La sénatrice Elizabeth Warren © REUTERS

L’importance des femmes en politique américaine: « Le résultat prime sur l’ego »

Eva Schram
Eva Schram Correspondante en Amérique du Nord pour Knack.be et LeVif.be

En 2018, un nombre record de femmes participeront aux élections américaines. Est-il question d’un effet Trump ?

Le 6 novembre, les Américains se rendront aux urnes pour les élections de mi-mandat, c’est-à-dire à mi-parcours du mandat présidentiel. Les démocrates considèrent qu’il est temps de reprendre la Chambre des représentants et peut-être le Sénat aux républicains, ce qui mettrait le président Donald Trump en difficulté pour gouverner.

L’organisation politique Emily’s List estime que les candidates ont un rôle particulier à jouer dans la reprise du Congrès. Nous soutenons actuellement 45 candidates dans les districts « red-to-blue » (un terme pour les districts susceptibles de passer du républicain au démocrate, NDLR), déclare la porte-parole Alexandra de Luca. C’est le double de ce qu’il faut pour renverser la Chambre. »

Emily’s List existe depuis 1985 et fait plusieurs choses. L’organisation recrute des femmes démocrates et pro-avortement pour occuper des fonctions publiques à tous les niveaux du gouvernement. « Du conseil municipal au président « , explique De Luca. De plus, Emily’s List recueille de l’argent pour faire des dons aux candidats. Le nom Emily est une abréviation de « Early Money Is Like Yeast, want it raises the dough ». Une phrase au sous-entendu sérieux : celui qui parvient à recueillir des fonds à un stade précoce d’une campagne a de sérieuses chances d’être élu.

Pour les candidates, le financement des campagnes électorales est l’un des obstacles les plus difficiles à surmonter. The Washington Post rapporte cette semaine qu’au niveau du financement, les candidates sont encore loin derrière les candidats. Les candidats masculins à la Chambre des représentants ont, en moyenne, recueilli 17 % de plus que les femmes.

De Luca reconnaît le problème. De nombreuses candidates se présentent pour la première fois. Elles n’ont donc pas encore de liste de donneurs dans leur annuaire qu’elles peuvent appeler pour faire un don. De plus, beaucoup de femmes possèdent moins de relations en politique et dans le monde des affaires, d’où vient l’argent. Nos candidates sont enseignantes et infirmières. Kelly Dittmar, chargée de cours en sciences politiques et chercheuse au Center for American Women and Politics de l’Université Rutger, confirme le problème de la collecte de fonds pour les candidates. « Il faut beaucoup plus de travail aux femmes qu’aux hommes pour obtenir le même montant », dit-elle. « Et cela empêche de nombreuses femmes de se présenter. »

Pas encore d’égalité politique

Le centre de recherche pour lequel Dittmar travaille est impartial – l’objectif est de parvenir à l’égalité de représentation entre les hommes et les femmes, quel que soit le parti. « 2018 est une année record pour les femmes », dit Dittmar – se référant au fait que plus de femmes que jamais se sont présentées à une fonction publique, et que plus de femmes que jamais ont été nominées et figureront donc sur le bulletin de vote en novembre -,  » et si elles sont également élues en novembre, nous aurons un nombre record de femmes au Congrès et au niveau des gouverneurs. Mais nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers », prévient-elle. « Briser le record ne nous apportera pas encore l’égalité politique. Nous devons continuer à lutter pour que notre représentation politique soit un reflet de notre pays. »

En septembre, Dittmar et deux collègues publieront le livre « A Seat at the Table » consacré à l’importance des femmes en politique américaine, et basé sur des entretiens avec des femmes membres du Congrès. « Il s’agit des nouvelles perspectives que les femmes ont pu donner en matière d’agendas politiques, mais aussi de donner l’exemple. Les femmes membres du Congrès à qui nous avons parlé nous ont dit combien il est important pour les écoliers de rencontrer un politicien qui ne soit pas un homme blanc d’un certain âge. Mais il y a aussi un intérêt institutionnel à une plus grande représentation féminine, dit Dittmar. Les femmes à qui nous avons parlé ont souligné qu’elles étaient là pour faire des affaires. Elles font primer les résultats sur l’ego. Et si leur motivation est d’obtenir davantage, cela les incite à travailler davantage avec les gens de l’autre bord. Elles ne sont pas plus impartiales de nature, mais leur but est d’obtenir des résultats. » En résumé, s’il y a plus de femmes, il y aura peut-être moins de partialité.

Effet Trump?

Depuis les élections de 2016, 40.000 femmes se sont inscrites sur Emily’s List pour dire qu’elles voulaient se présenter aux élections. Il s’agit là aussi d’une fonction importante de l’organisation : fournir aux femmes des conseils et une assistance dans le processus. Bien sûr, toutes ces femmes ne figureront pas sur les bulletins de vote en novembre, mais cela nous amène à nous demander : est-il question d’un effet Trump?

Pour De Luca, il s’agit d’un effet antirépublicain. Donald Trump est le symptôme d’un parti qui a été complètement brisé. Le parti a déroulé le tapis rouge pour les terribles et dangereuses mesures politiques anti-femme du troll masochiste qu’est le président. Les femmes savent qu’elles peuvent réparer cela, et elles le font en se présentant aux élections. »

Selon Dittmar, il pourrait y avoir un effet Trump parmi les femmes démocrates sur les listes électorales. « Si vous regardez le tableau d’ensemble, une partie importante de la forte hausse du nombre de candidates vient aussi du côté démocrate. Et je pense que 2016 a servi de catalyseur pour leur candidature. Ce n’est souvent pas la seule raison, mais cela les a incitées à aller encore plus loin. En fin de compte, ces femmes ont toutes un programme politique qui est la véritable raison pour laquelle elles se sont présentées aux élections. Pour les femmes républicaines, il peut aussi y avoir un effet Trump », dit Dittmar. « Tout d’abord : il y a plus de candidates républicaines cette année que les années précédentes, mais elles sont encore fortement sous-représentées. Mais celles qui se présentent aux élections pour la première fois cette année ont peut-être été inspirées par Trump. Elles se disent: ‘C’était un outsider, je suis aussi une outsider. Peut-être que je peux gagner aussi’. »

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