228665 2018-07-20 Paris France © ISOPIX

L’affaire Benalla se rapproche de Macron

Le Vif

L’affaire Benalla qui secoue la France depuis la semaine dernière, se rapproche du premier cercle du président Emmanuel Macron: deux personnages clés de dossier se sont défaussés lundi sur son directeur de cabinet et le Sénat a annoncé qu’il entendra jeudi sous serment son bras droit.

Le chef de l’Etat, qui fait face à la plus grave crise de son pouvoir depuis son élection en 2017, reste silencieux dans la tempête politique et médiatique qui balaye le pays, l’opposition se montrant extrêmement remontée contre le gouvernement.

Deux hauts responsables, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb et le préfet de police de Paris Michel Delpuech, ont été entendus lundi sous serment par des députés et se sont défaussés sur les membres du cabinet d’Emmanuel Macron de la gestion du cas d’Alexandre Benalla, ce proche du chef de l’Etat, aujourd’hui licencié, filmé le 1er mai en train de molester des manifestants à Paris, arborant un brassard « police » auquel il n’a pas droit.

« Je me suis assuré que le directeur de cabinet de la présidence, employeur de M. Benalla, avait été informé de la situation et que celle-ci était prise en compte », a déclaré Gérard Collomb, un des poids lourds du gouvernement et soutien de la première heure de M. Macron, devant une commission d’enquête parlementaire.

Michel Delpuech a déclaré devant la même commission que, pour lui aussi, « le sujet Benalla était traité par l’autorité hiérarchique dont il dépendait », donc la présidence de la République.

Le 1er mai à Paris, Alexandre Benalla, chargé de la sécurité du président Macron, s’en est pris violemment à des manifestants tandis qu’il était présent en tant qu’observateur dans le dispositif policier. La présidence, informée dès le lendemain, l’a mis à pied pour deux semaines sans pour autant prévenir les autorités judiciaires de ces violences illégitimes.

L’ensemble de l’opposition est très virulente, demandant plus d’explications, soupçonnant le pouvoir d’avoir voulu couvrir un proche du président, voire dénonçant sa volonté de mettre en place une sorte de police parallèle aux vues des prérogatives étendues de M. Benalla, qui n’était que conseiller en charge de la sécurité.

Deux proches collaborateurs du président, son directeur de cabinet Patrick Strozda, et le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, véritable bras droit du chef de l’Etat, se retrouvent maintenant en première ligne. M. Strozda sera entendu sous serment mercredi et M. Kohler jeudi.

Ils seront sans doute interrogés de manière détaillée sur le déroulé des faits survenus après la découverte de la vidéo du 1er mai — qui a décidé quoi ? qui savait quoi ? — et sur les missions exactes de M. Benalla, qui semblaient très larges pour un simple collaborateur, et sur lesquelles MM. Collomb et Delpuech ont laissé entendre qu’ils étaient peu informés.

– « Utilisation médiatique et politique » –

Emmanuel Macron lui reste muet. Il s’est contenté de faire savoir dimanche via son entourage qu’il considérait les faits reprochés à son ex-collaborateur, qui l’accompagnait dans sa vie publique et privée, comme « inacceptables » et qu’il n’y aurait « pas d’impunité ».

Le président a par ailleurs annoncé qu’il n’assisterait pas à une étape du Tour de France mercredi dans les Pyrénées (Sud-Ouest). « Rien à voir » avec l’affaire Benalla, a affirmé son entourage.

L’homme par qui la tempête est arrivée, Alexandre Benalla, 26 ans, est lui en revanche sorti lundi de son silence, par la voix de ses avocats. Il dénonce « l’utilisation médiatique et politique » de son intervention musclée du 1er mai, qu’il a justifiée par la volonté de « prêter main forte » aux policiers face aux manifestants.

« Cette initiative personnelle », selon lui, « sert manifestement aujourd’hui à porter atteinte à la présidence de la République dans des conditions qui défient l’entendement ».

