© REUTERS

JO: Jacques Rogge rend les clés du CIO après 12 ans à sa tête

Le Vif

A Buenos Aires le 10 septembre, Jacques Rogge laissera la barre du Comité international olympique (CIO) au terme de douze ans de présidence qui ont permis de restaurer la crédibilité de cette vénérable institution et augmenter la valeur des anneaux.

Quel que soit l’impétrant parmi les six prétendants à sa succession, -l’Allemand Thomas Bach, l’Ukrainien Sergueï Bubka, le Portoricain Richard Carrion, le Singapourien Ng Ser Miang, le Suisse Denis Oswald et le Taïwanais Ching-Kuo Wu -, il peut être tranquille.

D’abord parce que le chirurgien gantois compte lui laisser le champ totalement libre en renonçant à son statut de membre même s’il est, à 71 ans, encore loin d’être concerné par la limite d’âge (80 ans). « Je resterai en contact avec le mouvement sportif et le CIO mais je n’exprimerai pas d’opinion. Je ne veux pas jouer la belle-mère de mon successeur! », a promis depuis plusieurs mois Jacques Rogge, qui aspire à devenir « ce que les Américains appellent un driving grandpa », le papi qui conduit ses petits-enfants à l’école.

Ensuite parce que le prochain patron, qui se verra remettre les clés du CIO lors d’une petite cérémonie à Lausanne en décembre, héritera d’une maison en ordre et aux caisses pleines. Ce qui n’était pas le cas il y a douze ans.

De lui, l’ancien skippeur aimerait laisser l’image d' »un président qui a fait son devoir ». Pas une voix ne s’élèvera pour affirmer le contraire.

Programme plafonné

Aux dérives népotiques de son flamboyant prédécesseur Juan Antonio Samaranch, Jacques Rogge a vite opposé son style sobre et une droiture presque austère, ne cherchant à tirer aucun privilège de sa fonction. Dès son accession à la présidence en 2001, deux ans après le scandale de l’achat des JO-2002 de Salt Lake City, l’ancien chirurgien orthopédique s’est attelé à remettre à l’endroit une maison alors synonyme de corruption en multipliant les mesures d’éthique et de transparence Le grand ménage s’est appliqué aussi aux athlètes.

Face aux affaires de dopage, Jacques Rogge a fait de la « tolérance zéro » son credo et la multiplication des médailles retirées jusqu’à des années plus tard a contribué à réduire le sentiment d’impunité dans les stades. Le Belge s’est efforcé de mettre une limite à la quête du toujours plus grand, toujours plus fort en plafonnant le programme des Jeux d’été à 28 sports et le nombre d’athlètes à 10.500, et d’attirer un jeune public, avec les Jeux Olympiques de la Jeunesse, son bébé.

Si la maison qu’il laisse est en ordre, elle dispose aussi de solides réserves en caisse, si solides que le mouvement olympique pourrait tenir une olympiade en cas d’annulation d’une édition des Jeux.

Le CIO s’est mis à l’abri de la crise grâce aux juteux contrats négociés pour les droits de sponsoring et de diffusion, et le montant record de 4,38 milliards de dollars (3,31 mds d’euros) déboursé par NBC pour avoir l’exclusivité aux Etats-Unis de tous les Jeux de 2014 à 2020 traduit la magie qu’exercent les Jeux.

Mais pour ce grand passionné de sport, la « plus grande satisfaction est d’avoir pu dire que c’étaient des Jeux magnifiques ou exceptionnels lors de la cérémonie de clôture » des six éditions ayant eu lieu sous sa présidence, des JO d’hiver Salt Lake City en 2002 à ceux d’été de Londres en 2012.

Les six hommes qui rêvent d’être le prochain maître des anneaux

Le Comité international olympique (CIO) doit élire le neuvième président de son histoire le 10 septembre à Buenos Aires. Six hommes rêvent d’accéder à la fonction suprême du mouvement sportif:

Thomas Bach, le favori (Allemand, né le 23 décembre 1953)
Le président du Comité olympique allemand passe depuis longtemps pour le futur patron de l’Olympe, depuis trop longtemps peut-être pour ne pas agacer certains de ses pairs. L’ancien escrimeur, sacré au fleuret par équipes aux Jeux de Montréal en 1976, fut le premier à ouvrir officiellement le bal des prétendants en mai. Parfaitement trilingue, doté d’une grande expérience au sein du CIO dont il est l’un des vice-présidents, Thomas Bach a de fait les compétences requises pour le poste. Son mot d’ordre: plus de souplesse dans les procédures de candidatures pour les JO comme dans le programme olympique. Parmi ses multiples activités, cet avocat et homme d’affaires, qui a travaillé notamment pour Adidas et Siemens, dirige la chambre de commerce et d’industrie germano-arabe. Favori, il l’est et le sait. Mais il garde en mémoire le camouflet dans la bataille pour les Jeux d’hiver de 2018 subi par Munich, qu’il défendait.

