Mevlut Cavusoglu et Sigmar Gabriel. © REUTERS

L’Allemagne et la Turquie veulent reprendre un dialogue étroit

Le Vif

Les chefs de la diplomatie turque et allemande ont affiché samedi leur volonté de reprendre un dialogue étroit mis à mal par une année de relations orageuses, au lendemain de la visite du président Erdogan à Paris.

Signe de cette volonté d’apaisement, Mevlüt Cavusoglu a fait le déplacement dans la ville où son homologue allemand, Sigmar Gabriel, a sa circonscription, Goslar, à quelque 250 km à l’ouest de Berlin. Ankara déploie ses efforts pour sortir de son isolement, consécutif à la répression qui a suivi le putsch manqué de 2016, et de renouer un dialogue passablement dégradé avec l’Union européenne.

Les pommes de discordes sont particulièrement nombreuses entre la Turquie et l’Allemagne: Berlin s’est notamment ému de l’arrestation de plusieurs de ses ressortissants en Turquie, certains ayant la double nationalité. Ankara, de son côté, accuse l’Allemagne d’indulgence envers les séparatistes kurdes et des putschistes présumés, et le président Recep Ayyip Erdogan est allé jusqu’à accuser la chancelière de « pratiques nazies ».

Lors d’une conférence de presse commune samedi, Sigmar Gabriel s’est dit « très heureux » que le dialogue entre Berlin et Ankara, partenaires stratégiques du fait de la forte minorité turque vivant en Allemagne, « revienne pas à pas sur une meilleure base ». « Nous nous sommes tous deux donnés pour tâche de tout faire pour surmonter les difficultés dans les relations germano-turques », a déclaré M. Gabriel, précisant privilégier un dialogue « dans l’ouverture et le respect mutuel » même si les deux responsables « n’ont certainement pas le même avis sur tous les sujets ».

« Pressions et menaces »

Ni l’Allemagne, ni la Turquie « ne cèdent devant les pressions, les menaces ou les méthodes similaires », a insisté de son côté le minstre turc M. Cavusoglu. « Ce ne sont pas les bonnes méthodes, selon nous », a-t-il ajouté affirmant la nécessité de relancer la coopération économique entre les deux pays par « le dialogue, la compréhension mutuelle et la coopération ».

La crise a été particulièrement dure ces derniers mois avec l’Allemagne, qui s’est élevée avec véhémence contre l’arrestation en Turquie de plusieurs de ses ressortissants, certains disposant de la double nationalité. Berlin a mis en garde l’été dernier ses touristes contre des voyages en Turquie et ses entreprises contre des investissements dans le pays. L’Allemagne a aussi gelé des exportations d’armement vers ce pays pourtant allié au sein de l’OTAN.

Le gouvernement turc a envoyé depuis novembre plusieurs signaux d’apaisement à Berlin, avec notamment la remise en liberté conditionnelle ou complète de plusieurs personnes détentrices du passeport allemand en Turquie. Mais sept ressortissants allemands, dont 4 disposant de la double nationalité, restent actuellement emprisonnés en Turquie pour des raisons « politiques » selon Berlin. Le sort du correspondant en Turquie du quotidien allemand Die Welt, Deniz Yücel, à la double nationalité, en détention depuis près d’un an et contre lequel aucun acte d’accusation n’a encore été émis, constitue une source majeure de discorde entre Berlin et Ankara.

Vendredi à Paris, Recep Tayyip Erdogan, qui a rencontré le président français Emmanuel Macron, s’en est pris aux journalistes, ces « gens qu’on considère comme des hommes de pensée ou d’idée » mais qui apportent de l’eau au moulin » des extrémistes.

« Nazisme »

Suite à l’interdiction faite à des ministres turcs au printemps de mener campagne en Allemagne pour le référendum renforçant les pouvoirs du chef de l’Etat, M. Erdogan était allé jusqu’à accuser la chancelière Angela Merkel de « pratiques nazies »

Du coup, la chancelière a milité ces derniers mois pour un arrêt des négociations d’adhésion de la Turquie avec l’UE et une réduction des aides financières à ce pays. Mais sans grand succès auprès de ses partenaires, même si le chef de l’Etat français Emmanuel Macron s’est rapproché vendredi de cette position en proposant à la Turquie un « partenariat » avec l’UE plutôt qu’une adhésion.

En Allemagne, M. Cavusoglu a néanmoins insisté sur la nécessité de revoir l’union douanière entre l’UE et la Turquie afin de l’élargir car « c’est dans l’intérêt des deux parties ». L’Allemagne, comme ses voisins européens, ne tiennent pas à rompre complètement les ponts avec un partenaire clé. La Turquie est un maillon essentiel pour contenir les migrants ou lutter contre le terrorisme jihadiste.

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