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L’Europe propose de réformer le très sensible droit d’auteur

Le Vif

La Commission européenne a présenté mercredi une ambitieuse réforme dudroit d’auteur, qui mobilise une partie des artistes et professsionels de l’audiovisuel de l’UE, inquiets du financement futur de leurs créations.

« Le paquet ‘copyright’ de la Commission pourrait saper le financement de l’industrie audiovisuelle avec des résultats discutables pour les spectateurs européens et la diversité culturelle », a immédiatement réagi l’Association des télévisions privées en Europe (ACT) qui compte parmi ses membres le français Canal+ et RTL -basé au Luxembourg et dirigé par un duo belgo-allemand.

Avec son nouveau projet, l’exécutif européen compte faciliter la diffusion de programmes en ligne: dès lors qu’une chaîne dispose d’un droit d’exploitation pour un contenu dans le pays européen où elle est présente, elle pourra le rendre accessible sur le net partout ailleurs dans l’UE, en accord avec les ayants droit.

Actuellement, les chaînes européennes de télévision mettent à disposition sur leur site internet une grande variété de programmes – en direct ou en différé -, mais ces derniers ne sont généralement accessibles sur le net que dans le pays d’origine de la chaîne.

Une série, produite par une chaîne de TV ou qui en a acquis l’exclusivité, peut être éventuellement revendue dans un autre pays européen, ce qui permet à celui qui en a financé la création d’en tirer des revenus.

« La Commission ouvre la boîte de Pandore », a estimé la Fédération Internationale des Associations de Producteurs de Films (FIAPF). « Sans une pleine exclusivité territoriale, il y aura moins d’investissements privés, moins de films produits en Europe demain, plus de difficultés à distribuer hors des frontières nationales », a-t-elle averti.

En revanche, pour le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), cette réforme va dans le bon sens mais pas assez loin: « Pour le consommateur, ne pas pouvoir regarder des séries télévisées, d’événements sportifs ou de films diffusés par le fournisseur européen de son choix est un anachronisme. Nous applaudissons le projet de la Commission mais il y a encore beaucoup à faire pour faire tomber le géoblocage aux oubliettes ».

Les chaînes publiques européennes ont également accueilli positivement les propositions de la Commission.

« Elles permettront effectivement aux audiences de visionner ou d’écouter des émissions des médias de service public émanant de plusieurs pays sur un nombre de supports plus varié », a déclaré Nicola Frank, déléguée aux affaires européennes de l’Union Européenne de radio-télévision (UER), qui représente les chaînes publiques.

Droits des journalistes

Par ailleurs, l’exécutif européen veut faciliter pour les éditeurs de presse la possibilité de réclamer des droits sur les articles mis en ligne et utilisés par Google News, Facebook et d’autres, qui en tirent indirectement des revenus publicitaires.

En créant au niveau européen un « droit voisin » du droit d’auteur pour les éditeurs de presse, la Commission intervient dans le différend qui oppose depuis des années ces derniers aux moteurs de recherche et agrégateurs de contenus, tel Google, qui exploitent leurs productions sans payer quoi que ce soit.

Une initiative, saluée par l’Association des éditeurs européens (ENPA), Carlo Perrone, comme un « pas significatif et historique ».

« Ce droit ne crée pas une taxe sur les liens et n’empêche pas les utilisateurs individuels de partager des liens. Ce droit permettra aux éditeurs de presse dans toute l’Europe de valoriser et protéger leurs contenus éditoriaux dans l’environnement numérique, ce qui renforce le pluralisme des médias, la liberté de la presse et la diversité culturelle », a-t-il dit.

Parallèlement, la Fédération internationale des journalistes (FIJ), basée à Bruxelles et qui revendique 600.000 adhérents dans le monde entier, s’est félicitée de la proposition de la Commission qui à ses yeux « va contribuer à donner davantage de pouvoir aux journalistes en renforçant leur position contractuelle ».

De son côté, l’américain Google a estimé que « l’équilibre approprié n’avait pas encore été atteint », tout en affirmant être prêt à engager la discussion.

Ces réformes, présentées par l’exécutif européen, doivent encore recueillir le feu vert des 28 Etats membres de l’UE et du Parlement européen.

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