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La Coupe du monde, une occasion pour Poutine de redorer l’image de la Russie

Le Vif

La Coupe du monde de football qui se tiendra du 14 juin au 15 juillet en Russie représente un véritable enjeu pour le président russe Vladimir Poutine. Il s’agit en effet d’une occasion de redorer l’image de la Russie au niveau international, mais aussi d’envoyer un message à la population russe: « continuer à lui redonner confiance et fierté », explique la spécialiste de la Russie de l’ULB, Aude Merlin.

Avec les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, en 2014, les Championnats du monde de natation en 2015, puis de hockey sur glace en 2016, la Russie a enchaîné l’organisation de compétitions internationales ces dernières années. Le sport comme enjeu politique et sociétal est en effet une tradition historique depuis l’ère soviétique, explique Mme Merlin. « En URSS et a fortiori durant la guerre froide, il s’agissait de montrer les prouesses, la supériorité du camp socialiste sur le camp capitaliste. Beaucoup de moyens étaient investis pour présenter une vitrine du pays impressionnante et dans le même temps flatter les réalisations soviétiques en la matière: l’accès du peuple aux loisirs ou encore la conduite d’une vie saine », indique la spécialiste de la Russie. Dans la palette d’enjeux que réactualise Vladimir Poutine actuellement auprès de la population russe, on retrouve le sport. « Le but de la démarche du chef du Kremlin est de redorer l’image et la place de la Russie sur le plan géopolitique, sécuritaire, mais aussi dans d’autres sphères comme le sport. Mais il s’agit également d’envoyer un message à la population: lui redonner confiance et fierté. Ce n’est donc pas un hasard si les autorités russes avaient mis autant d’efforts lors des Jeux olympiques d’hiver à Sotchi en 2014 », selon Mme Merlin. La stratégie de l’homme fort de Russie semble payer. En effet, 53% de la population se dit favorable à l’organisation par la Russie d’évènements comme la Coupe du monde, selon un sondage publié ce lundi par le centre d’études sociologiques indépendant Levada. « En ce moment en Russie, la rétribution symbolique est plus importante que les retombées matérielles tangibles. Nous observons cela depuis l’annexion de la péninsule de Crimée en 2014. Il s’agit d’une tendance croissante.

Pour la majorité de la population, il est plus important de voir l’image de la Russie rehaussée et la fierté nationale stimulée que de mesurer ‘au rouble près’ ce que cela va coûter au détriment d’un certain pouvoir d’achat. En tout cas, la population est prête à des sacrifices dans son pouvoir d’achat et sa vie personnelle, au profit de la grandeur du pays », poursuit l’experte. Une partie de la population conteste cependant l’organisation du Mondial 2018, dénonçant les montants colossaux qui y ont été investis au détriment de la population. Ainsi, 22% de la population se dit plutôt contre l’organisation d’évènements tel que le Mondial de football et 13% catégoriquement contre, selon le sondage mené par Levada. « Ces différences de points de vue (avec les supporters du régime au pouvoir) peuvent s’apparenter à un ‘conflit entre les deux boîtes’, comme le qualifie le directeur du centre Levada, Lev Goudkov. C’est-à-dire le dilemme entre frigo et télévision.

La majorité de la population est plus sensible au message relayé par la télévision qui diffuse principalement la doctrine du Kremlin qu’au fait d’avoir un frigidaire moins rempli », étaye l’experte de la Russie. Au niveau international, les appels au boycott diplomatique de la Coupe du monde en Russie se sont multipliés sur fond de tensions entre Londres et Moscou à la suite de la tentative d’empoisonnement de l’ex-espion russe Sergueï Skripal à Salisbury. Ainsi, soixante députés européens ont appelé en avril dernier dans une lettre ouverte les gouvernements de l’UE à boycotter diplomatiquement l’évènement. La Première ministre britannique Theresa May a déjà annoncé que son gouvernement et elle seront absents au Mondial. Une décision suivie par l’Islande. « La question du boycott est compliquée. Chaque pays qui boycottera ou non diplomatiquement la Coupe du Monde de football le fera d’abord en fonction de ses propres intérêts.

D’une part, la Russie fait partie des pays qui violent les droits humains. D’autre part, boycotter ce genre d’évènements risque toujours d’être analysé comme un manque de respect vis-à-vis du travail fourni par les athlètes qui se sont entraînés pour ce grand rendez-vous. Par ailleurs, le pouvoir russe a toujours utilisé à usage interne ces situations de tension: l’isolement subi par la Russie à l’extérieur est investi à usage interne en termes de fierté. ‘Même pas mal, la Russie tient bon’, tel est le message envoyé par Vladimir Poutine à sa population », conclut Aude Merlin.

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