Plusieurs milliers d'opposants au gouvernement ont parcouru samedi les rues de Varsovie pour se réunir devant le siège du parlement. © AFP

La crise politique en Pologne franchit un nouveau seuil

Le Vif

Sorties du Parlement bloquées par les manifestants, l’hémicycle occupé par des députés d’opposition, accusations de fraude lors de votes de lois et menaces sur la liberté des médias: la crise politique en Pologne a franchi ce week-end un nouveau seuil.

Plusieurs milliers d’opposants au gouvernement conservateur de Droit et Justice (PiS) ont parcouru samedi les rues de Varsovie pour se réunir devant le siège du parlement protégé par un vaste dispositif de police, et dont l’entrée était interdite aux journalistes. Des manifestations, de moindre envergure, se tenaient également dans d’autres villes de Pologne.

« Honte », « Stop à la dévastation de la Pologne », « Médias libres », « Liberté, égalité, démocratie », scandaient les manifestants, agitant des drapeaux nationaux rouge et blanc et des drapeaux européens, au son de cornes de brume. Le chef du PiS Jaroslaw Kaczynski était également personnellement visé, qualifié notamment de « dictateur ».

« Je ne veux pas voir la Pologne mise sens dessus-dessous » par le PiS, a déclaré à l’AFP Malgorzata Kramarz, une femme d’une soixantaine d’années, au milieu de la foule à Varsovie.

– Contre le ‘bon changement’ –

Mme Kramarz, comme les opposants de différents bords et les autres manifestants faisait référence à l’offensive du « bon changement » menée au pas de charge par le parti conservateur populiste, réformant l’éducation nationale et préparant la mise au pas définitive du Tribunal constitutionnel, s’emparant des médias publics ou restreignant le droit aux manifestations.

S’y ajoute une multitude de fronts secondaires ouverts avec les écologistes ou les mineurs, ou encore le crash de l’avion du président Lech Kaczynski en 2010 en Russie et l’exhumation des victimes, qui ont bouleversé une partie de l’opinion publique.

Les rassemblements de samedi ont suivi des incidents inédits la nuit précédente, quand des centaines de personnes ont bloqué les sorties du Parlement à Varsovie, et empêché pendant plusieurs heures les députés de la majorité, la Première ministre Beata Szydlo et Jaroslaw Kaczynski, de quitter le bâtiment.

Répondant à l’appel du mouvement de défense de la démocratie KOD et de partis d’opposition, les manifestants déclaraient protester contre un nouveau règlement limitant l’accès des médias aux députés et aussi contre l’adoption du budget de l’Etat pour 2017 dans des conditions que l’opposition a jugé illégales.

Le cortège de voitures transportant notamment Mme Szydlo, M. Kaczynski avait forcé le passage au milieu des manifestants et, sous protection des policiers, quitté le Parlement tard dans la nuit.

– Souci et inquiétude –

Sortant d’un long silence, le président Andrzej Duda a appelé samedi au calme, exprimant dans un communiqué « son souci et son inquiétude » et proposant sa médiation.

De son côté, Mme Szydlo a parlé de « ceux pour qui la politique est fondée sur la querelle », alors que sa porte-parole Beata Mazurek a dénoncé « une violation de la loi » par l’opposition qui bloquait l’hémicycle, en lui prêtent l’intention de « destituer un gouvernement élu démocratiquement et légalement ».

Intervenant samedi lors d’une cérémonie à Wroclaw (sud-ouest), le président du Conseil européen, Donald Tusk a lui appelé Varsovie à respecter « la population, les principes et les valeurs constitutionnelles ».

« Quand on prive les gens d’accès à l’information ou qu’on impose un modèle unique de la vie, la démocratie devient aussi insupportable qu’une dictature », a insisté M. Tusk.

Jusqu’à présent, toutes les batailles ouvertes sur différents fronts internes et extérieurs n’ont jamais entamé la popularité du parti PiS. Celui-ci, au pouvoir depuis un an, est toujours largement en tête des sondages avec environ 35% d’opinions favorables, soit plus que les deux principaux partis d’opposition pris ensemble.

Ce succès est dû en bonne partie à une l’allocation de 120 euros par enfant à partir du deuxième enfant, une mesure coûteuse mais bien accueillie.

Samedi, les principaux partis d’opposition ont annoncé qu’ils allaient saisir la justice au sujet des votes de la veille. Ils ont appelé le président de la Diète à convoquer une nouvelle séance de la chambre mardi afin de tenir un débat qui n’a pas eu lieu et reprendre les votes controversés.

Quelques dizaines de députés d’opposition occupaient toujours l’hémicycle samedi, affirmant vouloir y rester jusqu’à mardi. Plusieurs manifestations ont été annoncées par l’opposition d’ici-là dans différentes villes du pays.

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