John Bolton © AFP

John Bolton, le conseiller va-t-en-guerre qui hérisse Pyongyang

Le Vif

Connu pour sa moustache et son style volontiers abrasif, John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, se retrouve dans le viseur de la Corée du Nord, Pyongyang ayant peu apprécié ses comparaisons avec le « modèle libyen » sur la dénucléarisation.

Premier accroc de taille depuis le 8 mars, date à laquelle Donald Trump a annoncé, à la stupéfaction générale, qu’il était prêt à rencontrer Kim Jong Un, le régime nord-coréen a exprimé mercredi son mécontentement. Et menacé d’annuler le sommet historique prévu mi-juin à Singapour entre les deux hommes.

Se tenant soigneusement à l’écart de toute mise en cause direct du locataire de la Maison Blanche, qui affiche régulièrement son enthousiasme pour le face-à-face à venir, Pyongyang s’en est pris avec virulence à son nouveau conseiller, fervent partisan du recours à la force sur la scène internationale.

« Nous avons déjà, par le passé, évoqué la personnalité de Bolton et nous ne cachons pas le dégoût qu’il nous inspire »: le communiqué du ministre adjoint des Affaires étrangères Kim Kye Gwan, ne fait pas dans la nuance.

Si l’impact du changement de ton de la Corée du Nord reste à déterminer –simple posture de négociation ou début de rupture ?– il enfonce un coin dans les différences d’approche au sein de l’administration Trump.

Propulsé il y a moins de deux mois au poste très influent de conseiller à la sécurité nationale (NSC), John Bolton n’est pas un nouveau venu sur ce dossier sensible sur lequel il a toujours été partisan d’une extrême fermeté, ce qui lui avait valu d’être traité de « déchet humain » dans la presse nord-coréenne au début des années 2000.

Celui à qui l’on a parfois reproché, en particulier aux Nations unies, son manque de diplomatie, affirmait fin février, avant son arrivée à la Maison Blanche, qu’il était « parfaitement légitime pour les Etats-Unis » de répondre à la menace représentée par une Corée du Nord nucléaire « en frappant les premiers ».

– « Modèle libyen » ou « modèle Trump » ? –

Mais ce sont ses récents propos sur Fox News, où il a évoqué « le modèle libyen de 2003, 2004 » pour la dénucléarisation promise par le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, qui ont suscité la vive réaction de Pyongyang.

Il faisait allusion à l’abandon en décembre 2003 par le colonel Kadhafi, qui dirigeait alors la Libye, de son programme de développement de l’arme nucléaire. La référence est –pour des raisons évidentes– mal passée: le leader libyen a été tué lors d’un soulèvement soutenu par des bombardements de l’OTAN.

Il s’agit d’une « tentative sinistre d’imposer à notre digne Etat le destin de la Libye et de l’Irak », a lancé le haut-diplomate nord-coréen, évoquant son « indignation ».

Sans désavouer explicitement le nouveau chef du Conseil de sécurité nationale, la Maison Blanche a clairement pris ses distances avec cette comparaison avec le modèle libyen.

« Je n’ai jamais entendu que cela fasse partie de nos discussions. A ma connaissance, ce n’est pas un modèle que nous utilisons », a tranché Sarah Sanders, porte-parole de la Maison Blanche.

« Ce n’est pas le modèle libyen ? », a poursuivi un journaliste.

« C’est le modèle du président Trump. Il va mener les discussions comme il l’entend », a-t-elle ajouté.

Sur d’autres dossiers, en public comme en privé, John Bolton a, depuis son arrivée au 1600 Pennsylvania Avenue, fait valoir une ligne dure qui est sa véritable signature.

« Bolton nous a dit: +Nous voulons que les sanctions fassent mal, il n’y aura pas d’exemptions,+ » raconte un responsable européen après le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement par Washington des sanctions contre Téhéran, qui risquent de nuire aux intérêts européens.

Les développements spectaculaires des dernières 24 heures alimentent aussi les interrogations sur les possibles tensions à venir entre le chef du « NSC », pour lequel un changement de régime semble être la seule véritable solution, et le le chef de la diplomatie, Mike Pompeo, qui s’est a déjà rencontré Kim Jong Un à deux reprises à Pyongyang.

Prédisant un « clash » entre les deux hommes, Thomas Wright, de la Brookings Institution, estimait il y a quelques jours que Trump pourrait rapidement se lasser de ce conseiller à la sécurité nationale aux points de vue très tranchés.

« Trump aime clairement le ton ferme de Bolton, mais, en y regardant de plus près, il y a de vrais différences entre eux. Il redoute sincèrement que Bolton soit trop enclin à lancer une guerre, au lieu de simplement menacer de le faire », écrivait-il.

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