El Chapo © Reuters

L’ombre d »El Chapo » plane toujours sur le Mexique

Le Vif

L’ombre du puissant narcotrafiquant mexicain Joaquin « El Chapo » Guzman, détenu à New York, où les plaidoiries de son procès doivent débuter mardi, continue de planer dans l’Etat de Sinaloa, son fief du nord-ouest du Mexique.

A 61 ans, cet homme dont le surnom signifie le courtaud, en référence à sa petite taille, est présenté par la justice américaine comme le plus important trafiquant de drogue de la planète depuis Pablo Escobar, mort en 1993.

Selon l’accusation, son organisation, le cartel de Sinaloa, a expédié aux Etats-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne, ainsi que d’énormes quantités d’héroïne, de méthamphétamine et de marijuana, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars. Il a été extradé depuis le Mexique à la demande de Washington en janvier 2017.

Dans les rues de Culiacan, la capitale de cet Etat écrasé par la chaleur, on trouve des images d’El Chapo au côté d’un fusil automatique et des casquettes avec le chiffre « 701 », qui correspond au rang qu’il occupait sur la liste du magazine Forbes des hommes les plus riches du monde. Sa fortune était alors estimée à 1 milliard de dollars.

Ses origines modestes –enfant, il vendait des oranges, des caramels et des boissons gazeuses–, son ascension fulgurante et ses évasions rocambolesques ont alimenté sa légende et lui ont valu une notoriété internationale. Le parcours de Joaquin Guzman a aussi inspiré des séries, des films et des « narcocorridos », ces ballades mexicaines avec guitares et trompettes qui racontent les chefs de cartels.

– « Plus malin qu’El Chapo » –

El Chapo a acquis une célébrité internationale grâce à la manière dont il s’est joué des autorités. « Ses évasions et les chasses à l’homme qui s’en sont suivis ressemblaient à un film », explique à l’AFP Tomas Guevara, sociologue de l’université de Sinaloa.

Au-delà de sa légende, son organisation criminelle reste l’une des plus importantes du pays, même si d’autres groupes, tels que le très violent cartel de Jalisco Nouvelle Génération, osent le défier.

29 juin 2017, deux cadavres le long d'une route après un règlement de comptes à la périphérie de Culiacan, Etat de Sinaloa, foyer du cartel du même nom.
29 juin 2017, deux cadavres le long d’une route après un règlement de comptes à la périphérie de Culiacan, Etat de Sinaloa, foyer du cartel du même nom.© Enric Marti/isopix

« Le cartel de Sinaloa continue de fonctionner comme avant. La capture et l’extradition du Chapo Guzman a été quelque chose de symbolique », souligne Mike Vigil, ex-agent de la DEA, l’agence anti-drogue américaine.

Depuis la chute de El Chapo, c’est Ismael +Mayo+ Zambada, qui dirige le cartel. Très discret, et n’ayant jamais fait un seul jour de prison, il a su éviter l’éclatement du cartel et « est surement plus malin que El Chapo » estime l’expert.

El Chapo comme Zambada s’inscrivent dans une lignée de grands narcotrafiquants mexicains, issue du Sinaloa où la culture du narcotrafic a imprégné la société.

Chapelles funéraires dignes de cathédrales miniatures équipées d’air conditionné et vitres blindées: un cimetière est même dédié à Culiacan aux narcotrafiquants, où sont enterrés certains des capos de la drogue.

A quelques kilomètres de là, se trouve la chapelle de Jesus Malverde, considéré comme le « saint patron » des narcotrafiquants, bien qu’il ne soit pas reconnu par l’Eglise catholique.

Ses fidèles assurent qu’il a existé et qu’il s’agissait d’un bandit de grand chemin du début du XXe siècle qui distribuait son butin aux pauvres. Il se cachait dans les montagnes verdoyantes de Sinaola, d’où son surnom de « mal verde ».

– Routes et éclairage public –

« L’idée originale des narcos –et c’est pour cela qu’ils gagnaient le coeur des gens–, c’est qu’ils construisaient des routes pour le peuple, donnaient de l’argent pour la construction de l’église, faisaient construire une grande maison pour leur maman et installaient l’éclairage public », ajoute le sociologue Tomas Guevara.

« Toutes ces choses que l’Etat aurait dû fournir », fait-il valoir, un rôle qu’a largement endossé « El Chapo » et qui lui a assuré de nombreuses complicités dans la région, malgré la violence qui l’accompagne.

Cette violence, Maria Isabel Cruz en est directement victime: depuis la disparition en 2017 de son fils, policier municipal à Culiacan, elle le cherche dans les fosses communes clandestines.

« Ici, dans l’Etat de Sinaloa, il (le narcotrafic) existait mais tout était très discret. Personne n’osait hausser le ton. Personne n’osait crier comme je l’ai fait moi-même », explique Mme Cruz, qui dirige un groupe d’une centaine de femmes qui cherchent leurs proches disparus.

Gangréné par les cartels qui se disputent violemment le contrôle des routes de la drogue, le Mexique a enregistré 200.000 morts violentes ces douze dernières années, et le pays compte 37.000 disparus.

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