Pierre Le Guennec et sa femme Danielle, accompagnés de leur avocat Maître Eric Dupond-Moretti. © AFP

L’ex-électricien de Picasso, condamné pour recel, change sa version des faits

L’ex-électricien de Pablo Picasso a changé de version lundi à l’ouverture de son procès en appel en France pour expliquer comment il détenait 271 oeuvres du peintre, affirmant cette fois qu’il s’agissait d’un don de sa veuve Jacqueline.

Pierre Le Guennec et son épouse Danielle avaient été condamnés en 2015 à deux ans de prison avec sursis pour recel: la justice ne les avaient pas crus quand ils avaient affirmé avoir obtenu ces oeuvres contenues dans un carton des époux Picasso en 1971 ou 1972, donc avant la mort du peintre en 1973.

Lundi devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le récit est tout autre. « Madame Picasso Jacqueline avait des problèmes avec (le fils du peintre) Claude Picasso,  » a déclaré en début d’audience M. Le Guennec, que la cour a présenté comme « l’homme à tout faire » de Pablo et Jacqueline Picasso, la voix tremblante et l’expression maladroite.

Quelques mois après le décès de Picasso, « elle m’a demandé de bien vouloir mettre chez moi en réserve des sacs poubelle », qu’il chiffre entre 15 et 17. Plus tard, elle lui aurait demandé de les lui rendre, sauf un pour lequel elle aurait dit « gardez-le, c’est pour vous ».

Eric Dupond-Moretti, avocat des prévenus, a affirmé avoir obtenu, « difficilement », cette version de son client il y a seulement quelques jours. Il a demandé un complément d’information pour « vérifier si d’autres oeuvres ont pu être mises de côté par Jacqueline Picasso, pas forcément à des fins marchandes ».

M. Le Guennec a indiqué qu’il s’agissait « peut-être » de faire échapper ces sacs à l’inventaire de succession et a affirmé ne pas avoir dit la vérité plus tôt par « peur qu’on m’accuse ainsi que madame d’avoir volé ces sacs ».

Jean-Jacques Neuer, avocat de Claude Ruiz-Picasso – fils du peintre et seul représentant des parties civiles présent à l’audience – a dénoncé un « mensonge hallucinant », affirmant que cette affaire touchait aux « aspects les plus noirs et puissants du marché de l’art » et soutenant la thèse d’un « blanchiment international d’oeuvres volées ».

En première instance devant le tribunal de Grasse, l’électricien, qui avait travaillé pour Picasso entre 1970 et 1973, avait soutenu que les 271 oeuvres, qui datent de 1900 à 1932, empilées dans un carton durant quarante ans, étaient un cadeau offert en 1971 ou 1972 en remerciement de son dévouement.

Les oeuvres, non signées ni inventoriées au moment du décès du peintre en 1973, avaient refait surface lorsque M. Le Guennec s’était présenté à Claude Picasso afin d’en faire authentifier 180 ainsi qu’un carnet de 91 dessins. Les héritiers avaient aussitôt porté plainte.

Durant le premier procès –à l’issue duquel le couple avait été condamné pour « recel de biens provenant d’un vol »– les témoignages de proches et d’experts de Picasso avaient tous convergé pour détruire la thèse d’un don.

L’enquête n’avait toutefois pas permis d’établir formellement l’identité de l’auteur du ou des vols. Le tribunal avait décidé de remettre les oeuvres au fils de l’artiste, Claude Ruiz-Picasso, représentant les six héritiers au procès.

Le procureur avait accusé Pierre le Guennec d’être un pion manipulé par des marchands d’art véreux, tentant d’écouler des oeuvres initialement volées par son cousin « Nounours », ex-chauffeur de Picasso.

Lundi, l’ancien électricien a avoué, contrairement à ce qu’il avait affirmé jusqu’à présent, avoir été aidé par son beau frère dans la rédaction des descriptifs des oeuvres.

L’audience est prévue sur une journée. Le couple encourt une peine maximale de cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende ou la moitié de la valeur des biens recelés.

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