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« La banalisation du racisme, une menace pour la paix sociale »

Le Vif

Les autorités allemandes ont haussé le ton mercredi pour dénoncer la banalisation de la xénophobie qui menace « la paix sociale » dans l’ex-RDA communiste où les agressions racistes ont fortement augmenté l’an dernier depuis l’arrivée des réfugiés.

« L’extrémisme de droite dans toutes ses formes pose une menace très sérieuse pour la paix sociale et le développement économique », a souligné la chargée pour le gouvernement allemand des Etats régionaux de l’est, Iris Gleicke, lors d’une conférence de presse à Berlin.

Dans un rapport sur « l’état de l’Unité » allemande, rendu public chaque année autour du 3 octobre, date de la Réunification et de la fête nationale, elle s’inquiète en particulier de la banalisation des idées d’extrême droite.

« C’est plus qu’un simple signal d’alarme quand les agressions et les violences sont soutenues par le coeur de la société ou acceptées en silence », a-t-elle dénoncé avec véhémence.

L’Allemagne, sur décision de la chancelière Angela Merkel, a ouvert ses portes en 2015 à environ un million de migrants l’an dernier fuyant la guerre ou la misère en Syrie, en Irak ou en Afghanistan.

Cet afflux a profondément bouleversé le pays et l’a divisé, entre ceux prompts à venir en aide aux réfugiés, et ceux vivant cet afflux comme une menace. En parallèle, les crimes et délits racistes ont explosé, comme dans les années 90 lors de l’arrivée des réfugiés fuyant la guerre en ex-Yougoslavie.

Selon la police criminelle, 58 incendies criminels ont été commis contre des foyers de demandeurs d’asile depuis le début de l’année sur 740 actes criminels au total. Avant la crise migratoire, en 2014, 199 actes criminels contre des lieux d’accueil de migrants avaient été enregistrés, dont six incendies.

« La grande majorité des Allemands de l’est n’est pas raciste ou extrémiste de droite », a lancé Mme Gleicke, également députée d’une circonscription de l’ex-RDA. « Mais je souhaiterais que cette majorité prenne position plus fortement et plus nettement », a-t-elle ajouté.

« La société ne doit pas fermer les yeux quand des gens sont agressés ou que des foyers de réfugiés sont incendiés », a-t-elle encore jugé.

Les inquiétudes identitaires des Allemands n’ont cessé de croître depuis un an, notamment après les agressions sexuelles en bande commises à Cologne le jour de l’An et imputées à des migrants originaires surtout d’Afrique du nord.

Fin d’un tabou

L’Allemagne, en quête d’exemplarité morale depuis la fin du Troisième Reich, a également vu se briser un tabou avec l’ancrage pour la première fois dans le paysage politique d’une droite populiste et dure qui flirte volontiers avec le racisme.

Incarnée par l’Alternative für Deutschland (AfD), elle engrange les bons résultats aux régionales en particulier à l’est et puise son vivier électoral dans ces régions où le mécontentement est grand et où la population se sent abandonnée par les élites politiques.

Après cinq succès électoraux de rang en 2015, avec des scores de 20-25% à l’Est et 13-15% à l’Ouest, ce parti au discours islamophobe est représenté dans 10 des 16 Länder et a largement affaibli la chancelière conservatrice.

Il vise une entrée en force au Parlement à l’occasion des législatives de l’automne prochain.

L’AfD, que l’influent hebdomadaire der Spiegel appelle les « prédicateurs de la haine », rejette le qualificatif de raciste, mais plusieurs de ses dirigeants ont fait scandale en dénigrant des réfugiés, des sportifs allemands de couleur ou pour leur proximité avec des groupes néo-nazis.

Les autorités allemandes, notamment la chancelière, n’ont cessé depuis un an de condamner l’envolée des crimes xénophobes.

Les plus spectaculaires ont lieu dans les régions de l’ex-RDA qui sont pourtant celles ayant de très faibles populations étrangères (2% à 3%), et peu de réfugiés.

Dans la petite ville de Bautzen en Saxe (est), des heurts ont encore opposé en fin de semaine dernière de jeunes réfugiés à des sympathisants d’extrême-droite. Dans cette cité, plusieurs personnes avaient assisté, hilares, à l’incendie d’un foyer en février et gêné l’intervention des pompiers, scandalisant l’Allemagne.

Dans une autre ville, Clausnitz, un autocar transportant des réfugiés avait été bloqué par des habitants hurlant des injures, provoquant aussi l’indignation du reste du pays.

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