Gérald Papy

Juan Guaido, Anuna De Wever… Les nouvelles figures du courage en politique

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La crise politique au Venezuela met à l’épreuve la diplomatie internationale. Face au chaos économique dans lequel sept ans de présidence de Nicolas Maduro ont plongé le pays, Juan Guaido, qui s’est proclamé chef d’Etat par intérim le 23 janvier, apparaît a priori comme un recours bienvenu, d’autant plus crédible que son discours commence à séduire les habitants les plus paupérisés, bénéficiaires présumés des programmes sociaux mis en place grâce à la rente pétrolière par le président Hugo Chavez (1999 – 2013). Mais les bons sentiments ne font pas une politique étrangère.

Selon qu’ils aient validé ou non la réélection du président Maduro en mai 2018 au terme d’un scrutin boycotté par l’opposition, les acteurs internationaux trouvent une légitimité soit à soutenir le chef de l’Etat  » élu  » (Russie, Cuba, Chine…), soit à reconnaître comme  » président en charge  » celui qui assure la présidence de l’Assemblée nationale (Etats-Unis, Brésil, certains pays européens). Or le précédent irakien a enseigné – à ceux qui l’ignoraient encore – que les grandes puissances se fourvoient quand elles exportent leur modèle en voulant faire le bonheur des peuples contre leur gré. Le soutien occidental à Juan Guaido est donc potentiellement lourd d’effets pervers dans un pays où le nationalisme a survécu aux privations. Au regard de cette hypothèque, la position de l’Union européenne en tant qu’institution, qui offre la médiation d’un groupe de contact commun avec des Etats latino-américains, est la plus sensée pour éviter, faute de basculement inattendu de l’armée, un bain de sang ou une crise interminable.

Il serait malheureux que l’obsession anti-Maduro d’un Donald Trump se retourne contre le jeune dirigeant vénézuélien Juan Guaido.

Il serait malheureux que l’obsession anti-Maduro d’un Donald Trump se retourne in fine contre le jeune dirigeant vénézuélien de 35 ans dont l’irruption sur le devant de la scène politique illustre indéniablement le courage, décrit dans une des acceptions que lui donne la philosophe Cynthia Fleury comme un acte exceptionnel de confrontation avec le  » réel de la mort  » (dans La Fin du courage, Fayard, 2010). L’alliance de la jeunesse et du courage, l’actualité nous en offre d’autres exemples à travers des actes qui, selon la seconde traduction proposée par la chercheuse, relèvent, eux,  » de la lutte incessante contre le découragement ou de la défense d’une décence commune « .

Dans la France des gilets jaunes où embrasser la carrière politique est devenu un sacerdoce, la conduite des listes pour les élections européennes du 26 mai prochain par un nombre inédit de jeunes (1) inspire le respect, si tant est qu’elle ne reflète pas un désintérêt des partis pour ce scrutin. Dans la Belgique empêtrée dans sa complexité institutionnelle, les porte-parole du combat étudiant pour le climat, Anuna De Wever et Adélaïde Charlier, revigorent, elles aussi, le débat politique. Face à telle ministre ou tel  » intellectuel  » prompts à dénoncer, contre toute vraisemblance, un complot ou une instrumentalisation de l’enfance, face donc à ces grincheux assis sur leurs certitudes ou leur intérêts, elles qui n’étaient pas préparées à recevoir autant de coups symbolisent une nouvelle image du courage en politique.

(1) Jordan Bardella, 23 ans (Rassemblement national), Manon Aubry, 29 ans (La France insoumise), Ingrid Levavasseur, 31 ans (Ralliement d’initiative citoyenne), François-Xavier Bellamy, 33 ans (Les Républicains), Ian Brossat, 38 ans (Parti communiste).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire