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La Russie boudée de ses alliés occidentaux pour les 70 ans de la victoire de 1945

Il y 70 ans, ils combattaient unis contre l’Allemagne nazie. Aujourd’hui, la Russie se prépare à commémorer en grande pompe la victoire sans ses alliés occidentaux d’alors, conséquence du fossé qui les sépare en raison de la crise ukrainienne.

La liste des présents – et surtout des absents – au défilé du 9 mai à Moscou, événement très cher auprésident Vladimir Poutine et à de nombreux Russes, résume l’ampleur de la dégradation des relations entre la Russie et les Occidentaux, réunis moins d’un an plus tôt sur les plages de Normandie pour les 70 ans du Débarquement.

Le Kremlin pourra compter sur le Chinois Xi Jinping ou le Nord-Coréen Kim Jong-un qui fera ainsi son premier voyage officiel à l’étranger. Sont attendus également le Premier ministre grec Alexis Tsipras ou le président tchèque Milos Zeman, aux côtés des dirigeants indien, sud-africain, mongol, vietnamien ou cubain. Mais le président français François Hollande comme les Premiers ministres britannique et belge David Cameron et Charles Michel ont fait savoir qu’ils n’assisteraient pas à la cérémonie.

Quant au président américain Barack Obama, il ne sera pas présent: un déplacement en Russie en mai n’a même jamais été évoqué à la Maison Blanche. La chancelière allemande Angela Merkel a décliné, mais, diplomate, a fait savoir qu’elle se rendrait à Moscou le lendemain, dans l’intention d’y déposer une gerbe.

La Pologne, elle, organisera sa propre cérémonie. Au total, sur les 68 leaders mondiaux invités, seuls 26 ont jusqu’à présent répondu positivement. Pour les dirigeants occidentaux, « assister aux cérémonies du 9 mai légitimerait la politique du Kremlin à travers le souvenir de la guerre », explique à l’AFP l’analyste politique Lilia Chevtsova. Traditionnellement, le Kremlin fait grand cas des cérémonies du 9 mai – la capitulation ayant été signée tard le soir du 8 mai 1945 à Berlin, soit le 9 à Moscou.

Appelée Grande Guerre Patriotique en ex-URSS, elle a tué au moins 27 millions de citoyens soviétiques et la victoire reste un sujet de fierté immense en Russie. Signe que le sujet reste très sensible, un incident diplomatique avait émaillé en janvier la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz, quand le ministre polonais des Affaires étrangères a affirmé que les libérateurs du camp avaient été ukrainiens plutôt que membres de l’Armée rouge.

Absent des cérémonies alors organisées en Pologne, M. Poutine s’est élevé contre les tentatives de minimiser le rôle de la Russie dans la Seconde guerre mondiale, qui visent selon lui à saper sa « puissance et (son) autorité morale ».

D’ores et déjà, le Kremlin a minimisé l’importance des absents le 9 mai, affirmant que la plupart des pays comprenaient l’importance jouée par l’URSS dans la chute du nazisme. Et la Russie, qui a l’habitude de célébrer chaque année cette victoire avec faste, a promis que la cérémonie serait cette année plus glorieuse encore que d’habitude.

Les 2,5 millions de vétérans toujours en vie seront médaillés, tandis que de nombreuses parades militaires seront organisées à travers le pays et dans plus anciennes républiques soviétiques.

Devant le Kremlin, où les soldats de dix pays doivent défiler, des soldats russes vêtus de l’uniforme soviétique de l’époque marcheront à côté des équipements les plus récents de l’armée russe, qui s’est énormément modernisée au cours de ces dernières années.

Les réticences occidentales irritent beaucoup en Russie, où elles sont vues comme un manque de respect. « Ils espèrent punir la Russie et nier la mort de 27 millions de citoyens soviétiques », estime le directeur du Centre public d’études politiques de Moscou, Vladimir Evseïev. « Que Barack Obama ne vienne pas est son problème. Le monde n’a pas à dépendre de sa bonne volonté », explique-t-il à l’AFP.

D’autres voix se montrent plus compréhensives envers les dirigeants occidentaux. « Ils ne peuvent pas se permettre d’assister à une parade militaire et de regarder des soldats russes défiler », déclare Alexandre Baounov, chercheur au Centre Carnegie à Moscou.

« Qu’est-ce que la mémoire de la guerre a à faire avec ça? », renchérit le politologue Anton Orekh. « En quoi les exploits du peuple soviétique et les millions de vie payées pour la Victoire ont à voir avec ceux qui occupent le Kremlin aujourd’hui? »

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