Pour des sujets controversés, l'intelligence artificielle propose également une version "négative" et "positive" de l'article. © Knowherenews

Knowherenews : quand l’intelligence artificielle remplace les journalistes

Stagiaire Le Vif

Knowherenews est un nouveau média américain qui emploie un journaliste bien particulier : une intelligence artificielle. Grâce à cette technologie, le média prône l’écriture d’articles neutres. Nous l’avons testé et voici comment il fonctionne.

« Les informations les plus impartiales du monde« , telle est la devise de Knowherenews, un nouveau média d’information américain. Knowhere est une start-up qui utilise une intelligence artificielle comme support aux journalistes humains afin de produire des articles d’actualité.

L’intelligence artificielle choisit dans un premier temps un sujet d’actualité populaire sur internet. Elle analyse ensuite plus d’un millier de sources d’information afin de recueillir tous les détails disponibles sur le sujet concerné. Qu’il s’agisse de sites orientés « de gauche », « de centre » ou « de droite », l’intelligence artificielle les observe tous, nous explique le journal Futurism.

Elle rassemble ensuite toutes les données récoltées à partir desquelles elle produit sa propre version « impartiale » de l’histoire. Le résultat : un article neutre, qui contiendrait les faits et uniquement les faits, sans aucun jugement ou préjugé intégré.

L’impartialité, mais pas que…

Pour certains articles, plus politiques, l’intelligence artificielle propose deux versions supplémentaires de l’article : une version « de gauche » et une version « de droite ». Ainsi, dans l’exemple ci-dessous, le titre est complètement différent selon que l’article soi neutre, ou pas. Et cela vaut de même pour le contenu de l’article en question.

« Les informations les plus impartiales du monde », telle est la devise de Knowherenews.© Knowherenews

Dans le cas de l’article impartial, le titre annonce le simple fait : « Le père du suspect de l’attaque de Waffle House a rendu son arme à son fils délirant« . Dans l’article, on explique que le père pourrait faire face à la justice parce qu’il a rendu à son fils son arme auparavant confisquée. On annonce l’acte criminel entrepris par l’accusé qui a mené la police à confisquer l’arme en question. Enfin, on termine l’article en expliquant la paranoïa dont serait atteint le coupable, un état mental qui pourrait l’avoir amené à ces différents actes criminels.

Une version
Une version « de gauche » et une version « de droite » sont proposées en plus de la version « neutre ».© Knowherenews

Dans l’article positionné « de gauche », l’intelligence artificielle a plutôt choisi de titrer comme suit : « Le suspect de l’attaque de Waffle House était certainement motivé par la race et l’extrémisme« . Cette fois-ci, on ressent le jugement dans le titre. On n’annonce pas simplement un fait, on suppose les raisons de l’attaque. Cette fois-ci, l’article comporte des aprioris, dont notamment : « Reinking se serait décrit comme un « citoyen souverain » lorsqu’il avait été interrogé à l’époque, laissant entendre qu’il pourrait avoir un lien avec l’extrémisme antigouvernemental« . Dans l’article, on fait même des suppositions de l’attaque d’après la couleur de peau du suspect et des victimes : « Des questions ont été soulevées au sujet des motivations raciales possibles pour la fusillade parce que Reinking est blanc alors que trois des personnes qu’il est accusé d’avoir tuées étaient noires et l’une était d’origine latine« .

Le titre est complètement différent selon que l'article soi neutre, ou pas.
Le titre est complètement différent selon que l’article soi neutre, ou pas.© Knowherenews

Finalement, dans la dernière version « de droite », le titre comporte des mots forts : « Le père de l’accusé de la tuerie au Waffle House fait face à des accusations criminelles« . Dans cet article, on précise qu’il y a eu une chasse à l’homme, on fait mention du héros James Shaw qui serait intervenu lors de l’attaque pour sauver des vies, on parle de l’incident qui a mené à la confiscation de son arme, en précisant cette fois que c’est le permis d’arme à feu de Reinking qui a été saisi et on fait également mention de sa couleur de peau et de l’origine des personnes décédées.

