« L’Ecosse pourrait utilement redevenir un Etat »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

André Antoine (CDH), député régional, ex-président du Parlement de Wallonie, presse le gouvernement wallon de se mouiller pour la cause écossaise. Et de prêter l’oreille au chant des sirènes indépendantistes.

Commission des relations internationales, Parlement de Wallonie : depuis les bancs de l’opposition, André Antoine (CDH) sonde le ministre-président Elio Di Rupo (PS) sur l’après-Brexit. La saga aura des suites, c’est évident, et le député entend notamment faire partager par le gouvernement wallon le soutien appuyé qu’il plaide en faveur des Ecossais en mal d’autonomie voire d’indépendance. Prudent, le numéro un wallon a préféré ne pas relever. Par les temps qui courent en Belgique, s’appesantir sur la sécession d’un Etat est un peu, beaucoup, délicat.

En quoi le sort des Ecossais ne peut laisser insensible ni indifférent la Wallonie ?

Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne et les Ecossais sont aujourd’hui très tristes. C’est pourquoi j’ai invité le ministre-président Elio Di Rupo (PS) à avoir une pensée pour eux. Parce qu’ils attendent beaucoup de la Wallonie.

Qu’en attendent-ils au juste ?

Lorsqu’il y a deux ans, le bureau du Parlement de Wallonie s’est rendu en mission en Ecosse, il a pu s’entretenir avec la Première ministre Nicola Sturgeon, avec des parlementaires, avec le maire d’Edimbourg Frank Ross. Nous avons enregistré leur volonté de se rapprocher des régions de l’Union européenne et leur espoir de trouver des partenaires dans le chef de celles et ceux qui comme les Belges ont forgé cette Europe. La Wallonie doit plus que jamais pouvoir entendre cet appel alors que le Brexit a radicalement changé la donne et qu’une majorité d’Ecossais, 62%, s’est prononcée pour le maintien dans l’Union européenne. La Région wallonne ne peut rester passive devant la quête d’autonomie de gens qui sont très largement europhiles, face à cette volonté qui se manifeste d’un retour à l’Etat-nation qu’était l’Ecosse jusqu’au début du XVIIIe siècle.

L’Ecosse a été un Etat. Elle pourrait utilement le redevenir ?

Oui, bien sûr, si telle est la volonté du peuple.

Le jour où, comment la Région wallonne devra-t-elle se positionner ?

La question de l’indépendance appartient aux Ecossais, nous n’avons pas de leçons à leur donner. Mais si les Ecossais veulent d’ores et déjà privilégier des relations avec la Région wallonne dans le cadre de leurs compétences actuelles, celle-ci doit répondre présent : par devoir démocratique, par intérêt économique. Il est temps d’agir de manière décomplexée.

Ce n’est pas assez le cas ?

Nous avons à la tête du gouvernement wallon, en la personne d’Elio Di Rupo, un ancien Premier ministre fédéral, une personnalité qui pourrait en faire beaucoup plus mais que l’on sent réservé sur un terrain il est vrai délicat. Le PS a fait le choix d’être le champion d’une Région contre les sécessionnistes de la N-VA et du Vlaams Belang. Mais Elio Di Rupo n’est plus président de parti, il est ministre-président du gouvernement wallon. A travers la question écossaise, je plaide pour que la Région wallonne se montre proactive dans l’établissement de contacts politiques réguliers.

On peut sympathiser pour la cause écossaise et non pour la cause catalane ?

Soutenir Edimbourg, c’est soutenir la Catalogne ? Rien à voir. Les passés sont différents, les courants politiques qui y existent aussi. L’Ecosse est une nation, elle a été un Etat qui s’est uni aux Anglais en 1707 par la volonté de deux couronnes de s’allier. Depuis le XIXe siècle, l’Ecosse s’est remise sur les pas d’une quête d’autonomie, voire d’indépendance. On n’y sent aucune volonté de remise en question de l’Union européenne et l’Ecosse n’est pas dominée par les courants populistes ou extrémistes. Ils souffrent car ils craignent de généraliser la quête des indépendantistes. Cela justifie la compréhension que l’on peut avoir pour leur combat. L’Europe se consolide aussi à Edimbourg. Compter des europhiles au Royaume-Uni, c’est déjà précieux. J’aime beaucoup cette expression : Il faut laisser la lumière allumée pour qu’ils puissent revenir à la maison.

Prendre fait et cause pour une nation qui aspire à se séparer, c’est accepter que cette logique de la sécession puisse s’imposer en Belgique…

Il ne faut pas confondre, la réalité est tout autre en Belgique. Les Régions y sont le résultat d’un démembrement du pays et sans doute, sans Bruxelles, son sort serait réglé depuis longtemps. Mais à ce stade, aucune majorité ne se dessine en Flandre pour réclamer l’indépendance, ni même au sein de la N-VA. Nuance, donc. Notre premier devoir politique, c’est un devoir de connaissance. Il faut connaître les ressorts qui animent une population.

Le voisin anglais pourrait prendre ombrage…

Boris Johnson n’est pas mon ami, c’est vrai. Une offense nous a été faite avec ce départ des Anglais qui affaiblit l’Europe et nous appauvrit. Les Anglais considèrent que les Ecossais sont ingrats mais ceux-ci estiment que le moment de voler de leurs propres ailes est arrivé. On ne peut rester sans réaction.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire