© Reuters

« La population devient de moins en moins sensible aux images d’enfants en souffrance »

Annelies Van Erp

Des millions d’enfants dans le monde sont victimes de la guerre et pourtant on consacre seulement 2 pour cent de l’aide humanitaire à l’enseignement dans les zones de conflit, déclare Philippe Henon d’Unicef Belgique.

« La Syrie, la Somalie et 20 autres pays se trouvent sur la « list of shame » des Nations Unies. Dans ces pays, les conflits armés exercent un effet dévastateur sur les enfants. « La surinformation nous accoutume aux images de petites victimes de guerre. C’est pourquoi il est important d’attirer l’attention sur leur situation précaire à l’occasion de journées thèmes telles que la journée mondiale de la paix (le 21 juin) » souligne Philippe Henon d’Unicef Belgique.

Unicef, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, distingue deux types d’enfants victimes de la guerre. D’une part, les victimes directes, les enfants-soldats et d’autre part, les victimes indirectes.

En zone de guerre, les plus jeunes générations sont les plus vulnérables. Les enfants ne sont pas suffisamment protégés par la loi, ils sont physiquement plus faibles et leur naïveté juvénile les rend très influençables. « Les enfants-soldats sont considérés comme ‘les soldats idéaux’ parce qu’ils sont flexibles et ne coûtent rien » déclare Philippe Henon.

Il y a environ 300.000 enfants-soldats dans le monde. « Une partie d’entre eux sont soldats dans le sens littéral du terme : ils prennent les armes et ont recours à la violence. Mais en plus,il y a un grand groupe qui doit jouer le rôle de cuisinier ou d’espion » ajoute Henon.

Il y a des dizaines de milliers de victimes indirectes dans le monde. Rien qu’en Syrie, il y a déjà 2.000.000 enfants victimes de la guerre. La violence leur barre l’accès aux soins de santé et à l’enseignement. Ils sont les témoins de scènes atroces qui demeurent gravées dans leurs mémoires et les traumatisent.

« L’impact psychologique d’une enfance vécue dans un environnement de guerre est important. C’est pourquoi Unicef plaide pour la fondation d’écoles dans les zones de guerre et cela le plus rapidement possible. Nous souhaitons aller plus loin que l’apprentissage. Nous créons des écoles d’urgence qui dispensent de l’accompagnement thérapeutique. Parler ou gérer ses émotions de façon créative aide les victimes.

« Il est indispensable d’accueillir immédiatement ces enfants afin d’éviter une société d’après-guerre caractérisée par une jeunesse dévoyée ». Les traumatismes non soignés peuvent susciter du stress, des cauchemars et même des dépressions dans le pires des cas.

Les mines antipersonnel colorées attirent les enfants

Pour le moment, 20 millions d’enfants fuient un conflit. Certains avec leur famille mais d’autres sont déracinés parce qu’ils ont perdu leurs parents et se retrouvent dans des camps de réfugiés ou errent autour des zones frontalières.

Dans le monde, 67 millions d’enfants ne vont pas à l’école. Plus de la moitié d’entre eux vivent dans une situation de conflit à cause de la guerre ou d’une catastrophe.

Notre planète contient 110 millions de mines antipersonnel réparties dans 79 pays. Les enfants sont attirés par les « petits ballons » colorés qu’ils prennent pour des jouets. Aussi, 42% des victimes de mines antipersonnel sont des enfants.

« Tenir compte de la dignité de l’enfant »

Il semble que l’attention portée aux enfants victimes de la guerre soit limitée lors de la Journée de la Paix mondiale (le 21 juin) et de la Journée internationale des droits de l’enfant. » Pourtant ces journées à thème restent importantes pour attirer l’attention. Nous avons toujours besoin de soutien financier. Et le lobbying au niveau de l’état belge ainsi qu’au niveau international reste important » déclare Henon.

« Parce qu’aujourd’hui, les citoyens ont largement accès à l’information. Ils peuvent utiliser plusieurs canaux pour se tenir au courant de ce qu’il se passe dans le monde. Le Belge est très bien informé mais en même temps, cette information contribue à l’accoutumance. Les téléspectateurs sont moins rapidement indignés parce qu’ils sont régulièrement confrontés à des images d’enfants en zone de guerre. »

Et parmi plusieurs facteurs, la crise économique rend les gens de plus en plus critiques en matière de dons. Ils se demandent si leur argent arrivera à bon port. « À cela s’ajoute que les situations de guerre rapportent moins que les campagnes de vaccinations par exemple. Malheureusement, une histoire positive et concrète fonctionne mieux qu’une guerre dont beaucoup d’occidentaux pensent que « l’état l’a déclenchée lui-même ».

« Et il va de soi que nous devons trouver un équilibre en tant qu’organisations. Nous voulons informer et mobiliser les gens mais ne souhaitons pas choquer en montrant des images trop fortes. Nous essayons toujours de tenir compte de la dignité des enfants. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire