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Korea mania: comment la Corée du Sud emballe les Européens

Depuis le succès planétaire de Gangnam Style et de son chanteur dodu, on ne parle plus que d’elle. Mais voilà déjà plusieurs années que la Corée du Sud emballe les Européens. Culture, produits, mode de vie… Folies pour le pays du Matin calme.

D’accord, on sait, vous en avez soupé, de cet improbable borborygme qui tourne en boucle depuis l’été dernier sur tous les supports possibles. Marre de cette danse chevaline imposée par les gamins à la moindre réunion de famille. Marre des détournements et des parodies. N’empêche, difficile de nier qu’avec son Gangnam Style le chanteur sud-coréen Psy est devenu un ultraphénomène. Et, en explosant les records (son clip a été visionné plus de 1 milliard de fois sur YouTube), le clown dodu a offert un coup de projecteur XXL à son pays – qui s’est d’ailleurs empressé de faire de l’ancien bad boy un héros national, ravi de trouver là un nouvel ambassadeur de son entreprise de conquête du monde.

Car, oui « on ne l’a pas vu venir, mais la Corée est entrée dans nos vies comme une espèce invasive ! sourit Vincent Grégoire, directeur de création de l’agence française de styles NellyRodi. L’art de vivre coréen, avec son esthétique tout à la fois rigoureuse, élégante et ludique, est en train de s’imposer. Sans agressivité, mais avec efficacité ». Les preuves ? Elles sont partout : de la firme Samsung, qui n’hésite pas à marcher sur les plates-bandes d’Apple, ou Hyundai, dont les voitures inondent le marché, au Festival de la bande dessinée d’Angoulême, qui, cette année, mettait la Corée à l’honneur, en passant par les rayonnages des librairies, où la section coréenne grignote de plus en plus d’espace. « On sent un véritable engouement chez les lecteurs, confirme Philippe Picquier, directeur des éditions du même nom, spécialisées dans les publications venant d’Extrême-Orient. Un roman traduit du coréen n’est plus une curiosité. »

Pour sa 7e édition, le Festival du film coréen, organisé à Paris en novembre, a été pris d’assaut. Sur Internet, les marques de produits de beauté comme Tony Moly électrisent les blogs féminins.

Et puis, bien sûr, il y a la gastronomie : kimchi et bibimbap éclipsent petit à petit sushis et sashimis. « On comptait une vingtaine de restaurants coréens à Paris en 1999, ils sont plus d’une centaine aujourd’hui, et la plupart des clients sont français », observe Lee Jong-soo, directeur du Centre culturel coréen, qui se dit dépassé par les demandes de cours de langue – en septembre, à la saison des inscriptions, les files d’attente s’allongent sur le trottoir, dès 7 heures. A l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), un numerus clausus a même été instauré en première année…

Mais pourquoi diable la Corée ? « Parce que le Japon », répondent les passionnés de la première heure, qui arrivent souvent à la première par le second. Et parce que le « pays du Matin calme », à l’histoire tourmentée et au dynamisme exalté, laisse rarement indifférent. « Lorsque j’étais en licence de japonais, j’y ai passé deux semaines, en famille d’accueil ; ça a été un coup de coeur », se souvient Delphine. Et puis, pourquoi froncer le nez devant le potentiel d’une filière moins saturée que d’autres, où « faire son trou » ne relève pas (encore) du miracle ? Depuis peu, les jeunes générations d’étudiants en langue qui poussent la porte du Centre culturel coréen ont ajouté à leur objectif professionnel une autre motivation, un peu moins académique, a constaté le directeur de l’organisme, Lee Jong-soo : « Ils veulent apprendre les paroles de leurs chansons K-pop préférées. »

Des séries télé en rupture avec les formats américains

K-quoi ? K-pop, pour, « korean pop », un genre musical aux influences multiples (disco, électro, hip-hop, etc.) porté par des dizaines de groupes, comme Shinee, Girls’ Generation ou Super Junior. Avec leurs physiques très avantageux, leurs looks sexy mais pas trop, leurs mélodies redoutables et leurs chorégraphies millimétrées, ces boys et girls bands font des ravages partout où ils passent, notamment auprès des jeunes filles.

La musique n’est pas l’unique levier du « soft power » coréen : il y a aussi les « dramas ». Ces séries télé, accessibles sur le Web, séduisent les spectateurs lassés des formats et des codes à l’américaine. « Les dramas proposent un choix énorme, ne durent qu’une saison et procurent des émotions fortes : devant, on rit et on pleure très facilement ! » expliquent Elisabeth et Soraya, deux amies fans qui ont créé AsiaHolic, un blog mettant en valeur les sites consacrés à l’Asie. « Les scénarios s’inspirent du quotidien, les spectateurs s’identifient donc très vite », renchérissent Vincent Lecomte et Wook Han, les deux fondateurs de Dramapassion.com. Ce site, qui se définit comme le premier portail Internet de diffusion des séries coréennes en VOD en Europe, reçoit près de 1 million de visites par mois.

Un mode de vie à la fois moderne et traditionnel Au-delà de la force de frappe des produits en elle-même, les valeurs qui leur sont associées – respect des anciens et de la famille, romantisme, solidarité, « positive attitude » – comptent aussi pour beaucoup dans la frénésie actuelle. « Ces idées sont en perte de vitesse dans la plupart des pays occidentaux, il y a un manque à combler », estime Lee Jong-soo. En offrant l’image d’un mode de vie à la fois moderne et traditionnel, festif et sécurisé, cette contrée lointaine charme d’ailleurs de plus en plus les touristes – en 2012, le nombre de visiteurs étrangers a atteint 10 millions, pour 8,8 en 2010. Elle attire aussi les candidats à l’expatriation. « Beaucoup de nos lecteurs rêvent de s’y installer au moins six mois », souligne Jane Carda, rédactrice en chef de Kpop Life Magazine, un bimestriel français qui organise des séjours combinant concerts, visite des lieux de tournage des dramas et découverte du pays.

Nicolas, lui, a sauté le pas : depuis neuf mois, ce titulaire d’un master en marketing est professeur de français à Séoul. « Ce qui me plaît le plus ici, c’est le sentiment que tout est possible, explique le jeune homme de 27 ans. En France, malgré mon diplôme et mon expérience, j’ai connu deux longues périodes de chômage… En Corée, tout va plus vite, tout est plus flexible. Bien sûr, ce n’est pas facile tous les jours : les conditions de travail sont exigeantes et souvent ingrates. On est loin de nos 35 heures et cinq semaines de congé ! Mais je suis satisfait de ma vie et fier de mon choix. La Corée est un pays créatif, volontaire, courageux. » Et qui affiche un taux de croissance annuel compris entre 3 et 4 %… Comment dit-on eldorado en coréen ?

NATACHA CZERWINSKI

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