Le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de son discours au Conseil de l'Europe, le 19 avril. © EPA

Jean-Claude Juncker : « L’Europe interfère trop dans la vie des gens »

Stagiaire Le Vif

Lors d’un débat au Conseil de l’Europe la semaine dernière, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a déclaré que l’Union européenne avait perdu de son attractivité, car elle interfère trop dans la vie des gens. Selon lui, avoir trop régulé a eu pour conséquence principale d’éroder le soutien de la population à l’Union.

Devant des parlementaires nationaux, le Président de la Commission a ajouté ensuite que « l’Union européenne était impliquée dans de trop nombreux domaines dans lesquels les Etats sont bien mieux placés pour prendre des décisions ».

La cote de popularité de l’Union européenne n’a en effet jamais été aussi basse, où la défiance citoyenne et la montée des différents euroscepticismes font désormais partie du quotidien de l’Europe. « Il est vrai que quand on essaye de défendre l’Union européenne actuellement, on n’est pas vraiment très populaire. Dans nos pays, nous ne sommes plus vraiment respectés quand nous mettons en évidence le besoin de donner la priorité à l’Union européenne », a reconnu par après l’ancien Premier ministre luxembourgeois.

Il faut savoir que juste après l’entrée en fonction de Juncker en 2014, la Commission européenne, qui propose les « lois », s’était débarrassé de 80 propositions, dans le but de réduire la « paperasserie ».

« Nous avons eu tort de réguler ainsi et d’interférer trop dans la vie des gens », reconnaît pourtant un homme politique qui a été durant des années une figure de proue de l’intégration européenne.

Ces déclarations interviennent notamment en plein débat sur la sortie ou non du Royaume-Uni de l’Union, dont le référendum a lieu le 23 juin. Et pourraient peut-être donner du grain à moudre au partisan du « Yes », les sondages annonçant pour leur part un résultat « très serré », alors que le « No » avait été encore majoritaire il y a quelques temps.

Une Europe de plus en plus critiquée

A bien y regarder, si le soutien à l’Union européenne s’érode, comme le dit M. Juncker, c’est aussi parce que le système politique tel qu’il se présente aujourd’hui, et les politiques menées par les édiles européennes, ne correspondent plus vraiment aux attentes de la population, et de nombreuses décisions vont à l’encontre de ce que pense et souhaite une partie de moins en moins négligeable de l’opinion publique.

Si les partis plus « extrêmes », et que les eurosceptiques et les partis europhobes ont autant de pouvoir aujourd’hui, tant au Parlement européen que dans plusieurs forces politiques des Etats membres (France, Pays-Bas, Autriche, Allemagne, Royaume-Uni…), c’est certainement en partie à cause du décalage qui existe aujourd’hui entre ce que proposent et décident les différentes institutions et les attentes des citoyens. On entend souvent qu’il existe actuellement une crise de la « représentativité ».

Monsanto, TTIP, Secret des affaires

Récemment, plusieurs décisions ou processus en cours ont provoqué la colère et la grogne d’une partie de la population européenne et a de nouveau creusé un peu plus le fossé qui sépare les parlementaires de leurs électeurs.

Premièrement, en ce qui concerne la décision de Bruxelles de prolonger l’utilisation du glyphosate pour 10 ans, le principe actif du très controversé désherbant « Round Up », commercialisé par l’entreprise américaine Monsanto. Au début du mois de mars, la proposition de prolongation de quinze années n’était pas passée, faute d’accord à la majorité qualifiée. Le produit est jugé par beaucoup comme un danger pour la santé humaine et l’environnement et a même été qualifié de « cancérogène » par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer).

Deuxièmement, les négociations en cours sur le Traité transatlantique. Les inquiétudes autour de cet accord, pour rappel négocié en secret entre l’Europe et les Etats-Unis, ont provoqué de nombreuses protestations au sein de l’opinion publique, qui se montre de plus en plus opposée à cet accord. En Allemagne, notamment, où selon les derniers sondages, 73% de la population est contre.

Enfin, le secret des affaires, voté il y a peu par les parlementaires européens, dans le but de protéger les entreprises contre l’espionnage économique et industriel. Les défenseurs du texte ont bien précisé que la décision ne viendrait pas compromettre les lanceurs d’alertes, mais beaucoup sont sceptiques. On apprenait que le secret des affaires ne devrait pas s’étendre aux cas où la divulgation était d’intérêt public. Mais définir réellement ce qui est d’intérêt public et ce qui ne l’est pas relève encore du casse-tête. Pour le cas des récent des « Panama Papers », « de nombreuses sociétés offshore créées par des entreprises ne tombent pas sous le coup de l’illégalité ; ces entreprises auraient ainsi pu utiliser la directive pour faire taire les médias », apprend-on dans un article du Monde.

Maxime Defays

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