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Kim Jong-il, le « cher leader »

Décédé ce samedi, il régnait sur la Corée du Nord depuis 1997. Amateur de bonne chère et de jolies filles, il laisse un pays exsangue et complètement isolé sur la scène diplomatique. Portrait.

Kim Jong-il, le dictateur nord-coréen, est décédé ce samedi. L’annonce officielle de sa mort a été faite ce lundi à la télévision, qui a appelé le peuple à faire de son chagrin une force et à surmonter les difficultés présentes sous la direction de son nouveau dirigeant, Kim Jong-un, troisième fils et successeur désigné de Kim Jong-il.

Ces appels semblent illustrer la volonté des autorités de garantir une transmission la plus stable possible du pouvoir de celui qui aura passé 17 ans à la tête de la RPDC, la République populaire et démocratique de Corée, un pays créé après la Deuxième guerre mondiale. La fin de la colonisation japonaise en 1945 s’était traduite par une division de la péninsule coréenne entre le nord communiste et le sud pro-occidental.

Selon sa biographie officielle, Kim Jong-il a vu le jour le 16 février 1942 sur le mont Paektu, le plus haut sommet de la Corée du Nord. En réalité, il serait né un an plus tôt près de Khabarovsk en URSS. Ce n’est pas le seul mystère qui entoure son existence. Diplômé de sciences économiques à l’université Kim Il-sung de Pyongyang en 1964, il aurait suivi des cours d’anglais à l’université de Malte au début des années 70, où il séjournait à l’invitation du premier ministre de l’île méditerranéenne Dom Mintoff.

En parallèle, il progresse au sein de l’appareil du Parti des travailleurs de Corée, le parti unique nord-coréen. Membre du Politburo en 1968, il prend en charge la propagande dès 1969. En 1974, son père, Kim Il-sung, l’aurait choisi pour lui succéder. Les années qui suivent le voient occuper différentes fonctions, et se livrer à des actes discutables. Certains l’accusent d’avoir planifié l’attentat de Rangoon de 1983, qui a vu la mort de 17 responsables sud-coréens en visite au Myanmar, et celui contre le vol KAL-857, de la Korean Airlines, en 1987.

Amateur de bonne chère, de bon vin, de cigares et de jolies femmes
En 1991, il accède à la tête de l’Armée populaire de Corée. La mort de son père en 1994 ouvre une période d’incertitude. Les Américains tablent même sur un effondrement du régime. Kim Jong-il est finalement nommé à la tête du pays en 1997, officiellement au terme des trois années de deuil à respecter après la mort du père par son fils aîné – une pratique héritée du confucianisme. Le « règne » de celui qui ne voyage qu’en train, apprécie la bonne chair, le bon vin, les cigares et les jolies femmes – il s’est officiellement marié trois fois -, commence alors que la RPDC vit une période délicate. L’effondrement du bloc soviétique l’a privé de précieux soutiens et son économie est exsangue. La famine frappe durement la population.
Kim accepte de s’engager dans une politique de rapprochement avec le Sud. C’est le temps de la Sunshine policy prônée par le président sud-coréen Kim Dae-jung qui aboutit à un sommet historique entre les deux hommes en 2000. Les relations avec les Etats-Unis du président Bill Clinton sont également encourageantes. En 2000 également, le leader nord-coréen accueille à Pyongyang la secrétaire d’État Madeleine Albright.

La situation change avec l’arrivée au pouvoir de George Bush, qui inclut la Corée du Nord dans son « Axe du mal ». La tension qui suit se traduit par une accélération des activités nucléaires de Pyongyang, qui mènera deux essais nucléaires en 2006 et 2009, sanctionnés de multiples sanctions onusiennes. Sur le plan économique, la situation ne s’améliore guère. L’émergence d’une petite classe moyenne grâce au développement d’activités commerciales et aux investissements chinois notamment dans le domaine minier et les activités portuaires, peinent à compenser l’impact des sanctions et les errements politiques, comme la catastrophique réévaluation du won décidée en 2009. Une bonne partie des 24 millions d’habitants reste sous la menace permanente de la famine. A cela s’ajoute le maintien d’un strict culte de la personnalité et d’un refus de tout relâchement de la main-mise de la classe dirigeante sur la population. Même la succession a fait l’objet d’une « planification » sévère. Après son attaque en 2008, Kim Jong-il choisit son troisième fils Jong-un. Depuis, ce dernier a été nommé général quatre étoiles en septembre 2010. Il est associé à toutes les activités paternelles, y compris à son culte de la personnalité. Son demi-frère aîné l’accuse d’avoir tenté de l’assassiner et il aurait supervisé les tirs d’artillerie sur l’île sud-coréenne de Yongpyong en novembre 2010.

Dès la mort du « cher leader », selon la télévision d’État, le peuple et l’armée ont promis de suivre Kim Jong-un, dont nul ne sait où il les conduira, ni même s’il s’imposera à la tête d’un État aux structures secouées par des conflits souvent durs entre conservateurs et réformateurs. C’est tout l’enjeu de la succession, et de l’avenir de la péninsule.

Par Philippe Mesmer, notre correspondant à Tokyo

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