© AFP

L’évêque « bling bling » qui embarrasse l’Allemagne

Le Vif

L’évêque Franz-Peter Tebartz-van Elst est rattrapé par son mode de vie trop fastueux. Il a fait construire un complexe épiscopal à 31 millions d’euros qui fait scandale et lui vaut une convocation au Vatican.

L’Eglise catholique est bien ennuyée par un évêque trop dépensier. On pourrait croire à une fable de La Fontaine, mais Monseigneur Franz-Peter Tebartz-van Elst existe vraiment. Il officie à Limburg, en Allemagne, où il a fait construire un complexe épiscopal pour la somme de 31 millions d’euros. Ce train de vie fastueux lui a d’ailleurs valu le surnom d' »évêque de luxe ».

La polémique n’a pas tardé outre-Rhin. La presse s’est emparée du sujet lorsque la facture astronomique a été rendue publique, et le feuilleton émeut journalistes et citoyens depuis plusieurs jours. On est loin de la faute d’inattention, puisque les travaux devaient coûter 5,5 millions d’euros dans le projet de 2007. Mais l’évêque était tenu au courant des sommes engagées, assure l’architecte responsable des travaux, Stefan Dreier, qui évoque les « souhaits extravagants » du prélat. Au point d’avoir dilapidé deux tiers des fonds accumulés par le diocèse depuis deux siècles en seulement trois ans, selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Pour montrer patte blanche, cinq diocèses ont rendu leurs finances publiques ce mercredi, faisant voeu de transparence.

Boire de l’eau plutôt que du vin, ou l’inverse

Ces frasques ne datent pas d’hier. L’amour de la dépense de Mgr Tebartz-van Elst avait déjà fait les gros titres en Allemagne. En août 2012, le Spiegel révélait le montant du billet pour son aller-retour en Inde: 7000 euros ponctionnés dans les caisses du diocèse pour aller soutenir les enfants pauvres et goûter le champagne de la première classe de la compagnie Lufthansa. C’est aujourd’hui cette escapade qui le rattrape: les procureurs de Hambourg poursuivent l’évêque pour mensonge sous serment sur le coût du déplacement. Pour se rendre à Rome cette semaine, où son cas est évoqué dans les hautes sphères du Vatican, Franz-Peter Tebartz-van Elst a voyagé avec la compagnie low-cost Ryanair.
L’an dernier, le complexe épiscopal était déjà pointé du doigt. Personne n’était autorisé à visiter le chantier, un bon terreau pour les rumeurs: on parlait d’une cave à vins, d’un sauna, d’un toit chauffant pour la chapelle… Une fois le complexe livré, la vérité n’était pas si éloignée du fantasme. Les sommes sont vertigineuses: 2,3 millions d’euros pour le cloitre, 2,67 millions d’euros pour la chapelle privée, 2,9 millions d’euros pour les appartements privés de Mgr Tebartz-van Elst. Leur aménagement s’élève à 480 000 euros, avec une baignoire à 15 000 euros, une table à 25 000…

La colère gronde à Limburg. Car pendant que se bâtissait à l’abri des regards indiscrets le somptueux ensemble architectural, le prélat prêchait la modestie et imposait des coupes budgétaires: « boire de l’eau plutôt que du vin » était son mot d’ordre. Sans fonds suffisants, l’entretien des églises ou le fonctionnement de centres de soins sont rendus difficiles. A Limburg, la communauté catholique a même dû faire une collecte de 10 000 euros pour permettre l’accès de la cathédrale aux personnes handicapées: le diocèse n’avait pas les moyens de mettre la main à la poche.

Crise de l’Eglise allemande

Marquée par de récents scandales sexuels, l’Eglise catholique allemande voit cette nouvelle affaire d’un mauvais oeil. Depuis le début de la semaine, à Limburg, plus de 70 membres de l’église catholique se sont retirés de la liste des croyants, contre un par jour en moyenne depuis le début de l’année: un signe négatif pour le diocèse puisque les inscrits paient chaque année un impôt directement à leur Eglise. Et cette manne financière de plus de 5 millions d’euros par an en Allemagne explique que l’Eglise tente de regagner la confiance de ses fidèles.

Angela Merkel, fille de pasteur protestant et dont les pratiques quotidiennes modestes sont souvent évoquées, s’est inquiétée de la perte de « confiance des gens dans leur église ». Dans la même veine, l’Archevêque allemand, Robert Zollitsch, a déploré un « problème de crédibilité » avant une entrevue avec le pape François mardi.

Une rencontre entre le souverain pontife et Mgr Tebartz-van Elst est aussi évoquée dans les couloirs du Vatican. Pour le Süddeutsche Zeitung, les critiques à son encontre n’auraient pas été si virulentes dans un autre contexte. Le pape François prône depuis son élection « une Eglise pauvre pour les pauvres », une doctrine en contradiction flagrante avec le style de vie de l’évêque.
Selon un sondage de l’hebdomadaire Stern paru vendredi, 70% des Allemands se disent favorables à sa démission. L’évêque bling-bling entendra-t-il ses ouailles?

Par Marie Le Douaran

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire