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L’évacuation de la « Jungle » de Calais se fait « dans le calme »

Le Vif

L’évacuation de la « Jungle » de Calais, vaste bidonville de milliers de migrants dans le nord de la France, a commencé lundi « dans le calme » selon le gouvernement français qui a déployé un important disposif logistique sous haute surveillance.

Traînant leur valise, portant leur sac, les migrants entassés depuis des mois dans la « Jungle » de Calais, ont commencé à quitter lundi par autocar le vaste bidonville situé dans le nord de la France, que le gouvernement a décidé d’évacuer. « Bye Bye Jungle ! » lançait un petit groupe au moment du départ. Le premier car affrété vers un des 451 centres d’accueil, répartis sur tout le territoire français a démarré à 08h45. En début d’après-midi, 25 véhicules étaient déjà partis, environ un millier de candidats à la réinstallation avaient embarqué et le ballet se poursuivait au rythme d’un départ tous les quarts d’heure. « Si on arrive à orienter 2.000 à 2.500 personnes lundi, c’est très bien », a estimé Didier Leschi, directeur général de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration).

Une fois vidé, le camp est promis à la démolition. Les pelleteuses devraient commencer dès mardi à déblayer tentes et baraquements, selon le programme prévu par les autorités. Hommes, femmes, enfant venus de différents pays, pour la plupart d’Afghanistan, du Soudan ou d’Erythrée: ils sont 6.000 à 8.000 à s’être installés depuis des mois dans ce campement boueux face aux côtes anglaises, dans l’espoir de traverser la Manche pour commencer une nouvelle vie.

Beaucoup ont décidé de renoncer et pris place dans les files d’attente pour embarquer en car. Malgré des bousculades et quelques altercations, l’opération d’évacuation « se déroule dans le calme et dans la maîtrise », s’est félicité à Paris le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve

Quelque 1.250 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour cette opération qui a suscité des heurts sporadiques dans la nuit, avec quelque 120 grenades lacrymogènes tirées.

A bord du premier car à partir, 50 hommes, tous Soudanais. « Ca fait sept mois que je vivais sur la +Jungle+, j’en avais marre », explique Rahim. « N’importe où en France » sera mieux que les tentes du camp, sourit Bachir, 25 ans, dans son sweat à capuche orange.

‘Pas le choix’

A l’écart, Mohammed, un Éthiopien, regarde les files se former avec scepticisme. « Je veux passer en Grande-Bretagne, les bus ne m’intéressent pas », dit-il avant de faire demi-tour vers le campement.

Tout en se félicitant de la « sérénité » des premiers départs, Christian Salomé, de l’association l’Auberge des migrants, se dit pour sa part « beaucoup plus inquiet pour la fin de la semaine, quand il ne restera que les gens (…) qui persistent à vouloir rejoindre l’Angleterre ». Ils seraient 2.000 dans ce cas, selon lui.

Insécurité, exaspération des populations locales, le camp de Calais était devenu un abcès, empoisonnant le débat autour de l’immigration à six mois de l’élection présidentielle. Il symbolisait aussi l’impuissance de l’Europe à faire face à la pire crise migratoire depuis la seconde guerre mondiale. Fin septembre, le gouvernement socialiste a annoncé le démantèlement en le présentant comme une opération « humanitaire ». Les autorités disent avoir prévu 7.500 places d’hébergement dans différentes localités, ce qui a suscité des réactions parfois très virulentes dans les communes d’accueil.

Dans le centre du pays, un futur centre d’accueil a été légèrement endommagé par un incendie volontaire dans la nuit de dimanche à lundi et certaines communes continuaient à négocier pied à pied lundi le nombre de migrants qu’elles étaient prêtes à recevoir. L’évacuation annoncée n’a pas clos le débat politique. Des membres de l’opposition de droite craignent une multiplication de « mini-Calais » dans toute la France, l’extrême droite prône de renvoyer les migrants dans leur pays d’origine.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont regretté la précipitation des autorités et certaines ne cachent pas leur scepticisme sur la suite.

« Je pense que les gens vont continuer à venir, a estimé Clare Moseley, de l’organisation Care4Calais. « En février, plus de la moitié du camp a été détruit et pourtant sept mois plus tard, il est plus important que jamais », poursuit-elle. « Les migrants ne viennent pas ici parce qu’ils ont le choix mais parce qu’ils ne l’ont pas ».

Point de tension entre Paris et Londres, le traitement des dossiers des quelque 1.300 mineurs isolés sur le campement – dont 500 disent avoir des attaches familiales au Royaume-Uni – s’est accéléré ces derniers jours.

Quelque 200 d’entre eux ont pu rejoindre l’Angleterre la semaine dernière, selon le directeur général de l’association France Terre d’Asile, Pierre Henry. Et d’autres devraient suivre.

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