© Image Globe

La perte de Syrte douche les ambitions de l’EI en Libye

Le Vif

En perdant Syrte, le groupe Etat islamique (EI) essuie son revers le plus cuisant dans ses ambitions d’expansion hors de Syrie et d’Irak, mais les jihadistes sont susceptibles de rester actifs en Libye, selon des experts.

« La reprise de Syrte est certainement un coup négatif pour la branche de l’EI en Libye parce qu’elle perd son fief territorial dans le pays », analyse Claudia Gazzini, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG).

Toutefois, « on ne peut exclure le maintien de cellules – dormantes ou actives – ailleurs dans le pays », met-elle en garde.

Le groupe jihadiste peut continuer à bénéficier du vide du pouvoir en Libye, tombé dans le chaos politique et sécuritaire à la suite de la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Les luttes entre factions et milices lui avaient laissé le champ libre pour s’y implanter d’abord dans l’est puis sur le littoral, en particulier dans la ville natale de l’ex-dictateur prise en 2015.

« Conquérir Syrte et y établir une +wilaya+ (« province » en arabe) a été un coup de propagande qui a attiré des combattants de toute l’Afrique du nord et du Sahel », rappelle Mattia Toaldo, expert au groupe de réflexion European Council on Foreign Relations.

« L’abandonner pourrait représenter un coup d’arrêt, mais tout dépendra de ce qui va se passer en Syrie et en Irak, et de la persistance ou non de territoires échappant à toute autorité en Libye », selon lui.

Claudia Gazzini souligne ainsi que « des militants de l’EI sont restés à Benghazi (est) et que des jihadistes ayant quitté Syrte se sont établis dans le sud, comme à Sebha ou la zone dite du +triangle du Salvador+ » où se rejoignent les frontières entre la Libye, l’Algérie et le Niger.

Nouvelle base?

Le nombre de jihadistes de l’EI encore en Libye est inconnu. Des responsables américains et français estimaient il y a quelques mois qu’ils étaient entre 5.000 et 7.000. Mais, selon un porte-parole des forces loyalistes, ils ne dépassaient pas le millier lors de l’offensive sur Syrte lancée à la mi-mai.

Un certain nombre d’entre eux ont été tués durant les sept mois de combat dans la ville. Les autres ont pu migrer vers le sud où l’EI pourrait profiter de l’absence d’Etat et des rivalités politico-tribales, pour tenter d’asseoir une nouvelle base.

Cette région est un havre et un passage rêvé pour les jihadistes étrangers en Afrique du nord, ainsi qu’un haut lieu de contrebande d’armes.

Mais pour l’organisation ultraradicale, y implanter une nouvelle base risque d’achopper sur des problèmes de financement. En effet, les fonds et ressources dont disposait l’EI à Syrte n’ont rien de comparables avec ceux, immenses, obtenus par le groupe dans son fief irakien de Mossoul, selon les experts.

D’autres groupes de jihadistes se seraient réfugiés à l’ouest, autour de Tripoli, Khoms, Garaboulli et Sabrata, selon Mme Gazzini.

Frederic Wehrey, chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale, fait également état de « nombreux sympathisants de l’EI dans l’ouest du pays », dans des villes comme Sabrata (70 km à l’ouest de Tripoli) ou Bani Walid.

Dans la capitale, l’EI pourrait mener « des attaques spectaculaires afin de miner le gouvernement d’union nationale (GNA) déjà affaibli et de dissuader les étrangers de revenir », souligne cet expert.

La communauté internationale espère que la reprise de Syrte renforcera la position du GNA, installé à Tripoli depuis le printemps mais toujours en quête de légitimité. Il se heurte notamment à l’opposition d’un exécutif parallèle basé dans l’est, dont le Parlement refuse de reconnaître sa prééminence.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire