Si la crise catalane "peut renforcer un sentiment identitaire", "l'attachement à la France dans les Pyrénées-Orientales est très, très fort", insiste Jean-Marc Pujol, maire de Perpignan. © ISOPIX

La « Catalogne du Nord » entre sympathie et inquiétude face à la crise catalane

Le Vif

Solidarité avec les indépendantistes, sympathie envers les victimes après la répression policière ou vives inquiétudes des milieux économiques: les sentiments sont partagés sur la crise catalane de l’autre côté des Pyrénées, versant français, considéré par certains comme la « Catalogne Nord ».

« Il y a un sentiment de malaise, les gens sont anxieux, ont peur de troubles importants. Ils sont très tournés vers le Sud. Ils y ont des attaches familiales, y partent en week-end, vont souvent à Barcelone », indique à l’AFP Jean-Luc Pujol, co-fondateur du parti « Oui au Pays Catalan ».

Dans le département français des Pyrénées-orientales, « les indépendantistes sont très minoritaires. Mais une bonne partie des gens ont beaucoup de sympathie pour les Catalans (du Sud) et sont prêts à défendre leur identité. Sans vouloir sortir de l’État français », souligne le responsable de ce parti créé en octobre 2016 qui milite pour davantage d’autonomie de la « Catalogne Nord ».

« Aujourd’hui, nous, au Nord, on a un projet de statut spécifique pour la Catalogne Nord qui s’inscrit dans le cadre de la Constitution française, comme cela existe en Corse (île méditerranéenne, ndlr). On est à des années lumières de l’indépendance » comme en Catalogne, confirme Jaume Roure, président d’Unitad Catalana, un des plus vieux partis catalanistes des Pyrénées-Orientales (P.O.).

Si la crise catalane « peut renforcer un sentiment identitaire », « l’attachement à la France dans les Pyrénées-Orientales est très, très fort », insiste Jean-Marc Pujol, maire de Perpignan, la principale ville des Pyrénées-Orientales, françaises depuis le XVIIe siècle.

Les séparatistes catalans envisagent de déclarer l’indépendance après la publication de résultats définitifs d’un référendum d’autodétermination qui s’est tenu le 1er octobre et qu’ils ont remporté avec 90% des suffrages et 43% de participation.

Depuis la tenue du référendum, deux manifestations rassemblant environ 500 personnes ont eu lieu dans le calme à Perpignan en solidarité avec les voisins du Sud et pour condamner la répression des forces de l’ordre. Le maire de Perpignan avait qualifié sur son blog ces violences d' »insupportables, injustifiables et inqualifiables ».

– ‘médiation internationale’ –

Certains militants ont même pris une part active à la préparation de cette consultation interdite par Madrid.

Selon le parti « Oui au Pays Catalan », « plusieurs millions de bulletins » ayant servi au référendum ont ainsi été imprimés par des sociétés installées dans les Pyrénées-Orientales (P.O.) puis acheminés de l’autre côté de la frontière.

« On a une situation très dangereuse parce que le gouvernement espagnol est disqualifié pour négocier », a assuré Jean-Paul Alduy, ancien sénateur-maire de Perpignan.

Mais « de l’autre côté, Puigdemont (Carles, président indépendantiste catalan) est obligé d’aller sur la voie qui lui reste, celle de la déclaration d’indépendance. Il faut maintenant une médiation internationale », selon lui.

Dans les milieux économiques, l’inquiétude domine face à cette perspective de l’indépendance. « Cela me paraît assez irréaliste. La Catalogne serait obligée de quitter l’Europe, cela me paraît compliqué », a mis en garde Bernard Fourcade, président de la Chambre de commerce et d’industrie des P.O.

« Personne ne parle de la problématique économique. Peut-être, que dans quelque temps, on se mordra les doigts », a-t-il insisté.

Pour Raymond Mitjavila, chef d’entreprises implantées en France et en Espagne, notamment en Catalogne, « économiquement, cela va être le bordel ». « On fait 45% de notre chiffre d’affaires en Espagne. Et dans les autres provinces, on en veut aux Catalans ».

« C’est embêtant, ce qui se passe. De coeur, je suis avec eux (les indépendantistes), mes parents sont partis à cause de Franco, mais ce qui se passe, cela fait peur », a-t-il ajouté.

Le département des Pyrénées-Orientales a longtemps été une partie de la Catalogne et sa population reste attachée à la culture catalane. Il est devenu français en vertu du traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659 par les royaumes de France et d’Espagne. De nombreux Républicains catalans fuyant la dictature franquiste s’y sont installés.

Si la Catalogne est la région la plus riche d’Espagne, les Pyrénées-Orientales comptent parmi les départements les plus pauvres de France.

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