M. Benalla a été mis en examen (inculpé) dimanche soir, notamment pour violence en réunion. Quatre autres personnes sont pour l’instant inculpées dans ce dossier.

En attendant, la vie institutionnelle française est bouleversée par cette affaire, à tel point que l’examen parlementaire de la révision constitutionnelle, suspendu dimanche par la ministre de la Justice vu la paralysie due à l’affaire Benalla, reprendra à la rentrée seulement.

L’Elysée, sous pression, cherche une sortie de crise

La présidence française, soumise à la première grande crise de l’ère Macron avec l’affaire Benalla, a tenté de reprendre la main en annonçant une réorganisation pour éviter de nouveaux « dysfonctionnements » et en promettant que le chef de l’Etat allait sortir de son silence. La contre-offensive a été calée dimanche soir au cours d’une réunion à l’Elysée réunissant, autour d’Emmanuel Macron, le Premier ministre Edouard Philippe, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux et le secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement Christophe Castaner.

Le président Macron est « calme et extrêmement déterminé à ce que la vérité puisse être établie », a assuré lundi M. Griveaux. « Quand l’ensemble des éléments seront établis, le président s’exprimera (…). Il décidera et le dira », disait son entourage dès dimanche soir, précisant que le chef de l’Etat élu en mai 2017 avait qualifié d' »inacceptables » les faits reprochés à son ex-collaborateur, filmé le 1er mai en train de frapper des manifestants.

Depuis les révélations du journal Le Monde mercredi, les responsables de l’opposition ne cessent de cibler avec force le mutisme d’Emmanuel Macron.

Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, sur la sellette lundi matin devant les députés, s’est défendu de toute faute personnelle, renvoyant la responsabilité d’éventuels manquements au préfet de police et au cabinet du président.

Comparaissant à son tour devant les députés lundi après-midi, le préfet de police a quant à lui expliqué avoir pensé que le « sujet Benalla » avait été « traité » par l’Elysée dès le lendemain de la manifestation du 1er mai. Michel Delpuech a raconté avoir contacté le ministère de l’Intérieur, qui lui a répondu être « déjà en liaison » avec la présidence.

« Sous Emmanuel Macron, tout se passe à l’Elysée », a réagi après les auditions Olivier Faure, le patron du Parti socialiste (opposition).

Pour le député LR (opposition, droite) Eric Ciotti, le chef de l’Etat doit avoir « le courage » de s’expliquer car « c’est lui qui est au sommet de cette chaîne (…) de dérapages, de dérive extrêmement grave ».

« C’est donc au cabinet du président qu’il faut aller chercher les responsabilités », a également déclaré Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (extrême droite).

– La sécurité en question –

Avec les auditions et les enquêtes en cours, « il est plus compliqué pour le président de prendre la parole », estime à cet égard Bruno Jeanbart, le directeur des études d’OpinionWay. Selon cet expert, il « aurait dû probablement parler tout de suite » en « reconnaissant une erreur sur la première sanction » infligée à Alexandre Benalla pour avoir frappé un manifestant le 1er mai. « Reconnaître ses erreurs n’est pas infamant du point de vue de l’opinion publique, c’est même plutôt une attitude qui serait attendue », juge-t-il.

Pendant la réunion de crise dimanche, Emmanuel Macron a demandé au secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, de procéder à « une réorganisation pour éviter qu’un tel dysfonctionnement ne se reproduise ». Cet examen devrait porter sur le cabinet dirigé par Patrick Strzoda, un haut-fonctionnaire de 66 ans très expérimenté qui doit à son tour être auditionné dans les prochains jours, mais également concerner le dossier sensible de l’organisation de la sécurité du président, sur laquelle une réflexion est menée depuis plusieurs mois.

Elle vise à rassembler les agents assurant la protection du chef de l’Etat, dont ceux de la police, au sein d’un nouveau pôle, mais se heurte à des réticences, les policiers voyant d’un mauvais oeil la création d’une entité à part, sous l’autorité unique de la présidence.

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