Les moines de Tibéhirine © EPA

L’assassinat des moines de Tibéhirine, un mystère non élucidé

Le Vif

Les sept moines de Tibéhirine, reconnus martyrs samedi par le Vatican en vue de leur béatification, ont été assassinés en 1996 pendant la guerre civile en Algérie, dans des conditions toujours mystérieuses.

Leur destin tragique avait inspiré le film du Français Xavier Beauvois, « Des hommes et des dieux » (2010), Grand Prix du Festival de Cannes.

L’assassinat

Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept frères de l’ordre cistercien de la stricte observance sont enlevés dans leur monastère de Notre-Dame de l’Atlas à Tibéhirine, dans le fief intégriste de Médéa, à 80 km au sud-ouest d’Alger.

Ces moines qui partageaient leur potager avec les habitants de la région et refusaient de partir en dépit de l’insécurité croissante – onze religieux tués entre 1994 et 1995 – sont kidnappés par une vingtaine d’hommes armés.

Les soupçons se dirigent vers le Groupe islamique armé (GIA) dans un pays alors en pleine guerre civile. Une première revendication tombe le 26 avril via un communiqué. Le chef du GIA Djamel Zitouni propose d’échanger les moines contre des membres de cette organisation islamiste faits prisonniers.

Mais le 23 mai, le GIA annonce « avoir tranché la gorge » des otages deux jours auparavant, expliquant ce massacre par le refus du gouvernement français de négocier.

Les têtes des moines trappistes sont retrouvées par l’armée algérienne le 30 mai sur une route près de Médéa, mais pas les corps.

Interrogation

La thèse officielle algérienne d’un crime islamiste va être remise en cause par des témoignages mettant au jour d’autres versions : bavure de l’armée algérienne ou manipulation des services militaires algériens pour discréditer les islamistes.

En juillet 2002, un ancien militaire algérien, Abderrahmane Chouchane, déclare que Djamel Zitouni avait été en même temps le chef des GIA et un agent de la sécurité militaire.

Puis, un ex-cadre de la sécurité militaire algérienne (DRS), Abdelkader Tigha, affirme en décembre 2002 dans les colonnes du quotidien Libération que l’enlèvement des religieux a été ordonné par les autorités d’Alger en utilisant les services du groupe de Zitouni. Les moines seraient ensuite passés entre les mains d’un autre commando du GIA qui les aurait égorgés.

En 2004, le parquet de Paris, saisi par les proches des victimes, ouvre une information judiciaire.

Exhumation

L’enquête est relancée en 2009 avec le témoignage du général François Buchwalter, ancien attaché de Défense français à Alger, devant le juge antiterroriste Marc Trevidic.

Selon l’officier, qui dit tenir ses informations d’un militaire algérien, les moines cisterciens ont été tués par des tirs d’hélicoptères militaires algériens, qui avaient ouvert le feu sur ce qui semblait être un bivouac de djihadistes.

En septembre 2011, un livre du journaliste Jean-Baptiste Rivoire, « Le crime de Tibéhirine », produit de nouveaux témoignages décrivant le rôle moteur supposé des services algériens dans l’enlèvement et l’exécution des moines.

A l’automne 2014, des magistrats et des experts français se rendent en Algérie pour l’exhumation des têtes des moines.

En juillet 2015, les experts jugent « vraisemblable » l' »hypothèse d’un décès entre le 25 et le 27 avril 1996″, plus de trois semaines avant la date annoncée dans la revendication du GIA, alimentant les doutes sur la version officielle.

En revanche, l’absence d’impacts de balles sur les crânes éloigne l’hypothèse de tirs à partir d’aéronefs, rendant moins crédible la version du général Buchwalter.

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