L’évasion par la baignoire du baron de la drogue montre l’étendue de la corruption au Mexique

L’évasion du baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman à travers un très sophistiqué tunnel de 1.5 kilomètre de long montre l’étendue de ce qui est possible de faire dans le pays avec de l’argent. Le président mexicain qui avait fait de la surveillance de El Chapo une priorité nationale, se retrouve aujourd’hui bien marri.

Lorsque l’on arrête, en février dernier, le baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman, il est l’un des hommes les plus recherchés des États-Unis et du Mexique. Lors de cette journée historique, un journaliste demande au président mexicain Enrique Pena Nieto combien de temps il faudra au baron pour s’échapper à nouveau. La réponse fuse, limpide : une évasion serait tout simplement inadmissible. La question n’était pourtant pas si idiote puisque, après une première arrestation en 2001, El Chapo avait déjà réussi à s’échapper en se cachant dans le sale linge. On aurait acheté l’aide d’un gardien pour la modique somme de 2,5 millions dollars selon certaines sources.

Mais cette fois ce serait différent, jure mordicus le président. Enfermé dans la prison la plus sécurisée du pays, l’Altiplano, le gouvernement vérifierait chaque jour s’il était assez surveillé. Garder le baron entre quatre murs et le mener au procès était désormais une priorité de chaque instant.

Toute cette attention n’a cependant pas empêché El Chapo (le trapu) de jouer les filles de l’air ce week-end. Il a fait construire par des complices une maison à 1.5 kilomètre de la prison. Ils ont commencé les travaux en février sans que ceux-ci n’avancent guère. Il faut dire qu’ils n’ont jamais prévu de construire effectivement une maison. Le chantier a surtout servi à masquer la construction d’un tunnel avec ventilation et lumière. Il a aussi été construit sur mesure pour El Chapo puisqu’il avait 1.65 mètre de haut.

La fausse maison
La fausse maison© Reuters

Un très long bain

Les complices devaient posséder des plans très précis de la prison et une localisation GPS de Guzman puisqu’ils ont fait aboutir leur tunnel juste en dessous de la baignoire où El Chapo a pris son bain ce samedi. C’est aussi l’une des rares pièces sans surveillance vidéo. Ceux qui ont creusé le tunnel ont fait un trou de 50 centimètres sur 50 en dessous de la baignoire par lequel Guzman s’est échappé. Une échelle lui a permis de rejoindre le tunnel. Quand le gardien vient contrôler la pièce quelques instants plus tard, El Chapo est déjà libre.

Guzman a gagné son titre de baron de la drogue en versant beaucoup de sang. Il se trouve à la tête de l’un des plus gros cartels de drogue du Mexique. Il est aussi le plus gros importateur de drogue aux États-Unis et a coupé beaucoup de têtes pour en arriver là. Selon toutes les estimations, il est au minimum milliardaire. On ne connait pas son âge exact, mais on estime qu’il a entre 55 et 60 ans.

El Chapo
El Chapo © Reuters

Les autorités mexicaines ont déjà effectué une trentaine d’arrestations. Les contacts possibles entre les visiteurs de Guzman et le personnel de la prison sont passés au peigne fin. Le gouvernement promet une récompense de 3,8 millions de dollars pour qui peut donner des indices menant à son arrestation. Il y a une gigantesque chasse à l’homme qui est en court, mais les services de renseignements américains pensent qu’il s’est déjà mis au vert à l’étranger. En attendant, il est toujours introuvable.

El Chapo est loin d’être un novice dans le domaine des tunnels. Son cartel en a déjà construit plusieurs à la frontière avec les États-Unis pour faire passer des drogues, mais aussi des clandestins. 75 auraient été découverts depuis 2008 selon The Daily Beast,.

Argent ou plomb

Les Mexicains arrivent néanmoins à percevoir l’humour (noir) de la situation selon The New York Times. Ils comparent la lenteur des travaux du métro de Mexico à la rapidité avec laquelle on a réussi à construire le tunnel qui a permis l’évasion du baron de la drogue. L’évasion n’est pas seulement un camouflet pour le président. Elle montre aussi à quel point il n’a que peu d’influence sur un pays laminé par une corruption sans limites. On a probablement proposé aux gardiens de choisir entre l’argent et le plomb. L’argent pour les billets et le plomb pour la balle. Cette façon de « faire affaire » rend la lutte contre la corruption particulièrement difficile dans ce pays.

Selon la presse américaine, El Chapo serait le plus important trafiquant de drogue au monde. Selon un membre de l’agence américaine de lutte contre la drogue, il ferait passer le pourtant déjà fameux Pablo Escobar pour un boyscout. Il s’est taillé sa place au sommet grâce à la terreur, surtout envers ses concurrents. Il est connu pour ses bains à l’acide dans lesquels il plonge vivants ceux qui s’opposent à lui. Dans les guerres sanglantes entre cartels, des dizaines de milliers de Mexicains auraient trouvé la mort. Guzman est d’autant plus retors qu’il manipule le marché de la drogue de manière sophistiquée. Sous son influence les prix de la drogue ont tellement baissé que, pour de plus en plus d’Américains, l’héroïne est une alternative moins onéreuse que les calmants sur ordonnance.

« Ce fils de pute de Trump va ravaler ses paroles »

Les États-Unis ont demandé de façon répétée et explicite l’extradition de Guzman. Notamment parce qu’ils avaient de sérieux doutes sur la sécurité autour de la prison. Mais Mexico n’a jamais répondu à cette demande. La raison pourrait être des liens étroits qui existeraient entre les cartels de la drogue et des politiques. Le candidat à la présidence des États-Unis Donal Trump a fait de la lutte contre les illégaux Mexicains l’un de ses principaux axes de campagnes. Le FBI a déjà pointé un tweet qui proviendrait de l’entourage de Guzman et qui le menaçait directement. Dans un style fleuri, on prévient monsieur Trump: « Continue comme ça fils de pute et je te ferai ravaler tes paroles de merde ». Il est cependant peu probable que ce tweet a été posté par Guzman en personne puisqu’il a été arrêté en 2014 justement parce qu’on avait réussi à tracer ses communications internet. En attendant, ça fournit des arguments à ce même monsieur Trump.

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