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L’analyse comportementale, un outil pour renforcer la sécurité dans les aéroports

Le Vif

Des spécialistes de la sécurité aérienne réunis à Barcelone ont prôné un renforcement de la détection des comportements suspects dans les aéroports pour mieux lutter contre les menaces terroristes, sans pousser jusqu’aux questionnaires exhaustifs appliqués par Israël.

L’analyse comportementale consiste à « repérer des comportements anormaux tout au long du trajet du passager », depuis son entrée dans l’aérogare jusqu’à son embarquement dans l’avion, explique à l’AFP Erick Bouraï à l’occasion d’un congrès mardi et mercredi. « L’observation est faite, d’abord à distance, par des spécialistes » qui vont interroger la personne en cas de doute, détaille ce responsable des questions de sécurité de l’organisation ACI (Airports council international) en Europe, forte de 500 aéroports sur le continent. Ces techniques sont assez peu répandues en Europe, indique l’expert. Mais les craintes d’attentat, encore alimentées par les attaques de vendredi à Paris et l’explosion en vol d’un avion russe au-dessus du Sinaï, le 31 octobre, font qu’elles intéressent de plus en plus, en complément des scanners corporels et à bagages.

« Les technologies peuvent évoluer, mais la capacité à détecter des anomalies dans le comportement humain ne faiblira jamais », argumente la directrice de la sécurité de l’aéroport américain de Miami, Lauren Stover. Une personne qui évite les agents de sécurité, transpire beaucoup ou est vêtue d’un gros manteau alors qu’elle se rend dans les Caraïbes va attirer l’attention, explique-t-elle, en précisant qu’il s’agit de repérer les éventuelles incohérences entre le passager et sa destination. « Un comportement seul ne suffit pas, c’est la somme de petits détails », complète Ruben Jimenez, chef de la division sécurité de l’aéroport suisse de Genève. Cet aéroport compte former des agents à l’analyse comportementale à partir de 2017. « C’est testé depuis un an dans les aéroports parisiens », indique un porte-parole de la DGAC (direction générale de l’aviation civile). Autre avantage, « beaucoup d’aéroports (dans le monde) n’ont pas le luxe » de s’offrir les scanners dernier cri, d’où l’importance de s’appuyer sur l’humain, estime Anthony Bridges, consultant de l’entreprise britannique Qinetiq.

Contrôles imprévisibles

Tout le personnel, depuis le vendeur du duty free en passant par le serveur d’un restaurant, peut aider à détecter des attitudes suspectes, souligne Lauren Stover.

A l’aéroport de Miami, qui emploie 38.000 personnes, les officiers de police sont formés depuis 2005 pendant une semaine entière, les employés de sécurité pendant une journée et les autres employés sensibilisés pendant une heure, détaille-t-elle. Elle s’inspire des procédés utilisés à l’aéroport international Ben Gourion à Tel Aviv. Les agents de sécurité ne se contentent pas d’observer les passagers, mais les interrogent sur leur provenance, le motif de leur séjour, etc. Un détail jugé inhabituel peut conduire à un interrogatoire plus poussé, voire une fouille corporelle.

Les experts européens se montrent cependant circonspects sur l’intérêt d’aller aussi loin, avec comme conséquences des temps de trajets rallongés pour les passagers et un coût élevé pour les aéroports. « je n’ai pas envie de vivre ça vu l’état de la menace (terroriste) que nous avons en Suisse », reconnaît Ruben Jimenez. Le risque est aussi de « tomber dans le délit de faciès et on doit s’en protéger », avertit le Suisse, sans compter la délicate question de la protection des données personnelles. Pour les experts, l’analyse comportementale ne doit pas venir renforcer la batterie de dispositifs de sécurité sans que soit repensé l’ensemble du système.

Depuis les attaques à l’aide d’avions de ligne lancés sur les tours jumelles de New York le 11 septembre 2001, un empilement de contrôles a été mis en place. « On a une législation très directive qui dit comment on doit contrôler les bagages, les passagers », relève Erick Bouraï. Son avantage est d’offrir un niveau de sécurité équivalent dans tous les aéroports, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Sa limite? « Vous prenez deux fois l’avion, vous savez comment fonctionnent les contrôles », déplore Ruben Jimenez. Il faut rendre le système plus imprévisible, en jouant avec les contrôles humains et la technologie, selon lui. « Je ne dois pas savoir, quand je prends l’avion, si je vais être interviewé, passé au détecteur d’explosifs, faire l’objet d’une fouille manuelle ou de ma voiture au parking », propose le Suisse, dans le but de « rendre la préparation d’un attentat plus compliqué ».

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