Klaus Töpfer © AFP

Klaus Töpfer, l’homme qui va remettre vos pendules à l’heure

Muriel Lefevre

La plupart des horloges digitales affichent en ce moment six minutes de retard. Un homme, Klaus Töpfer, vient d’être chargé de la mission très particulière de les remettre à l’heure.

Les premiers retards sur les horloges numériques sont apparus à la mi-janvier. Suite à une panne en Serbie et au Kosovo, disait-on alors, le nombre d’hertz transmis par minute sur le réseau est passé de 50 hertz par seconde à 49,996. Comme ça, cela n’a l’air de rien. Dans les faits, cela dérègle toutes les horloges d’appareils reliés au réseau électrique, comme, par exemple, les fours à micro-ondes, les radios-réveils, ou les montres digitales. Cela s’explique par le fait que toutes les 50 impulsions, les horloges digitales avancent d’une seconde. Or, puisque l’alimentation a baissée, de peu mais depuis un certain temps, le retard s’est accumulé pour atteindre désormais les six minutes.

Pas de panne, mais un problème politique

Depuis, on a appris que ce n’était pas une panne qui était la cause de cette baisse dans l’alimentation, mais bien une bisbrouille politique entre la Serbie et le Kosovo. Un désaccord qui les empêche de fournir leur quota d’électricité.

Au centre du problème, il y a le fait que la Serbie ne reconnaît pas l’indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province méridionale. Avec le soutien de la Russie, Belgrade s’oppose, avec succès, à l’entrée du Kosovo à l’ONU et dans diverses organisations internationales. Par exemple au sein de l’ENTSO-E, European Network of Transmission System Operators for Electricity, un réseau interconnecté de lignes à haute tension. Du coup son accès à ce réseau passe par la Serbie avec qui, on l’aura compris, l’ambiance n’est pas au beau fixe. Pourtant Belgrade et Pristina avaient convenu en 2015, dans le cadre du dialogue qu’ils mènent sous la houlette de l’Union européenne, de mettre fin à cette situation sauf qu’aujourd’hui le problème s’enlise et les montres ne sont toujours pas à l’heure.

Deux sons de cloches

L’objet de la discorde actuelle découle directement de cette mésentente. La compagnie serbe de transport d’électricité EMS accuse l’opérateur kosovar (KOSTT) de s’être servi au-delà des quantités « convenues » provoquant un manque de 113 GWh d’électricité dans le réseau commun. Elle aurait bien, au début, tenté de couvrir l’écart, mais ce n’était pas tenable sur la durée puisque l’ardoise s’élèverait déjà 5,5 millions d’euros.

Autre son de cloche du côté du Kosovo. À Pristina, le directeur adjoint du KOSTT, Kadri Kadriu, explique que ce n’est là qu’une réponse à l’approvisionnement en électricité non facturé du nord du Kosovo où vivent 40.000 Serbes qui échappent au contrôle des autorités de Pristina. Selon le gouvernement kosovar, la perte annuelle en raison de ces factures non payées s’élèverait à 9 millions d’euros. Ponctionné plus d’électricité n’est donc qu’une manière de récupérer son dû.

Klaus Töpfer, le négociateur

L’Europe a déjà envoyé, sans grand succès, le commissaire européen à l’Énergie, l’Espagnol Miguel Arias à la rescousse. C’est désormais au tour de Klaus Töpfer, selon le Frankfurter Allgemeine Zeitung, d’aller la semaine prochaine sur place pour tenter de convaincre les deux pays que ce problème concerne l’Europe et qu’il est dans l’intérêt de tout le monde de négocier une trêve. Cet homme de 79 ans est un politicien expérimenté puisqu’il a été ministre de l’Environnement en Allemagne entre 1987 et 1994 et a couvert les mêmes domaines lors de son mandat aux Nations Unies entre 1998 à 2006. Il a notamment participé à la réalisation des accords de Kyoto au point d’avoir sa place au « Kyoto Hall of Fame ». Et si même Töpfer n’y arrive pas ? Il suffira d’attendre la nuit du 24 au 25 mars. On passera alors à l’heure d’été et on devra de toute façon mettre nos horloges à l’heure. De quoi résoudre le problème. Temporairement.

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