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Jeremy Corbyn, indéfectible chef du Labour malgré la tourmente

Le Vif

Entre son élection et la victoire du Brexit, Jeremy Corbyn a vécu neuf mois tumultueux à la tête du Labour, usant des militants comme d’un bouclier pour parer les coups d’une majorité de députés qui le jugent trop à gauche et incapable de devenir Premier ministre. Samedi, l’une de ces députées, Angela Eagle, a annoncé son intention de poser lundi sa candidature à la tête du parti, ouvrant la voie à une nouvelle élection pour la direction du Labour.

Election, premiers obstacles

Jeremy Corbyn est élu à la tête des travaillistes le 12 septembre 2015 et succède à Ed Miliband, qui avait démissionné après l’échec aux élections législatives de mai.

Agé alors de 66 ans (67 aujourd’hui), celui qui n’avait encore jamais occupé de fonction clef au sein de sa formation peut savourer son triomphe: avec plus de 250.000 voix, soit 59,5% des suffrages, il devance très nettement ses concurrents.

Saluée par les partis Podemos et Syriza, l’élection de ce chantre de la gauche radicale constitue une petite révolution au sein d’un Labour encore sous l’influence de la « troisième voie » centriste de Tony Blair, le « New Labour ».

Déterminé à combattre farouchement la politique d’austérité du gouvernement conservateur de David Cameron, il promet un « nouveau style de politique », plus participative.

Mais la période de grâce est de courte durée, pour peu qu’elle ait existé… Les premières divisions apparaissent et contraignent rapidement Corbyn à mettre les points sur les i en rappelant que « les militants et les sympathisants » qui l’ont élu « veulent et attendent des membres du parti qu’ils coopèrent avec le nouveau leader ».

Vote sur la Syrie, Corbyn fragilisé

Impliqué en Irak dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), le gouvernement conservateur veut étendre ses frappes à la Syrie et souhaite que les députés votent comme un seul homme sur le sujet.

Ardent pacifiste, Jeremy Corbyn prévient qu’il ne soutiendra pas l’option militaire, mais finit, au bout d’un véritable psychodrame, par laisser ses députés voter en leur âme et conscience, tout en signalant que la position du parti serait contre les frappes, finalement votées début décembre.

Ce compromis lui évite certes une rébellion des parlementaires, mais interpelle sur son aptitude à commander ses troupes, tandis que certaines figures du Labour, à l’instar de Hilary Benn, commencent à lui faire de l’ombre.

Quelques semaines plus tard, Corbyn fait le ménage dans la direction du parti, des membres de son cabinet fantôme sont priés de plier bagages, quand d’autres claquent la porte.

Le remaniement laisse des traces et des responsables du Labour fustigent ses « méthodes trotskistes ».

Un eurosceptique en campagne

Eurosceptique convaincu – il avait voté contre l’appartenance à la CEE en 1975 -, Corbyn entre dans la campagne référendaire dans la position d’un équilibriste puisqu’il lui faut convaincre les Britanniques de rester dans une Union européenne dont il n’a jamais vraiment partagé la ligne politico-économique.

Jeremy Corbyn trouve un angle d’attaque en clamant que « nombre des problèmes » du pays sont à imputer au gouvernement conservateur plutôt qu’à l’UE.

Mais là encore, les critiques fusent: Corbyn fait trop peu, trop tard, accusent ses détracteurs en lui reprochant au passage de ne pas répondre aux inquiétudes des classes populaires sur, par exemple, l’immigration, un thème central du référendum.

Corbyn doit gérer dans le même temps des accusations d’antisémitisme au sein du parti et les résultats d’élections locales qui, malgré le gain de la mairie de Londres, voient le Labour continuer de s’effondrer en Ecosse.

Le Brexit et la fronde

Le résultat du référendum tombe le 24 juin au matin et provoque un véritable séisme dans le paysage politique britannique. Les adversaires de Corbyn sautent sur l’occasion et tentent de le pousser à la démission.

Les députés travaillistes votent, par 172 voix contre 40, une motion de défiance, non contraignante, contre Corbyn, et les deux tiers de son « cabinet fantôme » démissionnent. « Ce n’est pas un leader », lance Hilary Benn. Même David Cameron s’y met en déclarant: « Pour l’amour du ciel, partez! ».

C’est sans compter sur la détermination du leader travailliste: Corbyn s’accroche et rappelle, comme il l’avait fait au moment de son élection, qu’il tire d’abord sa légitimité des militants qu’il ne « trahira pas ».

Samedi, son porte-parole a assuré qu’il « va rester le chef du Labour et va contester toute remise en cause de sa gouvernance si elle a lieu ».

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