Justin Trudeau © Getty

Justin Trudeau, un politicien comme les autres ?

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Lundi, quelque 27,4 millions de Canadiens éliront leurs 338 députés. S’il y a quatre ans, le charismatique premier ministre Justin Trudeau avait soulevé une vague d’enthousiasme, aujourd’hui il déçoit et risque de perdre sa majorité absolue et de voir un deuxième mandat lui passer sous le nez.

À en croire les derniers sondages, le PLC (Parti libéral du Canada) de Trudeau, obtiendrait entre 31 et 34% des voix alors que le PCC (Parti conservateur du Canada) incarné par le jeune Andrew Scheer atteint entre 32 et 33%. Si ces chiffres se confirment, aucun des deux partis ne dépassera les 170 sièges qui garantissent une majorité absolue.

Fils du Premier ministre Pierre Elliott Trudeau, le jeune politique né un jour de Noël avait pourtant suscité beaucoup d’espoir lorsqu’il avait élu en 2015. Il allait mettre fin à dix ans de politique conservatrice et donner un nouvel élan au pays à la feuille d’érable.

Comme le rappelle le quotidien De Morgen, il comptait accueillir 25 000 réfugiés syriens, il allait soutenir les prochains accords climatiques, il accorderait enfin aux premiers habitants du Canada l’attention et les droits qu’ils méritent, et il légaliserait la marijuana. Alors qu’États-Unis, le populisme de droite incarné par Donald Trump triomphait, le Canada allait s’ouvrir au monde.

Un pipeline de 4,5 milliards

Si Trudeau a tenu une bonne partie de ses promesses (140 sur 230), il en a brisé 63. Ainsi, malgré ses promesses de lutter contre le réchauffement climatique, il a investi 4,5 milliards de dollars dans un pipeline devant acheminer du pétrole du centre du Canada au littoral pour le charger sur des tankers. « J’ai voté pour Justin il y a quatre ans parce que ses projets me plaisaient. Son projet pour le climat en faisait partie. Il a laissé tomber ses électeurs sur d’autres points, mais je ne sais pas comment il a pu investir dans un pipeline », confie une étudiante canadienne au Morgen.

En 2015, celui que l’on surnommait parfois le Kennedy canadien avait pourtant promis lors de la COP 21 à Paris que son pays était prêt à faire des sacrifices pour le climat. « Les peuples autochtones savent depuis des milliers d’années comment prendre soin de notre planète. Les autres, nous, nous avons beaucoup à apprendre. Et pas de temps à perdre », avait-il déclaré.

Un an et demi plus tard, il affirmait devant les géants de l’industrie pétrolière et gazière (dont Total, Shell et BP) qu' »aucun pays ne laisserait dans son sol 173 milliards de barils de pétrole sans les exploiter ». Malgré l’instauration d’une taxe carbone, la fermeture de centrales de charbon, et de normes plus strictes pour les voitures polluantes, il se fait traiter de terroriste climatique lors d’une manifestation pour le climat à Montréal le mois dernier.

Même si le Premier ministre a augmenté les revenus des familles défavorisées, qu’il a arrêté les bombardements en Syrie et qu’il a baissé les impôts sur les revenus moyens, son ambiguïté par rapport à la question climatique risque de lui coûter cher.

Premières nations

Au cours de la campagne, Justin Trudeau a également été accusé de ne pas avoir tenu ses promesses envers les premiers habitants du Canada. Interrogé par De Morgen, Michael LeBourdais, chef de la réserve Whispering Pines, situé près de Kamloops en Colombie-Britannique, estime que pour les peuples autochtones rien n’a changé sous Trudeau.

« C’est écrit ici : la réserve… la terre… appartient Sa Majesté. À l’état donc. Bienvenu au magnifique Canada, mon ami. Oui, c’est un pays magnifique, si l’on est blanc », dit-il, se basant sur la Loi sur les Indiens. « Nous ne sommes même pas propriétaires de nos réserves. Tout appartient au gouvernement. Même ma maison ne m’appartient pas. »

Pour lui, les progressistes s’imaginent que l’argent résout tous les problèmes. « Je ne veux pas d’argent. Nous voulons retrouver notre indépendance. Lorsque nous étions indépendants, nous n’avions pas de sans-abri, de morts par overdose ou d’eau potable que nous ne pouvions pas boire. Ce n’est que depuis le gouvernement s’occupe de nous, que nous avons besoin d’aide », explique-t-il au journal De Morgen.

En revanche, et contrairement à d’autres tribus, il se dit content du nouveau pipeline dont il espère que sa tribu tirera un demi-million de dollars par an. « Ce pipeline est une chance que nous n’obtiendrons jamais autrement. C’est l’occasion de devenir propriétaire de quelque chose. C’est une chance d’être pris au sérieux ».

Scandales

Le mandat de Justin Trudeau a également été marqué par plusieurs scandales. En février 2019, il se voit accusé d’avoir fait pression sur la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, d’ailleurs la première autochtone à occuper ce poste, pour mettre un terme aux poursuites contre le groupe SNC-Lavalin, impliqué dans des scandales de corruption.

Plus récemment, la presse canadienne a publié plusieurs photos et une vidéo le montrant le visage couvert de brun ou de noir lors de soirées privées. Ces images remontent aux années 1990, 2001 pour la plus récente. De quoi ternir un peu plus son image, même si selon Roland Paris, professeur à l’université d’Ottawa et ancien conseiller de Trudeau, « la plupart des Canadiens ne pensent pas qu’il est raciste ». « Si les gens l’avaient soupçonné d’être raciste, je pense que ces images auraient pu mettre fin à sa carrière ».

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