Une version positive et négative

Pour des sujets controversés, l’intelligence artificielle propose également une version « négative » et « positive » de l’article. Même les photos qui illustrent l’article reflètent ces différences puisque l’intelligence artificielle change d’image à chaque version du sujet.

Pour le côté impartial, on mettra une photo neutre (un portrait par exemple), pour le côté positif, on mettra une image à connotation positive (dans le cas de l’affaire Facebook, on met Mark Zuckerberg en vedette par exemple) et enfin, dans le cas d’un article négatif, la photo donnera l’impression que les choses vont mal (visage défait, scène de bousculade par exemple).

Les photos qui illustrent l'article reflètent le côté positif et négatif.
Les photos qui illustrent l’article reflètent le côté positif et négatif.© Knowherenews

Dans le cas de cet article, la version positive propose un titre qui montre le côté plus positif de l’information qui serait a priori négative : « Le patron de Korean Air s’excuse alors que ses filles coléreuses démissionnent et se déplace pour accroître le rôle des cadres non familiaux« . Dans cet article, on met en avant le fait que le patron de Korean Air a décidé de créer un poste de vice-président qui serait occupé par une personne extérieure à sa famille. Ensuite, on précise l’affaire qui a mené à la démission de l’une de ses filles, tout en précisant ici que le père a présenté ses excuses.

« Le patron de Korean Air s’excuse alors que ses filles coléreuses démissionnent et se déplace pour accroître le rôle des cadres non familiaux ».© Knowherenews

Dans la version négative, on met cette fois en avant l’information opposée à la version positive : « La famille Korean Air assiégée malgré les excuses du père« . Cette fois-ci, on précise en détail les faits qui ont mené à la démission des deux filles. De plus, dans cette version, on ajoute que l’épouse du président pourrait également être en tort dans l’histoire : « La police de Séoul a lancé lundi une enquête pour savoir si l’épouse du président de Korean Air a abusé illégalement des employés« . Enfin, on rajoute une information négative en parlant des perquisitions menées dans les maisons de chacun des membres de la famille qui pourraient être impliqués dans une affaire d’évasion fiscale.

L'intelligence artificielle du site choisit, dans un premier temps, un sujet d'actualité populaire sur internet.
L’intelligence artificielle du site choisit, dans un premier temps, un sujet d’actualité populaire sur internet.© Knowherenews

La fiabilité de l’information prise en compte

Outre l’importance d’une histoire impartiale, le site mettrait aussi en avant la fiabilité de l’information, nous dit encore Futurism. Chaque source est vérifiée, recoupée afin de s’assurer de la véracité des propos tenus. Cela garantirait ainsi la bonne réputation du site en termes de contenus. Nouvelle manière de lutter contre le fake news ?

Il faut savoir que les fake news, un phénomène caractérisé par la diffusion de fausses informations, circulent plus rapidement sur internet que les vraies informations, d’après une étude publiée par la revue Science. Les universitaires responsables de l’étude ont mis en évidence que la propagation de ces fausses informations est davantage due à une action humaine qu’à des bots.

Les journalistes interviennent dans le processus

Si l’intelligence artificielle est bien l’auteure de l’article, le journaliste n’est pas pour autant mis de côté. Le rédacteur en chef et co-fondateur du site, Nathaniel Barling, s’est assuré d’engager plusieurs éditeurs – humains cette fois-ci – afin qu’ils repassent en revue chaque histoire. Une manière de vérifier que le côté « informatique/robotique » de l’écriture ne se ressente pas trop : il faut que le lecteur ait l’impression que le sujet a été écrit par un journaliste réel, et non par un robot.

Ils vont donc apporter des modifications à l’article afin de le rendre plus « humain » et ainsi aider l’intelligence artificielle à s’améliorer avec le temps. Barling lui-même relit les sujets avant qu’ils ne soient mis en ligne. La boucle est alors bouclée.

Le site aurait amassé 1,8 million de dollars en financement de démarrage. Reste à savoir s’il pourra atteindre suffisamment de lecteurs afin d’avoir un véritable un impact sur l’information d’aujourd’hui et peut-être changer la façon dont nous recevons nos nouvelles.

Chavagne Mailys

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