Installé à la Maison Blanche, Donald Trump a poursuivi ses attaques contre l'OMC, qui compte 164 membres, en dépit des multiples appels au calme de la Chine et de l'Union européenne. © AFP

L’OMC survivra-t-elle à Trump?

Le Vif

Les Nations unies et l’Otan sont régulièrement critiquées puis encensées par le président américain Donald Trump. Un sort que connaît désormais aussi l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le gendarme du commerce mondial, basé à Genève.

Pendant sa campagne, Donald Trump avait fait preuve d’une vive hostilité à l’égard de l’OMC, qualifiant l’organisation de « désastre », et il avait laissé entendre que les Etats-Unis pourraient s’en retirer si Washington ne pouvait pas renégocier certains règlements, notamment en matière de tarifs douaniers.

Installé à la Maison Blanche, Donald Trump a poursuivi ses attaques contre l’OMC, qui compte 164 membres, en dépit des multiples appels au calme de la Chine et de l’Union européenne. Eloge des accords commerciaux bilatéraux, menace de ne pas se soumettre aux décisions de l’Organe de règlement des différends de l’OMC, l’administration Trump a continué sa charge contre le multilatéralisme ces derniers mois, poussant l’institution un peu plus près du gouffre.

Ces critiques semblent désormais des pécadilles comparées à l’annonce, début mars, de taxes américaines sur les importations d’acier et d’aluminium (dont certains pays ont été exemptés), sous couvert de protéger la sécurité nationale.

Pour beaucoup d’experts, cette annonce, qui a déclenché un tollé international, équivaut à une véritable déclaration de guerre contre l’OMC.

Washington a ensuite brandi, le 22 mars, la menace de sanctions – pouvait atteindre 60 milliards de dollars – sur certaines importations chinoises. Et pourtant, un jour après cette annonce, les Etats-Unis ont décidé le lancement d’une procédure à l’OMC contre la Chine à laquelle ils reprochent de « porter atteinte au droit de la propriété intellectuelle de ses entreprises ».

Washington reproche depuis longtemps à Pékin de tirer profit du système de co-entreprises imposé aux firmes étrangères qui s’implantent en Chine pour piller les innovations technologiques américaines.

« Le fait qu’ils aient porté ce différend devant l’OMC signifie que l’on ne parle pas de +Trump contre l’OMC+, mais de Trump qui utilise l’OMC », a affirmé à l’AFP Peter Ungphakorn, qui a travaillé à l’OMC pendant deux décennies.

Cet ancien porte-parole de l’OMC estime que les grandes lignes de la stratégie américaine à l’OMC sont peut-être en train d’émerger.

« Ils vont utiliser n’importe quelle arme qui leur permette de gagner », a-t-il dit, précisant que Washington continuera à travailler au sein du système quand il le veut, tout en ignorant les règles si besoin.

L’OMC pourra-t-elle survivre si la première économie mondiale ne se plie pas aux règles du jeu ?

– « L’OMC est morte » –

Edward Alden, spécialiste de la politique commerciale du think tank américain Council on Foreign Relations, estime que le jour de l’annonce des droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium n’est ni plus ni moins que « le jour où l’OMC est morte ».

Pour l’expert, l’OMC ne va pas pouvoir survivre à cette affaire car elle a mis sur le devant de la scène la question de la sécurité nationale.

Reste que l’Organe de règlement des différends, chargé d’arbitrer les conflits commerciaux, n’a jusqu’à présent jamais statué dans une affaire invoquant la clause d’exception au nom de la sécurité nationale.

Pour l’instant, aucun pays n’a porté la question des droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC. Si une plainte était déposée par un pays, et si les juges de l’OMC venaient à accepter l’argument américain de la sécurité nationale, tous les pays pourraient en faire de même, explique M. Alden.

A ses yeux, M. Trump ne cherche pas à détruire l’OMC, mais ne veut pas « être contraint par (ses) règles ».

Pour les experts, l’avenir de l’OMC dépendra de l’action de Donald Trump et de la réaction des autres membres de l’organisation.

La Chine, deuxième économie du monde, se pose désormais comme un grand défenseur de l’OMC. Ces derniers jours, les diplomates chinois à l’OMC ont exhorté à plusieurs reprises Washington à sauvegarder le système commercial multilatéral.

Pour M. Alden, les membres de l’OMC, en particulier la Chine et l’Union européenne, vont quand même devoir prendre des mesures concrètes pour répondre aux frustrations exprimées par les Etats-Unis. Faute de quoi, « je pense que l’OMC va devenir de moins en moins pertinente », dit-il, tout en assurant que l’organisation ne va pas disparaître de sitôt.

Si le système de règlement des différends s’effondre, l’OMC pourra continuer à être un forum de négociation, mais il n’en demeure pas moins que « la situation est dangereuse », avertit M. Ungphakorn.

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