Adam Schiff © Reuters

L’acte d’accusation de Trump lu au Sénat, premier acte de son procès en destitution

Le Vif

Les rancoeurs partisanes ont été mises en sourdine jeudi au Sénat pour le premier acte du procès en destitution de Donald Trump avec la lecture solennelle des chefs d’accusation retenus contre le président des Etats-Unis.

Sept élus démocrates de la Chambre des représentants désignés procureurs se sont présentés à midi devant les sénateurs chargés de juger le président, le troisième seulement de toute l’histoire des Etats-Unis à subir un tel procès.

A leur arrivée, un gradé chargé du protocole, le « sergent d’armes », a appelé les cent élus de la chambre haute du Congrès à « garder le silence, sous peine d’être emprisonnés », avant de donner la parole à Adam Schiff, choisi pour mener cette équipe de procureurs. D’un ton grave, il a lu l’acte d’accusation adopté le 18 décembre par la Chambre, qui a retenu, après un débat houleux et selon des lignes quasi strictement partisanes, deux chefs contre Donald Trump: abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès. Le milliardaire « a agi d’une manière contraire à la confiance placée en un président et subversive pour la conduite du gouvernement », a notamment énoncé M. Schiff.

Selon l’acte d’accusation, le président a demandé à l’Ukraine d’enquêter sur Joe Biden, son rival potentiel à la présidentielle de novembre, et exercé des pressions pour obtenir gain de cause, notamment en gelant une aide militaire cruciale pour ce pays en guerre avec la Russie. Une fois ce chantage révélé, il a entravé l’enquête du Congrès, en interdisant à ses conseillers de témoigner ou de fournir des documents, a encore détaillé Adam Schiff.

Le président assure depuis le début qu’il n’a « rien fait de mal » et se présente en victime d’un « coup monté » orchestré par les démocrates. Les élus républicains font jusqu’ici bloc autour de lui. Donald Trump a donc toutes les chances d’être acquitté au Sénat, où les élus de son parti disposent d’une majorité de 53 sièges.

« Réflexes bestiaux »

Leur chef Mitch McConnell a encore décoché des flèches contre l’opposition jeudi matin dans l’enceinte de la chambre haute, critiquant « une performance visiblement partisane du début à la fin ».

« Mais ça sera différent à partir de maintenant », a ajouté ce fidèle défenseur du président. « L’heure de la Chambre est finie, c’est au tour du Sénat » et « cette assemblée existe pour que nous puissions (…) mettre de côtés nos réflexes bestiaux ». En décembre, il avait été plus loin, reconnaissant se « coordonner » avec la Maison Blanche et ne pas être un juré « impartial » dans ce dossier.

Jeudi après-midi, il devra pourtant, comme l’ensemble de ses collègues, promettre solennellement de « rendre la justice de manière impartiale ». Les cent sénateurs prêteront serment collectivement devant le chef de la Cour suprême des Etats-Unis John Roberts, à qui la Constitution confie le soin de présider le procès. Ils signeront ensuite, quatre par quatre, un « livre de serment » et les débats seront ajournés jusqu’à l’ouverture véritable du procès mardi.

Selon un haut responsable de l’administration, le procès ne devrait pas durer plus de deux semaines. Pendant cette période, les sénateurs devront assister aux audiences, sans sortir de la salle et en respectant le plus grand silence. S’ils ont des questions pour les parties, ils devront les poser par écrit à John Roberts, qui les lira à voix haute.

« Enfreint la loi »

Adam Schiff, l’une des bêtes noires de Donald Trump, portera l’accusation. Chef de la commission du Renseignement de la Chambre, l’élu de 59 ans a supervisé l’enquête en destitution contre le président, qui l’a rebaptisé « Schiff le fourbe ». Son équipe compte six parlementaires démocrates. Avec trois femmes, deux Noirs et une Hispanique, elle reflète la diversité du parti. Nancy Pelosi a expliqué les avoir choisis pour leur « expérience juridique » d’ex-procureurs, d’avocat ou encore de chef de police.

Il faudrait une majorité des deux tiers à la chambre haute pour obtenir une destitution du président, soit la défection de 20 sénateurs républicains, ce qui paraît impossible. Les démocrates espèrent malgré tout que le procès fasse émerger de nouveaux éléments embarrassants pour Donald Trump, et réclament l’audition de quatre proches conseillers du président. Ils ont dévoilé mardi des documents inédits, accablants selon eux, provenant de conversations téléphoniques de Lev Parnas, un Américain d’origine ukrainienne associé de l’avocat personnel du président, Rudy Giuliani.

Dans la foulée, M. Parnas a assuré dans plusieurs médias que Donald Trump « savait exactement ce qui se passait » au sujet des pressions exercées par M. Giuliani sur des responsables ukrainiens. Autre coup dur pour le président: un organisme indépendant de contrôle du gouvernement a estimé jeudi que la Maison Blanche avait « enfreint la loi » en suspendant des fonds destinés à l’Ukraine. « Cela renforce encore le besoin d’avoir de nouveaux documents et des témoins au procès », a commenté Mme Pelosi.

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