Sergueï Bubka, la légende de la perche (Ukrainien, né le 4 décembre 1963)
Côté palmarès, aucun autre candidat ne peut rivaliser avec la légende de la perche, qui a fait rêver les foules en devenant le premier homme à franchir 6 m. Si le CIO veut une icône du sport pour patron, Bubka est le candidat idéal, lui qui a poussé la barre toujours plus haut et détient toujours le record du monde (6,14 m, 6,15 m en salle). Mais le champion olympique de Séoul et le sextuple champion du monde électrise bien moins un auditoire qu’un stade. Si sa jeunesse et son énergie sont ses meilleurs atouts face à cinq candidats déjà -ou presque- sexagénaires, plusieurs estiment qu’il peut encore attendre. L’Ukrainien, qui s’est reconverti dans les affaires, connaît bien les deux piliers du mouvement olympique, pour être le président du Comité olympique ukrainien et le vice-président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF).

Richard Carrion, le banquier philanthrope (Portoricain, né le 26 novembre 1952)
Le CIO doit beaucoup à ce banquier portoricain, président de sa commission des finances, qui lui a permis de décrocher le juteux contrat de 4,38 milliards de dollars (3,31 mds d’euros) avec la chaîne américaine NBC pour l’exclusivité des droits télé des Jeux aux Etats-Unis jusqu’en 2020. A l’heure où les institutions sportives tiennent plus de la multinationale que de l’association de bénévoles, ses talents d’homme d’affaires jouent en sa faveur. Mais le PDG de Popular Inc – une institution financière américaine – entend surtout mettre le sport au service de l’humanité, le voyant comme un moyen de réduire les inégalités. Son plus gros défaut: il est le seul des six à n’avoir jamais été athlète de haut niveau.

Ng Ser Miang, le diplomate (Singapourien, né le 6 avril 1949)
Cet ancien compétiteur en voile est à la fois un grand entrepreneur (patron d’une chaîne de supermarchés à Singapour), et un diplomate (actuel ambassadeur non permanent de Singapour en Norvège). Toujours jovial, apprécié pour son extrême gentillesse, Ng Ser Miang pourrait bien devenir le premier Asiatique à diriger le CIO, ce qui permettrait à l’institution d’approcher les défis sous une autre perspective selon lui. En pilotant les tout premiers Jeux de la Jeunesse, chers au président Jacques Rogge, qui ont eu lieu dans la cité-Etat en 2010, le Singapourien a gagné en notoriété au sein de l’Olympe, dont il est l’un des vice-présidents.

Denis Oswald, le professeur émérite (Suisse, né le 9 mai 1947)
Si l’élection ne se jouait qu’au mérite, le président de la Fédération internationale d’aviron (FISA) aurait de grandes chances de l’emporter. Mais Denis Oswald n’est pas un adepte des jeux de coulisses. Médaillé de bronze en aviron aux Jeux de Mexico en 1968, il est resté attaché à son sport, dont il est le patron depuis près de 25 ans. Surtout, cet avocat et professeur de droit polyglotte affiche un impressionnant CV dans le milieu sportif dans lequel il s’est investi à tous les niveaux. Passé par toutes les principales commissions du CIO, il a notamment dirigé la commission de coordination des Jeux d’Athènes en 2004, puis de Londres en 2012. Certains le voyaient bien à la tête l’Agence mondiale antidopage (AMA) mais le Suisse a préféré se lancer dans la course à la présidence du CIO, avec des idées franches à défendre.

Ching-Kuo Wu, l’architecte (Taïwanais, né le 18 octobre 1946)
Joueur de basket-ball dans sa jeunesse, Ching-Kuo Wu dirige depuis 2006 la Fédération internationale de boxe amateur (AIBA). Elle lui doit d’avoir mis un terme à la corruption et poussé pour l’introduction de la boxe féminine aux Jeux, qui a vu le sacre de ses trois premières championnes olympiques à Londres l’an dernier. Cet architecte réputé, aux manières élégantes, est tellement inspiré par l’olympisme qu’il a construit trois musées qui lui sont dédiés, dont le dernier en date a été inauguré en Chine en avril. Ching-Kuo Wu a prévenu que sa présidence se limiterait à un seul mandat de huit ans, suffisant pour mettre en oeuvre sa vision, dans laquelle la lutte contre le dopage et les compétitions truquées sont une priorité.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire