie pour une victoire, les tendances sont très encourageantes », a dit à l’AFP le porte-parole de Qalb Tunes, Hatem Mliki, se refusant à donner des chiffres. Ennahdha a souligné attendre les résultats officiels prévus mercredi.

Cet émiettement, alors que le parti arrivé en tête devra convaincre au moins 109 députés pour former un gouvernement, augure de houleuses négociations.

« Les négociations prendront probablement des semaines », juge l’analyste politique Youssef Cherif, en évoquant le risque d’un nouveau scrutin si les députés ne parviennent pas à se mettre d’accord.

Le parti arrivé en tête disposera de deux mois pour dégager une majorité au Parlement, le président de la République -qui sera élu le 13 octobre- n’intervenant qu’en cas de blocage au terme de cette période.

Une fois formé, le gouvernement aura la lourde tâche de relancer l’économie et de résorber une dette paralysante: si la menace terroriste n’est plus un sujet majeur, quatre ans après une série d’attentats meurtriers, la transition démocratique reste fragilisée par les difficultés sociales persistantes.

– Inquiétudes –

Un bon score de Qalb Tounes aux législatives pourrait être un atout pour M. Karoui le 13 octobre.

Sous le coup d’une enquête depuis 2017 pour blanchiment et fraude fiscale, il est en détention depuis fin août. Déplorant une instrumentalisation de la justice, ses partisans ont réclamé un report du second tour de la présidentielle.

Ces rebondissements ont focalisé l’attention et alimenté des inquiétudes autour du bon déroulement du processus électoral, crucial pour consolider les acquis démocratiques.

M. Saied arrivé, en tête du premier tour, n’a lui donné aucune consigne pour les législatives.

Mais Ennahdha lui a apporté un soutien franc, en se présentant comme le parti susceptible de porter le programme de M. Saied au Parlement, espérant ainsi reconquérir des bases aliénées par son alliance contre-nature avec le parti victorieux en 2014, Nidaa Tounes. Le score de son chef Rached Ghannouchi, candidat pour la première fois, sera scruté.

Une nouvelle formation, Karama, menée par l’avocat islamiste populiste Seifeddine Makhlouf a elle tenté de se présenter comme alliée à M. Saied, concurrençant Ennahdha.

A l’autre extrémité, le Parti destourien libre, porté par l’avocate anti-islamiste Abir Moussi, pourrait faire un meilleur score que les 4% de sa chef de file au premier tour de la présidentielle.

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