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L’Espagne a besoin de plus de bébés, et les spots télé n’y changeront rien

Hagar Jobse
Hagar Jobse Journaliste free-lance pour Knack.

Depuis la crise économique, l’Espagne vieillit à un rythme inquiétant. Le gouvernement essaie de booster le taux de natalité, mais c’est loin d’être évident. « Ici, il est très difficile d’avoir des enfants. »

Aujourd’hui âgée de 37 ans, la Madrilène Marta Marcia avait 32 ans quand elle a eu son premier enfant et elle était la plus jeune mère de son cercle d’amis. « Je ne connais qu’une seule femme qui a eu des enfants avant moi et elle est française », raconte-t-elle en surveillant ses enfants sur une plaine de jeux du centre de Madrid. On remarque effectivement que les mères de la plaine de jeux ne sont plus toutes jeunes. La plupart semblent avoir plus de trente-cinq ans, alors que leurs enfants n’ont pas plus de quatre ans.

Les femmes de la plaine de jeux ne sont pas une exception. Depuis la crise économique de 2008, les femmes espagnoles accouchent de plus en plus tard de leur premier enfant. Une naissance sur trois provient d’une mère de plus de trente-cinq ans, ce qui fait des Espagnoles, et des Italiennes, les mères les plus âgées d’Europe. En outre, ce report de la maternité incite beaucoup de mères à n’avoir qu’un seul enfant.

L’INE (l’Institut national de la statistique) affirme qu’en 2015, le taux de natalité de 420 290 naissances a atteint un niveau plancher. Depuis 2002, le nombre de naissances n’avait jamais été aussi bas. Et au cours des six premiers mois de 2006, le nombre de naissances avait déjà baissé de 4,6% par rapport à l’année d’avant.

Si cette tendance se poursuit, dans cinquante ans, 40% de la population espagnole aura plus de 65 ans. La population active en baisse et le groupe croissant de personnes âgées met le système de pensions en danger. Les pensions espagnoles sont payées en grande partie par l’argent du contribuable. Comme la population active ne fait que baisser, ce système est intenable à long terme. En outre, les coûts des soins de santé grimperont en flèche.

Une campagne médiatique doit inciter la femme espagnole à mettre plus d’enfants au monde. Cette année, la télévision, la radio et le cinéma diffuseront des pubs qui doivent sensibiliser les Espagnols à l’intérêt de la reproduction.

Ana Ramez, une mère célibataire d’un petit garçon de cinq ans ne pense pas que la campagne fera avancer les choses. « J’aurais beaucoup aimé un deuxième enfant », raconte-t-elle. « J’ai même envisagé de recourir à un don de sperme. Mais je suis incapable de payer les soins pour un deuxième enfant. L’état ne donne presque aucun soutien financier aux parents. Les allocations familiales n’existent pas en Espagne, et les garderies sont très chères. »

« À cela s’ajoute qu’en Espagne, les horaires de travail ne sont pas flexibles. Je travaille dans l’enseignement et souvent je ne rentre pas avant 20 heures. Quand je reste chez moi parce que mon fils est malade, cette journée est immédiatement soustraite de mon salaire. » Ses amies, qui sont toujours avec leur partenaire, n’ont qu’un enfant aussi. Ramez : « C’est triste, mais aucune de mes amies n’a plus d’un enfant. Certaines ne pouvaient plus en avoir, et d’autres en étaient incapables financièrement. »

Âgée de 33 ans, Leticia Mejorada reporte également son désir de maternité. « Mon partenaire et moi, nous sommes en couple depuis quinze ans, et nous aimerions beaucoup avoir des enfants. Je travaille comme psychologue et j’ai un emploi jusqu’à cet été. Mais ensuite, je risque de me retrouver à la rue. Mon ami travaille dans l’entreprise familiale et il n’a pas de revenu fixe. À cela s’ajoute qu’en Espagne la crèche coûte minimum 500 euros par mois. »

Aussi Mejorada estime-t-elle que les 1,5 million d’euros investis dans la campagne publicitaire sont de l’argent jeté. « Les femmes n’ont pas besoin de pubs publicitaires pour savoir si elles veulent des enfants, on a l’instinct maternel ou on ne l’a pas. Le gouvernement ferait mieux d’investir cet argent dans l’aide pour jeunes parents, car aujourd’hui, il est très difficile d’avoir des enfants. »

Anthropologue à l’Université UNED de Madrid, Elena Corrochano a étudié le report de maternité parmi les femmes espagnoles. Elle pense que pour que les Espagnoles aient plus d’enfants et s’y mettent plus tôt, il faudrait un bouleversement culturel. « En Espagne, la maternité n’est pas fort appréciée », explique-t-elle. « On accorde beaucoup plus de valeur à la carrière. Il est donc logique que les femmes reportent leur désir de maternité. En outre, les femmes espagnoles ont du mal à combiner le travail et les soins à apporter leurs enfants. En Espagne, une journée de travail se termine généralement à 20 heures. Mais qui s’occupe des enfants jusqu’à cette heure-là ? »

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