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L’humiliation des Jeux du Commonwealth

A quelques jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux du Commonwealth à New Delhi, le 3 octobre, les premiers athlètes arrivent ce vendredi. Mais les organisateurs semblent dépassés: à peine construits, certains édifices se sont déjà écroulés.

Ce devait être un argument de plus pour revendiquer le statut tant convoité de « grande puissance ». Comme pour la Chine avec les JO de 2008, l’Inde voyait en effet dans les Jeux du Commonwealth 2010, qui se dérouleront à New Delhi entre le 3 et le 14 octobre, une occasion de briller sur la scène internationale en montrant sa capacité d’organiser une compétition de grande ampleur. A l’approche de l’événement, la publicité obtenue est cependant bien différente de celle escomptée… Car la préparation de ces Jeux, qui doivent regrouper 8000 participants venus de 71 pays, a tourné au fiasco, à tel point que certains pays hésitent à envoyer leur délégation.

Alors que les Jeux 2010 ont été attribués il y a maintenant sept ans, les travaux pharaoniques relatifs à ce grand rendez-vous sportif des anciennes colonies britanniques sont toujours en cours, après avoir été lancés, pour la plupart d’entre eux, seulement l’an dernier. Outre les installations sportives plus ou moins inachevées, toute la capitale reste parsemée d’échangeurs en construction, de tranchées remplies d’eau de mousson et d’une multitude de tas de gravats.

Pour ne rien arranger, les préparatifs ont été entachés d’accusations de corruption. Les contrats octroyés pour construire une quinzaine de bâtiments sont examinés à la loupe, car les autorités soupçonnent un traitement de faveur au profit d’entreprises qui, de surcroît, n’étaient pas toujours les plus qualifiées en lice. L’opacité en la matière est totale : personne ne semble connaître les noms des entreprises ou des architectes… Ce qui explique, aussi, la pagaille générale autour des travaux, et la qualité pour le moins discutable de certains édifices.
Le plafond du stade flambant neuf destiné aux épreuves d’haltérophilie s’est effondré dès la première pluie de mousson…

Et un pont réservé aux piétons s’est écroulé, le 21 septembre, à deux pas du stade principal… Directeur général de la Fédération des Jeux, Mike Hooper fustige l’état des bâtiments: « Ils sont répugnants et inhabitables, expliquait-il, à moins de deux semaines de la cérémonie d’ouverture. Il y a de la poussière et des gravats dans l’embrasure des portes, des portes de douche montées à l’envers et des excréments à des endroits où ils ne devraient pas être. »

Spécialistes de « l’anarchie fonctionnelle »

Comment expliquer un tel manque de professionnalisme? « Il n’existe dans ce pays aucune capacité d’organisation au sein de l’Etat, et le recours à un modèle de sous-traitance généralisée se traduit par une qualité au rabais », rappelle Jean-Joseph Boillot, économiste et spécialiste de l’Inde.
« Il n’y a jamais de vrai planning sur les projets de construction et, surtout, ce pays souffre d’un énorme manque de compétence technique au niveau des gens qui sont aux commandes », ajoute Stéphane Paumier, un architecte français installé de longue date. Et de raconter comment, sur ses propres chantiers, il arrive régulièrement qu’un sous-traitant commande des matériaux différents de ceux initialement prévus: « Les multiples intervenants ne respectent pas leurs rôles respectifs et doivent souvent subir des ingérences de ‘personnalités’ qui se mêlent de tout sans aucune qualification. »
Très sûr de lui, le comité d’organisation des Jeux assure que tout sera prêt à temps. Ce qui sera probablement le cas, les Indiens étant les grands spécialistes de l' »anarchie fonctionnelle », qui fascinait tant l’économiste John Kenneth Galbraith. Reste à savoir si ces infrastructures seront capables de durer plus que les douze jours de la compétition… Ce serait la moindre des choses: l’ensemble des chantiers aura coûté près de 5 milliards d’euros.

Par Pierre Prakash

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